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Garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.
M. Jacques Desallangre. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’accès égal aux soins est un sujet majeur qui nous préoccupe depuis longtemps. Aujourd’hui, pour diverses raisons qui tiennent le plus souvent à de trop modestes revenus ou à une pénurie de professionnels de santé sur leur lieu d’habitation, près de 30 % de la population renoncent aux soins de santé ou les retardent. Dans certains départements, l’Aveyron par exemple, il faut parcourir en moyenne un trajet de quarante-cinq minutes en voiture avant de trouver un médecin.
La médecine libérale est en crise. Seulement 10 % des étudiants en médecine s’installent à la sortie de leurs études contre 45 % il y a quinze ans. Les médecins libéraux faisant valoir leur droit à la retraite ne sont donc pas remplacés et des cantons entiers sont peu à peu menacés de désertification médicale.
Le Gouvernement et la majorité savent sans doute que la moitié des jeunes médecins qui terminent leurs études préférèrent exercer en contrat salarié et dans des structures collectives. Exactement ce que sont nos centres de santé qui non seulement répondent aux besoins de la population, y compris à ceux des plus démunis car les tarifs pratiqués sont ceux du secteur 1, mais correspondent aux souhaits des jeunes médecins qui veulent exercer en équipe avec un plateau technique et dans un cadre sécurisé.
Mais vous vous obstinez à les fermer, obnubilés que vous êtes par le dogme de la médecine libérale et par l’image d’Épinal du notable libéral de province battant nuit et jour la campagne, armé de son stéthoscope et de son tensiomètre. Cette médecine-là est dépassée, c’est un fait. Vous préférez privilégier les maisons de santé, d’exercice libéral, souvent financées avec de l’argent public mais sans l’obligation de pratiquer le tiers-payant, d’appliquer les tarifs conventionnels ou même de plafonner les dépassements d’honoraires. Vous avez d’ailleurs sans cesse repoussé nos amendements sur ce point.
Dans ces conditions, vous êtes bien mal placés pour vous poser en défenseurs de l’égalité d’accès aux soins.
La question de la répartition des professionnels de santé sur le territoire a été traitée avec la même insuffisance par votre majorité. Après avoir, pendant des années, diminué de façon drastique le nombre de médecins formés, vous avez augmenté au compte-gouttes le numerus clausus et refusé de dégager des moyens supplémentaires pour la formation des médecins généralistes au niveau requis par la gravité de la situation, et pour leur affectation là où leur présence est indispensable.
Dès 2002, vous avez remis en cause l’obligation pour les médecins libéraux de participer à la permanence des soins, et vous n’avez jamais appliqué les quelques mesures figurant dans la loi HPST comme, par exemple, le contrat santé solidarité en direction des médecins qui exercent dans des zones surdotées. Vous avez fini par supprimer cette disposition à la faveur de l’examen de la loi Fourcade au printemps dernier. Un sort identique a été réservé à l’obligation de déclarer ses dates de congés à l’Ordre national des médecins au prétexte ahurissant que cela serait humiliant pour la profession médicale – impossible, dans ces conditions, d’organiser les remplacements et les soins en leur absence.
À ces choix clientélistes s’ajoute votre politique d’aménagement du territoire qui, depuis des années, non seulement accompagne la désindustrialisation mais conduit à la fermeture des services publics – écoles, bureaux de poste, tribunaux, lignes de transports, gares – qui progressivement sont tous mis à mal. Et je ne reviendrai pas sur le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
Si l’on ajoute le véritable jeu de massacre auquel vous vous êtes livrés en fermant maternités, hôpitaux de proximité et services d’urgences, il ne faut pas s’étonner que, dans certains territoires, les médecins libéraux ne s’installent pas. Car pour travailler sérieusement et assurer la sécurité de leurs patients, ces mêmes médecins ont impérativement besoin de plateaux techniques de proximité et de structures d’accueil et de soins.
C’est dans ce contexte que, soudain, à quelques semaines de la fin de la législature et à quelques mois de la présidentielle, on nous présente un texte censé résoudre le problème sérieux et réel des déserts médicaux. La ficelle est un peu grosse pour masquer son caractère électoraliste et son contenu inapplicable.
M. Philippe Vigier, rapporteur. Avec vous, ce n’est jamais le moment !
M. Jacques Desallangre. Vous avez tout de même disposé d’un peu de temps, mes chers collègues…
M. Guy Lefrand. Notre collègue Vigier ne mérite pas cela !
M. Philippe Vigier, rapporteur. Vous oubliez, monsieur Desallangre, qu’il s’agit d’une proposition de loi et non d’un projet de loi !
M. Jacques Desallangre. Vous proposez en effet un stage de douze mois – qui vient s’ajouter à une formation déjà très longue – dans un hôpital de proximité ou une maison de santé en zone déficitaire, là ou précisément il n’y en a plus.
Vous instaurez soudain un internat régional sans aucune concertation avec les intéressés pour en évaluer la faisabilité et les conséquences qui effectivement mériteraient d’être étudiées. Mais alors pourquoi ne l’avez-vous pas fait plus tôt ? Je le répète : vous avez eu le temps.
M. Guy Lefrand. Nous aurons le temps…
M. Jacques Desallangre. Je vous le souhaite mais j’en doute.
Quant aux mesures coercitives que vous avez choisi d’éviter jusqu’alors, je doute de leur mise en œuvre, d’autant qu’elles semblent ne s’appliquer qu’aux généralistes, ce qui crée une grave inégalité de traitement avec les autres spécialités. Bref, ce texte est un affichage à visée publicitaire et pourtant il traite d’un sujet douloureux.
Pensez-vous sérieusement pouvoir garantir un égal accès aux soins sur tout le territoire, comme l’annonce le titre du texte, répondre à un enjeu social et de santé publique devenu crucial en faisant simplement travailler des médecins retraités, par exemple ? Des médecins qui percevront leur retraite en continuant à être rémunérés par la sécurité sociale, sans verser à leur tour de cotisations ! Je trouve cela affligeant.
Ce texte est insuffisant par manque de volonté. Il est évident que, dans ces conditions, les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront contre.

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Jacques
Desallangre

Député de Aisne (4ème circonscription)
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