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Gratuité des transports scolaires (Niche GDR)

La parole est à M. Alain Bruneel, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
M. Alain Bruneel, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, nous examinons maintenant la proposition de loi relative à la gratuité des transports scolaires, malheureusement rejetée, il y a quelques semaines, par la commission des affaires culturelles et de l’éducation, qui avait la tâche de se prononcer sur ses articles.
Il est dommage que cette proposition n’ait pas pu trouver auprès de nos collègues un écho favorable, car c’est la question même de l’accès à l’école qui est en réalité au cœur de son ambition : c’est l’égalité des chances qu’il s’agit de favoriser en rendant les transports scolaires gratuits. Si chaque membre de la commission a approuvé le principe qui sous-tend cette proposition de loi, elle en a rejeté les modalités pratiques : ce serait trop tôt, ou trop cher. Je dois vous dire que ces arguments sont difficiles à entendre.
D’une part, le rôle d’un député est de faire la loi : notre Parlement ne peut se résoudre à devenir une simple chambre d’enregistrement des volontés présidentielles. Nous ne pouvons nous résoudre à suivre purement et simplement le calendrier dicté par l’exécutif. La méfiance voire la défiance systématique de la majorité vis-à-vis de toutes les initiatives parlementaires est une vraie entorse à notre fonctionnement républicain.
D’autre part, comment accepter que l’on nous oppose le coût trop élevé de cette mesure nécessaire, alors que le budget voté par la majorité de cet hémicycle exonère d’ISF les grandes fortunes et accorde une série de cadeaux fiscaux pour les plus riches de notre pays ?
Vous le savez comme moi, le coût des transports scolaires représente, pour beaucoup de familles, un budget significatif. Lorsque la gratuité de ces transports n’est pas assurée, c’est un sacrifice financier non négligeable qui est exigé d’elles, non sans conséquences sur le déroulement de la scolarité de leurs enfants comme sur leurs choix d’orientation. Je pense notamment aux lycées professionnels, généralement éloignés des domiciles des élèves, du fait d’un maillage territorial plus lâche ; cet éloignement entraîne des coûts supplémentaires, qui peuvent faire échec à un projet scolaire et professionnel.
C’est donc l’égal accès au service public de l’éducation qui est ici en jeu. L’école est gratuite de la maternelle à la classe préparatoire, et nous considérons tous cela comme un acquis social. Nous pouvons cependant aller encore plus loin en prolongeant la traduction concrète de ce principe, qui figure au préambule de la Constitution de 1946, en l’appliquant aux transports scolaires. Permettre à chaque enfant d’accéder à son lieu d’enseignement, au moins jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge où la scolarisation n’est plus obligatoire, revient presque, de mon point de vue, à combler une forme de vide juridique. Bien sûr, les apprentis doivent être également concernés par cette mesure.
Il est évident que cette proposition de loi n’a pas vocation à régler dans le détail les contours de la gratuité. Nous pouvons toutefois débattre entre nous de certains points qu’il faudra trancher au niveau réglementaire ou local. Les questions qui ont été posées par nos collègues sont les suivantes : à partir de quelle distance entre le domicile et l’école doit-on bénéficier du transport scolaire gratuit ? Une contribution minimale doit-elle être exigée des familles ? Faut-il intégrer le quotient familial à l’équation ? La proposition de loi reste ouverte sur ces différents points, car sa vocation première est d’ériger la gratuité en principe.
Je constate que certains amendements proposent une contribution minimale des familles. Nous pourrons donc en débattre lors de l’examen des articles de la proposition de loi.
Au-delà de l’affirmation de ce principe, il me semble que la loi NOTRe – portant nouvelle organisation territoriale de la République – a renforcé la nécessité d’une telle évolution législative. En effet, depuis le 1er septembre 2017, la compétence en matière de transports scolaires a été transférée des départements aux régions. Chaque année, des millions d’élèves sont ainsi transportés par les régions. Toutefois les tarifs appliqués sont extrêmement variables, y compris au sein d’une même région.
Celles-ci ont hérité en grande partie des politiques départementales conduites dans ce domaine. Il importe aujourd’hui de les pousser à harmoniser le coût et la qualité des transports scolaires, qui relèvent de leur compétence. En Occitanie, par exemple, les transports scolaires sont gratuits dans le Lot ou en Haute-Garonne, mais coûtent jusqu’à 220 euros dans le Gard. Une telle situation ne me paraît pas acceptable dès lors que la compétence a été unifiée au niveau régional.
Comment sortir de cette incohérence territoriale autrement que par le haut, en rendant les transports scolaires gratuits sur l’ensemble du territoire ? Il faut profiter de la convergence territoriale que les régions vont bientôt rechercher pour assurer la gratuité des transports sur l’ensemble des territoires, comme l’a fait la région Centre-Val de Loire.
Bien sûr, une fois ce choix fait, se pose la question du financement d’une telle mesure. Les transports scolaires coûtent en moyenne entre 600 et 1 100 euros par enfant et par an aux régions. Les rendre gratuits aura, sur certains territoires, des conséquences financières importantes, d’autant que la TVA ne pourra plus être récupérée sur ce service quand il sera devenu gratuit. La perte est donc double pour les collectivités qui choisissent aujourd’hui la gratuité totale : elles perdent des recettes mais également de la TVA.
L’article 3 de la proposition de loi ouvre une première piste pour compenser les effets de la gratuité des transports scolaires : la généralisation du versement destiné au transport sur l’ensemble du territoire et la création d’une part régionale spécifiquement affectée au financement des transports régionaux. Cette ressource dynamique, qui n’est pas sans lien avec la démographie du territoire, est d’ores et déjà affectée au financement des transports, y compris au niveau régional, en Île-de-France ; il nous paraît judicieux de l’étendre à l’ensemble des régions.
Certains de mes collègues critiquent ce prélèvement, qui pèserait sur des entreprises déjà soumises au versement transport, mais nous pourrions tout à fait envisager de financer cette mesure par le biais d’un versement transport interstitiel, touchant uniquement les territoires qui n’y sont pas soumis aujourd’hui. Les personnes que j’ai auditionnées estiment qu’un tel versement, au taux de 0,4 %, pourrait générer 450 millions d’euros de recettes au profit des régions.
La question de la TVA se pose également avec une certaine acuité ; j’ai déposé à ce propos un amendement permettant de répondre à une demande récurrente des collectivités. Comme vous le savez, les services fiscaux considèrent que l’on ne peut pas récupérer la TVA sur une activité de transports scolaires lorsque la participation des usagers est inférieure à 10 % du coût de revient ; en dessous de ce seuil, ils estiment que le service n’est pas rendu à titre réellement onéreux, du fait de la disproportion entre la contribution de l’usager et la contrepartie reçue. Beaucoup d’acteurs demandent que ce seuil soit abaissé à 5 % puisque le transport scolaire coûte environ 1 000 euros par an et par enfant et que la somme de 100 euros est encore trop importante pour les familles. Une telle mesure permettrait en outre d’accompagner les collectivités vers la gratuité ; elle pourrait constituer une première étape vers la gratuité totale, en permettant, dans un premier temps, d’abaisser la contribution financière exigée des familles.
Avant toute chose, nous souhaitons ouvrir des pistes de travail sur cette question importante pour favoriser la gratuité scolaire sur l’ensemble du territoire, dans l’intérêt des familles. J’ose espérer que l’esprit républicain planera dans cet hémicycle. Cette proposition de loi n’est pas à prendre ou à laisser, mais à discuter. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, NG et FI.)

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Alain
Bruneel

Député du Nord (16ème circonscription)
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