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Environnement : engagement national pour l’environnement (Grenelle II)

Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mesdames les secrétaires d’État, chers collègues, mon intervention sera moins poétique que la précédente.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine avait demandé, dans le cadre de la semaine dite de contrôle de l’Assemblée nationale, la tenue d’un débat sur le développement des transports ferroviaires publics. Ce débat s’est tenu le 24 février dernier.
Malgré la confirmation de certains investissements, d’ailleurs concentrés sur les lignes à grande vitesse, nous continuons de penser que l’effort du Gouvernement en direction du rail n’est pas à la hauteur des défis économiques, environnementaux et sociaux auxquels est actuellement confronté le pays.
Alors que les besoins en investissement sont colossaux, le fameux grand emprunt ne prévoit pas un euro pour le ferroviaire. Il n’est pas possible, alors que le trafic de fret ferroviaire augmente partout en Europe et dans le monde, de voir la SNCF diminuer les tonnages transportés, et affaiblir son service en remettant des camions supplémentaires sur les routes.
S’il faut aider la SNCF à développer un transport fret performant, c’est au Gouvernement de le faire. Pour l’instant, personne ne voit l’effet des milliards d’euros annoncés pour développer ce secteur. C’est une vraie question.
Il faut bien aborder ce problème politique de fond car le Gouvernement ne s’est pas encore résolu à faire du rail la priorité des priorités. Or il s’agit d’une question majeure pour le développement économique, pour la sécurité et évidemment pour l’environnement puisque le rail émet dix fois moins de gaz à effet de serre que la route.
Malheureusement, après avoir transféré du fret ferroviaire sur la route, vous venez de reporter, pour des raisons peu évidentes, la taxe concernant les poids lourds. Décidément, nous avons du mal à avancer.
Bien sûr, je continue de penser, avec mes collègues communistes, républicains et du Parti de gauche, qu’il y a une incompatibilité totale à vouloir soumettre une activité d’intérêt général, publique, à une concurrence débridée, sur fond de recherche d’une rentabilité déraisonnable, quel qu’en soit le coût aux plans humain, social, environnemental et quelles que soient les répercussions sur la qualité du service pour nos concitoyens.
Venons-en à la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, la troisième radiale nationale. La commission a repoussé l’amendement que j’avais déposé sur ce sujet, sous prétexte que cette ligne entrerait en concurrence avec une future ligne à grande vitesse reliant Paris, le Centre et l’Auvergne à Lyon dans dix à quinze ans.
Les Français ont beau avoir la réputation de ne pas être très forts en géographie, il y a des limites à l’ignorance, en particulier dans cet hémicycle. Il ne peut exister de concurrence géographique entre ces deux lignes qui ne desservent pas les mêmes territoires : l’une se dirige vers le sud-est et l’autre vers le sud-ouest. Il ne peut pas davantage y avoir de concurrence financière puisque construire une ligne à grande vitesse sur des centaines de kilomètres n’a rien à voir avec moderniser une ligne de façon progressive.
Les deux projets n’ont pas du tout le même timing : la ligne Paris–Orléans–Clermont-Ferrand–Lyon se fera dans dix, quinze, voire vingt ans ; la modernisation de l’axe Paris-Orléans-Limoges-Toulouse peut être mise en œuvre non seulement par phases, mais avec une première étape à très court terme permettant, dans les deux à cinq ans à venir, une amélioration importante de la desserte voyageurs et du fret vers le Centre et le Sud.
En outre, en vous demandant d’inscrire la modernisation de cette ligne nationale, car joignant Paris à Toulouse, dans ce Grenelle 2, je ne fais que me conformer aux prescriptions actées par le Grenelle 1 et que je veux rappeler.
