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Interdiction des pratiques génératrices de souffrances des animaux et amélioration de leurs conditions de vie

Peut-on, comme le prévoyait cette proposition de loi dans sa version initiale, légiférer dans le même cadre, et en considérant les mêmes enjeux, sur les chasses, qui sont étroitement liées à la préservation de la biodiversité, et sur l’élevage, qui interroge les modèles sociaux et économiques de l’agriculture ?
Quid, également, des animaux domestiques, absents du champ couvert par ce texte alors même que la Société protectrice des animaux, qui connaît des difficultés récurrentes, constate, avec la crise sanitaire, une recrudescence des actes de malveillance vis-à-vis des animaux de compagnie ?

Des sujets majeurs sont ainsi traités en un temps dérisoire : voilà une opportunité que le Gouvernement a d’ailleurs saisie pour court-circuiter le débat. Mme la ministre Barbara Pompili a d’ores et déjà annoncé deux interdictions : l’élevage de visons et la détention d’animaux sauvages dans les cirques. Elles seront votées, avec nos voix.

Revenons à la chasse : le texte initial concernait environ 5 % des chasses pratiquées dans notre pays, soit une part infime de cette pratique : 50 000 chasseurs sur 1 million recensés en France. La question portait sur le caractère vulnérant des méthodes employées et sur les souffrances infligées au gibier : les bêtes traquées lors des chasses à courre, qui posent également des problèmes en matière d’appropriation de l’espace et de sécurité des personnes ; la vénerie du blaireau, qui inclut des comportements inacceptables et des impacts sur les autres espèces qui cohabitent dans les terriers ; les chasses aux oiseaux de passage, insuffisamment sélectives, voire relevant du braconnage.

Dès lors, faut-il interdire quelques chasses ? Pourquoi pas, nous pouvons en discuter. Nous sommes en tout cas persuadés que toutes les chasses doivent être mieux contrôlées. Les indicateurs de la gendarmerie mentionnent 9 500 actes de cruauté ou mauvais traitements envers les animaux en 2018. Je vous rappelle également que le projet de loi portant création de l’Agence française de la biodiversité, l’AFB, prévoit que « le ministre de l’environnement pourrait déterminer le nombre maximal d’animaux des espèces soumises à gestion adaptative à prélever annuellement et les conditions spécifiques de la chasse de ces espèces ». Souvenez-vous aussi des deux décrets d’avril et juillet 2019 interdisant les pratiques intolérables de la vénerie sous terre et de celui de février 2019 limitant la chasse à courre.

La collectivité a besoin avant tout d’une stricte police de la chasse, ce qui me conduit à vous demander, madame la secrétaire d’État, si vous avez fait tous les efforts nécessaires – je parle d’investissement en hommes et en moyens – pour que cette police de l’environnement, cheville ouvrière de la biodiversité et du bien-être animal, soit physiquement opérationnelle dans nos bois, auprès de nos cours d’eau, à proximité des espaces cultivés.

Alors que vous avez annoncé soixante suppressions de postes d’ici à 2022 au sein des services de l’AFB – mais pas au sein des services départementaux –, nous vous demandons une augmentation des effectifs opérationnels pour que la police de la chasse soit plus puissante.

Concernant l’élevage, nous avons la conviction qu’il ne saurait y avoir d’amélioration du bien-être des animaux de production sans des conditions de vie et de travail décentes des agriculteurs. (MM. Bastien Lachaud et Cédric Villani, rapporteur, applaudissent.) Le bien-être de l’homme et celui de l’animal ne font qu’un, il faut donc les faire progresser ensemble. L’exposé des motifs de M. le rapporteur, dans sa proposition de loi initiale, y faisait d’ailleurs bien référence. Or le modèle agro-industriel a mis à mal la relation entre l’éleveur et l’animal : l’élevage intensif et le développement des fermes-usines provoquent d’insupportables dérives, qui ont été constatées et doivent être punies.

Soyez-en sûrs, cependant : de la même façon que les grandes firmes profitent de l’actuelle politique agricole commune et des traités de libre-échange, elles sauront dépasser les règles normatives supplémentaires au détriment de l’élevage paysan, c’est-à-dire de la préservation de tout un pan de la biodiversité, de la reconquête des espaces ouverts, prairies et bocages, qui forment justement un milieu propre à assurer le bien-être des animaux d’élevage.

Au-delà des normes, il conviendrait de renforcer également la présence des services vétérinaires et des vétérinaires libéraux, référents des éleveurs, dont l’installation en milieu rural se réduit de façon très inquiétante.

Par ailleurs, vous vous êtes empressés, au cours de l’élaboration de cette proposition de loi, de supprimer le fonds de soutien à la transition, ce qui rend, de fait, nombre d’obligations qui pourraient être votées inapplicables par les petits éleveurs.

Je tiens enfin à dire solennellement que le fait que ce débat soit animé par plusieurs personnalités, milliardaires et champions de l’alimentation artificielle – fausse viande, faux œufs (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, UDI-I, LT et LR ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM) –, montre que de puissants intérêts manipulent la légitime sensibilité de nos concitoyens sur cette question. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.) Il faut que les Français sachent que nous assistons à une entreprise de déstabilisation de l’élevage paysan. (Vifs applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, UDI-I, LT et LR ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Nous refusons un débat bâclé, tronqué et toute exploitation démagogique qui pourrait en être faite ! Dans ces conditions, nous voterons ce texte en nous réservant le droit de prendre toutes nos responsabilités concernant les amendements qui seront présentés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, EDS et LaREM.)

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Hubert
Wulfranc

Député de Seine-Maritime (3ème circonscription)

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