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Garantir l’égalité et la liberté dans l’attribution et le choix du nom

La proposition de loi visant à garantir l’égalité et la liberté dans l’attribution et le choix du nom répond à un double objectif : faciliter la vie des familles et mieux refléter, dans les possibilités offertes par le droit, des identités parfois sources de souffrance. Le texte offre une réponse pertinente aux demandes des associations et à celles de milliers de nos concitoyens qui nous alertent sur les difficultés résultant de la rigidité du droit actuel, quand bien même celui-ci a évolué en la matière, en particulier depuis la loi de 2002.

Un nom, c’est une histoire, c’est notre propre insertion dans l’histoire. Il nous rappelle que la construction d’un individu est aussi faite de symboles et de représentations. Un nom de famille n’est donc pas un matricule, il est l’identifiant puissant d’une personne, de son passé : il est un emblème dont on peut être fier, ce qui est heureusement le cas pour beaucoup d’entre nous. Mais on peut aussi éprouver à son endroit, malheureusement, de la honte ou de la colère, car il peut témoigner d’un passé douloureux que l’on voudrait chasser mais qui s’attarde indûment. Comment ne pas comprendre la douleur d’un enfant ou d’un adulte obligé de porter le nom de famille d’un père absent ou violent ou d’un parent maltraitant ? Comment admettre que ce nom réprouvé sera celui que l’on transmettra à ses propres enfants, témoignage d’un passé méprisé qui s’invite encore et encore, se perpétuant, pour ainsi dire, de force dans l’avenir de ses propres descendants ? Comment ne pas, tout simplement, entendre les difficultés d’une mère qui, assumant seule la charge d’élever ses enfants, se voit en toute occasion, à l’école, à l’hôpital, au club sportif, obligée de prouver qu’elle est bien leur mère en sortant à tout bout de champ son livret de famille, comme l’a rappelé M. le garde des sceaux ?

La proposition de loi répond à ces difficultés sans modifier profondément, et a fortiori sans affaiblir, l’édifice du code civil et notre état civil.

La proposition de loi représente une nouvelle évolution du droit, lequel est passé progressivement de l’automaticité de l’attribution du nom du père à la possibilité d’inscrire le nom de la mère et, désormais, à celle de changer, substituer ou compléter son nom de famille par une simple demande à l’officier de l’état civil. Ce droit à changer, et non plus seulement à demander de changer, est une réelle avancée que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutiendra.

Le nom de famille est constitutif de l’identité de chacune et chacun. Il permet de se situer soi-même dans une histoire familiale, tout en se projetant vers l’avenir pour sa propre transmission. Il est donc indispensable que chaque individu puisse assumer pleinement et sereinement ce ou ces noms issus de la filiation, qui seront eux-mêmes transmis à leurs enfants.

La souplesse accordée par le texte, tant en sécurisant l’emploi du nom d’usage qu’en facilitant le changement du nom inscrit sur l’acte de naissance, traduit également une volonté de ne pas invisibiliser la mère dans la filiation. Même si ce n’est pas l’objet direct de ce texte, comme en témoigne le changement de son titre en commission, c’est là, du moins en partie, le sens des différentes réformes de l’état civil survenues depuis la loi de 1985 : le passage progressif du patronyme, dont l’étymologie renvoie au père, au nom de famille.

Encore aujourd’hui, 85 % des enfants qui naissent portent seulement le nom de leur père, ce qui est bien sûr le résultat du poids des traditions, la société restant profondément marquée par le patriarcat. La société nous demande de faire bouger les choses. Il est de notre responsabilité d’adapter le droit à cette exigence et de nous assurer que chaque futur parent soit informé qu’il est possible, sinon souhaitable, que le nom de l’enfant témoigne de l’identité de ses deux parents. De ce point de vue, l’exemple de l’Espagne, où les deux noms sont systématiquement accolés, est souvent cité. Nous aurons peut-être à y réfléchir par la suite.

Oui, mes chers collègues, il est indispensable et urgent de faire évoluer le droit. La nécessité d’un motif réputé légitime, la soumission à une procédure lourde impliquant la publication d’un décret du ministère de la justice, avec un taux d’acceptation des demandes inférieur à 50 % : tout cela n’est plus en adéquation avec les demandes. C’est d’ailleurs pour cette raison que la jurisprudence de notre pays a évolué ces dernières années, en reconnaissant la légitimité du motif affectif dans les demandes de changement de nom.

Aussi cette proposition de loi, en offrant une réponse pertinente à des problèmes réels, sans pour autant fragiliser le droit de la filiation, doit-elle entrer en vigueur rapidement. C’est pourquoi notre groupe votera ce texte et remercie le rapporteur pour son travail. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

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