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Environnement : instaurer une planification écologique

Monsieur le président, mes chers collègues, je ne reviens pas sur le contexte que Mme Billard a bien développé. Mais, madame la secrétaire d’état, en entendant vos derniers propos, je me suis demandé s’il valait encore la peine de débattre de projets concernant l’environnement dans cet hémicycle dans la mesure où le « groupe des cinq » devrait tout faire à notre place.
A la veille du sommet de Copenhague, qui mettra le développement durable au cœur de l’actualité pour des raisons climatiques, cette proposition de loi vise à instaurer un plan écologique de la nation, afin de définir des choix stratégiques aux contenus et objectifs forts, appelant de fait, à repenser nos modes de production, de consommation.
Comment les repenser, pourquoi et pour qui ?
Face à la crise économique, sociale, écologique, il est urgent d’effectuer les mutations industrielles et technologiques qui s’imposent pour garantir le droit de chacun à satisfaire ses besoins vitaux et à un environnement de qualité.
La France, avec ses salariés qualifiés, compétents, ses outils industriels et technologiques, a la capacité de faire des choix courageux, novateurs, utiles au monde. Cela suppose de produire autrement, de développer la recherche pour des matériaux novateurs, performants, dans l’industrie, l’habitat, l’agriculture, les transports.
J’illustrerai ces affirmations en prenant des exemples dans la Pointe de Caux et dans ma circonscription, la plus industrielle de France.
Pour ce qui est de l’énergie tout d’abord : les énergies fossiles, charbon, gaz et pétrole vont se raréfier dans quelques dizaines d’années. Il faut donc dès à présent consacrer des moyens importants à mettre en place des alternatives.
Dans ces conditions, est-il utile de construire le port méthanier d’Antifer, à Saint-Jouin-de-Bruneval près d’Étretat ? Qui sert-il ? Et qui dessert-il ? Répond-il à cet enjeu que vous venez de décrire, de protéger l’environnement et ne pas subir les diktats de l’économie ?
Pour ce qui est de l’automobile ensuite : parce qu’elle est facteur de liberté et de mobilité pour les individus, elle a un avenir même s’il ne prendra certainement pas les mêmes formes qu’auparavant. Pour préserver la filière, ne devons-nous pas la faire évoluer grâce à des matériaux composites recyclables, des moteurs à propulsion non carbonés, moins consommateurs d’essence et de gasole, et, à terme, des systèmes utilisant l’électricité comme source d’énergie ? Les salariés de Renault-Sandouville dans ma circonscription ont présenté un projet industriel pour l’avenir du site que j’ai soumis au gouvernement il y a peu. Pourquoi ne pas les entendre et les soutenir ?
Les mutations écologiques, oui, les délocalisations non !
Pour ce qui est de la chimie et la pétrochimie : la semaine dernière, M. Estrosi nous expliquait que « pour l’automobile, c’est réglé ; il reste les sous-traitants, mais je m’en occupe. Mais je suis très inquiet pour la chimie. » L’inquiétude du ministre de l’industrie ne me rassure pas. Pour l’instant en effet, la chimie a l’air de résister. Dans ces industries, on ne peut rester passif face à la fin programmée du tout pétrole. Il s’agit de l’anticiper. Je proposerai d’ailleurs un grand débat sur l’avenir de la chimie et de la pétrochimie, avec tous les acteurs concernés sur les thèmes suivants : « Quelle doit être la chimie du XXIe siècle ? Pour quels besoins ? Avec quelles matières premières ? Quel rôle la chimie peut-elle jouer dans le recyclage et l’économie circulaire ? Les matières premières de demain ne sont-elles pas les déchets d’aujourd’hui ?
Pour ce qui est de l’aéronautique également : le transport aérien consomme beaucoup d’énergie et pollue beaucoup. Les moteurs à réaction, sous leur forme actuelle, sont remis en cause. Chez Aircelle, dans ma circonscription, les ouvriers hautement qualifiés qui construisent les matériaux composites utilisés pour les nacelles qui tiennent les moteurs à réaction sur l’A380 sont inquiets. Mais ces matériaux composites peuvent se substituer au métal pour les éoliennes, les carénages de train et autres véhicules, bref, répondre à de nouveaux besoins. Quelle synergie impulser ? Et qui doit l’impulser ?
Pour ce qui est de l’agriculture, si vitale, il faut revenir à une politique sûre et de qualité, productive et non productiviste, Martine Billard l’a bien dit, rémunératrice du travail, diversifiée. Dans le Pays de Caux comme dans de nombreuses régions, trop d’exploitations familiales disparaissent chaque année, alors que c’est sur elles que repose l’équilibre de nos territoires.
L’habitat quant à lui bénéficie de progrès novateurs concernant l’isolation phonique et thermique. Les économies d’énergie ont un impact direct sur notre qualité de vie et sur la réduction des factures carbone.
