Nous sommes conviés ce soir à nous prononcer sur une proposition de résolution dont l’examen a été interrompu l’an dernier par la dissolution – mais vous avez réussi à franchir les obstacles, madame la rapporteure. (Sourires.) En premier lieu, ce texte invite les États membres de l’Union européenne à reconnaître la criminalité environnementale comme une menace réelle et sérieuse, nécessitant une réponse judiciaire efficace et coordonnée au niveau européen, et appelle à renforcer la coopération entre les États membres en matière de collecte et d’échange d’informations sur les affaires de criminalité environnementale. Il forme ensuite le vœu de la création d’un parquet vert européen, grâce à l’extension des compétences du parquet européen, afin de spécialiser celui-ci dans la lutte contre la criminalité environnementale grave et transnationale, s’agissant en particulier des trafics de déchets, de substances dangereuses, réglementées ou interdites, ainsi que de faune et de flore protégées.
Les députés du groupe GDR accueillent favorablement la création d’un parquet vert européen qui pourrait constituer un levier majeur de promotion et de développement d’une véritable stratégie judiciaire européenne de protection de l’environnement. Compte tenu du caractère transfrontalier de certaines infractions à l’environnement, l’échelle européenne semble la plus appropriée pour y répondre, tous les États n’ayant pas la même ardeur à poursuivre ces infractions.
Si nous sommes convaincus de l’utilité de ce parquet spécialisé, encore faut-il s’entendre sur son champ de compétences. Dans une optique minimaliste, l’instance pourrait se contenter de veiller aux intérêts financiers de l’Union en contrôlant l’usage des aides consenties au titre des politiques environnementales. Une approche plus ambitieuse pourrait lui confier la compétence d’engager les poursuites sur l’ensemble des infractions prévues par la directive du 11 avril 2024 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal.
La proposition de résolution qui nous est soumise privilégie un entre-deux. Si elle reconnaît que la nouvelle directive pourrait servir de base à la compétence d’un futur parquet vert européen agissant dans un cadre légal entièrement harmonisé, elle ne vise formellement que les infractions identifiées comme entrant dans le champ de la criminalité la plus grave, celle relevant du crime organisé et de la grande délinquance financière.
Une telle approche nous semble trop restrictive. Parmi les apports de la directive adoptée l’an dernier, figure en effet l’actualisation de la liste des infractions : onze nouvelles infractions sont ajoutées, dont le trafic de bois, l’épuisement des ressources en eau, le recyclage illicite de navires ou encore les infractions à la législation sur les produits chimiques. Votre texte n’y fait malheureusement pas référence. Votre approche permettrait-elle encore d’instruire des dossiers tels que la fraude aux moteurs diesel de Volkswagen ou les projets du groupe TotalEnergies en Afrique, qui ont fait l’objet d’une résolution d’urgence du Parlement européen en 2022 dénonçant les violations des droits humains et les risques majeurs pour l’environnement et le climat ? Rien n’est moins sûr puisque la résolution ne fait formellement référence qu’aux seules activités mafieuses relevant de la criminalité organisée.
Étant donné que les compétences du parquet européen sont limitées par les traités aux infractions présentant un caractère transnational et qui touchent au moins deux États membres, nous ne comprenons pas cette prudence, d’autant plus malvenue que l’Europe fait aujourd’hui volte-face sur ses ambitions écologiques, détricotant les outils qui permettaient de tenir les objectifs du pacte vert, et que le président de la République lui emboîte le pas en remettant en cause le devoir de vigilance des multinationales et leurs obligations de reporting environnemental.
En dépit de ses insuffisances, d’un manque d’ambition calibré pour ne pas froisser des intérêts économiques puissants, nous voterons bien évidemment cette proposition de résolution européenne dont le mérite est de s’inscrire dans le mouvement de fond visant à prévenir et à mieux sanctionner les atteintes graves à l’environnement.
Discussions générales
Extension des compétences du parquet européen aux infractions à l’environnement (PPR européenne)
Publié le 10 juin 2025
Julien
Brugerolles
Député
du
Puy-de-Dôme (5ème circonscription)