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Interdiction licenciement suite à un congé maternité

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, on peut dire que ce texte relatif à la prolongation de l’interdiction de licenciement à l’issue du congé de maternité arrive au bon moment, pour au moins deux raisons. D’abord, il est débattu deux jours après le 8 mars, journée internationale des droits des femmes. Ensuite, il arrive en pleine offensive du Gouvernement contre les protections des salariés. Je tiens donc à saluer cette proposition de loi déposée par le groupe RRDP qui vise à protéger les femmes d’une rupture de leur contrat de travail à l’issue de leur congé de maternité.
Les dispositions contenues dans ce texte prévoient en effet d’allonger de quatre à dix semaines le délai durant lequel les femmes, à l’issue de leur congé de maternité, ne peuvent faire l’objet d’un licenciement. Elles intègrent également une jurisprudence de la Cour de cassation favorable aux salariées prévoyant de reporter le point de départ de la protection au retour du congé payé pris immédiatement après le congé de maternité. Enfin, des dispositions similaires sont envisagées pour les pères qui ne peuvent actuellement être licenciés au cours des quatre semaines suivant la naissance de l’enfant et qui seront désormais également protégés pendant dix semaines après la naissance.
Ces améliorations de la législation sont les bienvenues, d’autant plus que la situation des femmes sur le marché du travail demeure préoccupante. Si au fil du temps les mentalités évoluent et les disparités entre hommes et femmes se réduisent lentement, force est de constater que celles-ci subissent encore de nombreuses discriminations, qu’il s’agisse d’accéder à l’emploi, d’obtenir une rémunération semblable à celle de leurs collègues masculins ou du déroulement de leur carrière professionnelle. Des discriminations encore plus choquantes persistent à l’égard des mères lors du retour à leur poste de travail.
Elles peuvent prendre plusieurs formes : licenciement, pressions pour les inciter à démissionner, changement de poste, freins à une éventuelle promotion interne.
Malgré l’insuffisance de statistiques sur ce sujet, on estime qu’en France 4 % des femmes enceintes perdent leur emploi en raison de leur grossesse, ce qui est inacceptable !
Plus généralement, la maternité continue d’être un facteur pénalisant pour le déroulement de la carrière professionnelle des femmes. Face à ce constat, il est indispensable d’en chercher les causes et d’apporter des réponses.
La durée de protection actuelle de quatre semaines après la fin du congé maternité est extrêmement courte et place les femmes dans une situation de précarité accrue alors même que le foyer compte une personne à charge supplémentaire.
En renforçant le principe fondamental de protection de la femme enceinte et de son contrat de travail, cette proposition de loi représente une indéniable avancée. ll sera désormais impossible à un employeur de licencier sa salariée suite à son congé de maternité pendant une période de dix semaines au lieu de quatre actuellement. Cette protection s’applique également aux femmes et aux couples qui adoptent un enfant, ce qui est essentiel.
Cette proposition de loi est d’autant plus opportune que les derniers textes adoptés en matière de droit du travail fragilisent encore plus les femmes salariées. Je pense non seulement au travail à temps partiel, dont les femmes sont largement les victimes, mais aussi au travail en soirée et le dimanche, voté dans le cadre de la loi Macron et qui concerne en grande partie les femmes, notamment dans le secteur du commerce.
M. Gérard Charasse. Très bien !
Mme Jacqueline Fraysse. Sans parler des mesures annoncées dans le cadre du projet de loi réformant le code du travail, qui s’inscrivent dans cette même logique de recul des droits sociaux au nom, paraît-il, de la défense de l’emploi, ce qui est un mensonge flagrant. Je ne reviens pas sur les propos de M. Schwartzenberg, dont je partage l’analyse.
Dans un tel contexte, il y a lieu de saluer l’objectif de ce texte qui entend au contraire protéger plus fortement le contrat de travail des mères et des pères.
Je voudrais toutefois vous alerter sur le fait que la législation actuelle peut déjà être contournée si l’employeur décide d’utiliser la rupture conventionnelle, ce qui restera bien sûr possible malgré les nouvelles dispositions dont nous débattons. La portée du texte s’en trouvera malheureusement restreinte.
En effet, depuis un arrêt du 25 mars 2015, la Cour de cassation admet que le contrat de travail soit rompu conventionnellement pendant la période de protection.
Bien que ce mode de rupture nécessite l’accord des deux parties au contrat, il est fréquent, malheureusement, que la rupture conventionnelle résulte d’une initiative de l’employeur que les salariées concernées ne sont pas en situation de refuser. De plus, si des pressions ont été exercées, il sera compliqué, en pratique, pour la salariée de le prouver.
Par ailleurs, si ce texte constitue une réelle avancée, il reste très modéré au regard des législations beaucoup plus favorables que plusieurs pays européens appliquent.
Ainsi, en Espagne, la protection contre le licenciement à l’issue du congé de maternité court jusqu’au neuvième mois de l’enfant, et jusqu’au douzième en Italie, ce qui pourrait nous inciter à allonger encore davantage la durée de protection contre le licenciement au retour du congé de maternité.
Rappelons, pour conclure, que la situation des femmes salariées reste indéniablement préoccupante dans notre pays, comme le confirme une étude de la DARES de mars 2015. Les femmes sont en effet plus nombreuses que leurs collègues masculins à occuper des emplois peu qualifiés et des postes à temps partiel. Leur salaire reste toujours inférieur de 10 % à celui des hommes pour un poste équivalent. Quant à leurs perspectives de promotion et de progression salariale, elles sont aujourd’hui encore largement plus faibles.
Pour toutes ces raisons, les députés du Front de gauche voteront sans hésiter ce texte qui constitue une réelle avancée, et permettra de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale pour les parents, les mères comme les pères. Nous invitons cependant la représentation nationale et le Gouvernement à poursuivre le travail pour aller plus loin, tant la situation l’exige. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

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Jacqueline
Fraysse

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