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Gel des matchs de football le 5 mai

Le football est le véhicule de toutes les passions et de toutes les émotions. Il est plus qu’un sport, il est une culture, avec ses codes, son langage, son histoire. Cette histoire est souvent belle, parfois tragique.

Le football est un tout. Furiani fait partie de sa mémoire.

Les stades, ou leurs abords, ont connu de nombreux drames. Le plus souvent, ces drames sont liés à des mouvements de foule, à une mauvaise conception des stades ou à une gestion des forces de l’ordre qui ne permet pas de contenir les spectateurs. Goulots d’étranglement, affrontements entre supporters : les raisons des drames qui touchent les stades de foot se recoupent souvent, hélas.

Celui du 5 mai 1992 ne rentre pas dans ce schéma. Il s’agit, à Furiani, de l’effondrement d’une tribune provisoire, d’une tribune mortelle, à la dangerosité reconnue, d’une tribune mise en place pour faire de l’argent, toujours plus d’argent, en vendant plus de billets.

C’est un crime d’avoir privilégié le profit plutôt que la sécurité, le business plutôt que la fête. On a été jusqu’à produire des faux malgré les mises en garde…

Personne n’a pu, ou voulu, arrêter cette folie : ni l’entreprise, ni la Ligue corse de football, ni le club bastiais, ni les représentants de l’État.

Ce drame n’a pas ébranlé que la Corse ou qu’un club de football. De par son ampleur et du fait de l’accumulation des fautes, il revêt le caractère d’une catastrophe nationale. Nous devons le répéter et le considérer comme tel. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Les 19 morts et les 2 500 blessés n’ont pas été victimes d’un accident ou de la malchance : ils ont été victimes de la cupidité et de la lâcheté.

Je ne reviendrai pas aujourd’hui sur la chaîne de responsabilité ni sur les jugements rendus car, aujourd’hui, c’est aux victimes et à leurs familles que nous devons penser. Je me félicite donc que cette proposition de loi vienne en discussion, les familles des victimes étant particulièrement sensibles à la sacralisation de cette date du 5 mai.

Il y a eu un débat en commission sur la nature de l’hommage à rendre. Il est vrai que dans d’autres pays, des formats différents ont été privilégiés pour des catastrophes qui ont eu lieu dans un stade, mais il me semble que ce n’est pas forcément à la représentation nationale de prendre cette décision. Écoutons tout simplement les familles : elles nous demandent de manière répétée, depuis des années, le gel des matchs de football le 5 mai. Cette mesure n’aura pas de grandes conséquences sur le calendrier des clubs : il n’y a pas chaque année de match de football le 5 mai et, quand c’est le cas, il est aisé de les décaler ou de les avancer d’un jour. Les députés GDR soutiennent donc cette proposition de loi et saluent le travail de M. le rapporteur.

La mémoire des drames qui se sont produits dans les stades est particulièrement forte, notamment au sein des supporters. Pensons à la catastrophe du Heysel, en Belgique, qui causa la mort de trente-neuf personnes, suite à des affrontements et à un mouvement de panique ; pensons à un autre drame, en Angleterre, le 15 avril 1989, où un mouvement de foule a fait quatre-vingt-seize morts ; pensons au stade du 4 janvier, en Angola, où, plus récemment, un mouvement de foule a fait dix-sept morts. Si les causes de ces tragédies sont diverses, comme je le rappelais en préambule, tous ces drames doivent être gardés à l’esprit pour ne pas reproduire les erreurs ou les délits qui en sont à l’origine.

Je conclurai en rendant hommage aux supporters, trop souvent caricaturés. Même s’il faut bien évidemment condamner toutes les violences, les restrictions dont ils font l’objet sont parfois disproportionnées, et ils se sentent alors considérés comme des citoyennes et des citoyens de seconde zone. Un travail est engagé pour donner aux supporters toute leur place, dans le respect des valeurs du sport, et j’y prends ma part avec Sacha Houlié et d’autres parlementaires, ainsi qu’avec le Gouvernement, en l’occurrence vous, madame la ministre, et M. le secrétaire d’État à l’intérieur.

Le football, avant d’être un marché, avant d’être un spectacle, est une aventure humaine, celle des pratiquantes et des pratiquants, et celle des supporters. Le 5 mai 1992 fait partie intégrante de cette mémoire collective. Nous devons aux familles d’accéder à leur demande. Vous l’aurez compris : c’est avec beaucoup d’émotion que notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur tous les bancs.)

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Marie-George
Buffet

Députée de Seine-Saint-Denis (4ème circonscription)

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