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Inscrire le groupe privé militaire Wagner sur la liste des organisations terroristes

Cette proposition de résolution visant à appeler la France et l’Union européenne à inscrire le groupe militaire privé Wagner sur la liste des organisations terroristes est une excellente occasion de débattre des entreprises de sécurité privées. Si des mercenaires ont été employés depuis qu’existent les guerres entre États, on assiste, avec la montée en puissance du néolibéralisme depuis les années 1980, à une explosion de l’usage des entreprises militaires privées.

S’il est commode de faire appel à elles pour ne pas s’avouer responsable de telle ou telle opération et pour faire croire que la guerre ne fait pas de morts, ces entreprises absorbent des sommes colossales d’argent public. En Afghanistan, en 2011, les personnels de ces entreprises privées étaient plus nombreux que les militaires américains, soit 113 000 contre 90 000. En Irak, ces personnels ont bénéficié d’une immunité légale, ce qui a entraîné de graves débordements comme des exécutions de dizaines de civils commises notamment par l’entreprise Blackwater, et même des cas de torture. L’entreprise CACI a ainsi fourni des tortionnaires à la tristement célèbre prison d’Abou Ghraib.

Depuis quelques années, l’attention s’est déplacée vers la Russie et la compagnie Wagner. Wagner est le surnom du fondateur de ce groupe militaire, Dmitri Outkine, un ancien officier du renseignement militaire russe néonazi, qui l’a choisi en hommage au compositeur préféré d’Hitler. Wagner est surtout le symbole de la porosité de la frontière entre civils et combattants, de l’effacement des frontières entre la paix et la guerre, et de la nouvelle guerre qui se mène sur tous les champs et dans tous les milieux, qui repose aussi bien sur la désinformation ou sur l’usage des cybertechnologies que sur les combats armés.

À l’origine, Wagner n’était qu’un outil de désinformation soutenu par Evgueni Prigojine, l’autre fondateur du groupe, qui servait à relayer la communication officielle russe et la propagande visant à affaiblir les adversaires ou à mobiliser les groupes pro-russes dans des espaces disputés comme le Donbass ou l’Ukraine.

Puis le groupe s’est implanté en Afrique et en Syrie. En République centrafricaine, le travail de propagande n’a malheureusement pas été difficile pour eux, car l’État français n’a jamais été capable de comprendre son rôle délétère dans ses anciennes colonies et n’a jamais voulu voir que sa politique militaire, économique et monétaire en Afrique était totalement rejetée par les populations.

Peu à peu, Wagner a ajouté un pilier militaire à cette machine de propagande, sans jamais avoir d’existence juridique ou légale. Ce flou lui permet d’être présent en Russie malgré l’interdiction du mercenariat dans ce pays. Cela lui évite d’assumer la responsabilité juridique et légale des crimes qu’il commet, ce qui pose un grave problème. En effet, les crimes de masse odieux commis par Wagner ont été documentés au plus haut niveau, notamment aux Nations unies, et sa culpabilité ne semble pas pouvoir être mise en doute.

C’est pourquoi le groupe Gauche démocrate et républicaine votera en faveur de cette résolution, en espérant que l’Union européenne entendra cette demande et que les restrictions de mouvement des personnels et les gels des avoirs seront véritablement efficaces.

Attention cependant à ne pas faire de Wagner l’arbre qui cache la forêt. Le monde des sociétés militaires privées est constellé d’entreprises violentes, aux contours flous, qui agissent dans des zones grises de la légalité internationale. Beaucoup d’entre elles ont violé des droits et commis des crimes dans différents théâtres d’opérations.

Par conséquent, la proposition de résolution aurait été plus forte si elle avait demandé à l’exécutif de s’engager, non seulement à suivre certaines recommandations à l’égard de Wagner, mais plus généralement à effectuer un travail diplomatique afin d’améliorer l’encadrement de l’ensemble de ce secteur, par exemple en renforçant le statut juridique du Document de Montreux et le groupe de travail des Nations unies consacré à ce sujet.

La privatisation de fonctions régaliennes telles que les fonctions militaires devrait rester le plus limitée possible. Certes, ce combat est loin d’être gagné, mais la France s’honorerait à défendre plus fortement cette position.

(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Julien Bayou applaudit également.)

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