Il faut libérer l’innovation en matière de techniques et de matériaux, investir dans les restructurations de l’habitat avec ambition, et exiger des programmes de formation considérables pour les professions du bâtiment.
En matière de transport, si l’automobile demeure, le transport collectif doit être une réponse aux besoins, tant en milieu urbain que rural, et chacun doit disposer de transport collectif de proximité à moindre coût.
Dans le domaine du fret dont vous avez parlé, madame la secrétaire d’État, nous devons nous engager dans une politique ambitieuse tournée vers le ferroviaire et le fluvial. Un plan ferroviaire sans précédent doit être impulsé pour un maillage plus dense du territoire avec, par exemple, la traversée de l’estuaire de la Seine. Ces modes de transport doivent supplanter le tout routier, prédateur de notre atmosphère et néfaste à la sécurité. Le ferroviaire comme le fluvial ont un double avantage : ils sont peu générateurs de CO2, et ils permettent de déplacer une grande capacité de fret par voyage.
Des projets sont en cours ; encore devons-nous nous assurer qu’ils ne seront pas sous-utilisés. Ainsi, au Havre, on nous propose de creuser un nouveau canal. Mais ce projet s’accompagne-t-il de mesures nationales imposant que les marchandises non périssables soient obligatoirement acheminées par le fleuve ?
Le transport fluvial est certes plus lent que le transport routier, mais il permet bien d’aller jusqu’à Gennevilliers. (Sourires.)
Ces quelques exemples sont autant de liens pour une planification écologique économique, sociale, efficace, fiable et utile aux hommes et à la planète.
Mais nous avons aussi des mesures radicales à prendre pour éradiquer la famine et pour réduire les gaz à effet de serre. Il faut commencer par produire là où l’on consomme, au plus près des besoins humains. Nous ne pouvons plus continuer à regarder les marchandises sillonner les mers pendant que les salariés chôment en France, que la précarité se développe, que la misère monte d’un cran et que des peuples meurent de faim.
Nous avons l’obligation de recycler à l’infini, autant que faire se peut, ce que nous consommons, y compris les déchets. Ce que nous sommes capables de construire, nous sommes capables de le déconstruire et nous pouvons valoriser les matières. Nous savons le faire et nous devons le faire au plus près.
Ces mesures à elles seules répondraient en partie aux défis à relever. Outre l’effet sur l’écologie, elles auraient aussi un effet protecteur pour l’emploi, l’économie et le social.
La nature a ses lois. Elle ne connaît pas le profit. Les climats, les sols savent ce qui peut pousser ou non à tel ou tel endroit. La loi du marché ne peut être la réponse adéquate à la protection de notre planète et de ses habitants. Les exigences des capitaux sont souvent incompatibles avec les besoins humains. Ce n’est pas une théorie, c’est un constat ! Les capitaux vont là où c’est rentable. Il faut agir pour qu’ils aillent là où c’est utile et, pour cela, il faut l’intervention publique et démocratique.
Or nous constatons que le système capitaliste ne peut pas répondre aux enjeux de protection de notre planète. Le développement durable nécessite des bouleversements et l’adoption d’autres comportements à l’échelle mondiale. Si nous devons inciter les citoyens à modifier leurs habitudes, nous avons le devoir de les accompagner dans cette démarche. Nous ne pouvons demander à des femmes, des hommes, des enfants de s’impliquer dans la protection de l’environnement, quand eux-mêmes ne se sentent pas protégés.
Nous avons la responsabilité de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs, ce qui passe par un nouveau modèle de société où prime l’intérêt général en lieu et place des intérêts privés.
Cela suppose que soit menée une forte politique d’action publique autour de services publics redynamisés. Il faut aussi en créer certains, en particulier un Commissariat à la planification écologique, afin de maîtriser et de contrôler sur le long terme les dispositifs à mettre en œuvre, et les moyens financiers à consacrer cette démarche, en y associant les citoyens, tous les acteurs sociaux et économiques.
Cela suppose de rompre avec la « concurrence libre et non faussée » qui n’a rien de libre, et qui est totalement faussée, puisqu’elle asservi les hommes, qu’elle les réduit à de simples consommateurs, et qu’elle entrave l’émancipation humaine en même temps qu’elle détruit la planète.
L’État doit se saisir de cette grande cause nationale et mondiale.
Comme nous l’a montré Martine Billard, cette proposition de loi a pour objectif de poser les fondations d’une planification écologique de l’économie dont les Français, les Européens et toute l’humanité ont besoin.
Elle s’inscrit pleinement dans la poursuite de la planification européenne qui, depuis de nombreuses années, pose les bornes en matière de pollution ou de protection des espaces naturels et de la biodiversité. Elle s’inscrit aussi pleinement dans la démarche de Copenhague.
Lorsque l’on parle de la planète, nos concitoyens ont l’habitude de répondre que ce n’est ni une affaire de droite ni une affaire de gauche, mais que c’est l’affaire de tous. Madame la secrétaire d’État, nous vous proposons qu’il en soit ainsi aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)
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