L’article 11-II, premier alinéa, du Grenelle 1, indique qu’il convient de donner « la priorité à la régénération et à la modernisation du réseau existant. » L’article 12-III, alinéa 3, propose la mise en œuvre de péréquation pour le financement des dessertes des territoires à l’écart du réseau grande vitesse. La nécessité de moderniser les lignes classiques est donc partie intégrante des choix du Grenelle 1.
Demander l’inscription de la modernisation de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse n’est pas demander l’inscription d’une ligne classique quelconque. Outre le fait qu’elle est la ligne historique Paris-Toulouse, sa longueur et la dimension des territoires qu’elle dessert en font une colonne vertébrale nécessaire à l’aménagement du territoire mais aussi à nos échanges économiques. En effet, cette ligne traverse onze aires urbaines représentant plus de deux millions d’habitants – trois millions d’habitants avec l’ensemble des territoires desservis – et elle comporte huit carrefours ferroviaires et quatre transversales.
Cette ligne permet aussi l’accès à sept ports, ce qui la rend indispensable à une vraie politique de développement du fret ferroviaire.
Après discussion avec notre rapporteur Serge Grouard que je remercie d’être attentif à cette question, il apparaît qu’il n’y a pas de concurrence mais une totale complémentarité entre cette ligne et les deux lignes à grande vitesse, allant l’une vers Bordeaux, l’autre vers Lyon.
Cela est tellement vrai que l’on peut – et que l’on doit – imaginer une connexion de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse à la future ligne à grande vitesse Paris-Centre-Auvergne-Lyon, à hauteur de Vierzon par exemple, afin d’accroître la performance et l’utilité de ces deux lignes. D’ailleurs, une rame TGV fonctionne actuellement avec succès, celle qui relie Brive à Lille en passant par Limoges, Châteauroux et Vierzon au rythme d’un aller-retour par jour.
Ainsi, la nécessité de repositionner cette ligne comme une ligne d’intérêt national est évidente à tout point de vue : aménagement du territoire ; nécessaire développement du fret ; limitation des émissions de gaz à effet de serre ; complémentarité avec la ligne à grande vitesse Paris-Centre-Auvergne-Lyon ; immédiateté avec laquelle on peut apporter des améliorations décisives en termes de matériel, d’infrastructures, de temps de parcours.
De plus, ce repositionnement peut se faire à un coût extrêmement faible comparé à la mise en œuvre d’une ligne à grande vitesse, et dans un temps de financement différent.
Nous avons et nous aurons besoin à l’avenir de trois radiales pour les voyageurs et le fret. M. Lebœuf, directeur des grands projets à la SNCF, estime que la saturation actuelle et future des deux radiales – vers Bordeaux et vers Lyon – oblige à moderniser l’axe Paris-Toulouse par Orléans, Vierzon, Châteauroux et Limoges. Ces propos, peu contestables, ont été confirmés aujourd’hui même par M. Delion, directeur général de RFF.
Comme je viens de le rappeler, le financement n’a rien à voir avec le coût d’une ligne à grande vitesse. De plus, je propose d’apporter des améliorations en trois étapes s’échelonnant entre l’immédiat et l’échéance de dix à quinze ans, c’est-à-dire le moment où commenceront les investissements pour la ligne à grande vitesse Paris-Clermont-Ferrand-Lyon.
Vous ne pouvez ignorer qu’une modernisation importante de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse est soutenue par huit parlementaires, quinze maires, quatre présidents de conseil général, trois présidents de région, toutes les associations de la ligne et les syndicats. N’ignorez pas ces territoires et leur population !
J’ajoute, comme j’ai eu l’occasion de le dire au Premier ministre lorsqu’il a reçu les présidents de groupe au sujet du grand emprunt, que celui-ci ne comporte rien sur le ferroviaire, ce qui est une hérésie ; à telle enseigne, d’ailleurs, que notre très mesuré et pertinent rapporteur général du budget, Gilles Carrez, a proposé, lors du projet de loi de finances rectificative pour 2010 examiné en février dernier, de réserver une partie des 35 milliards d’euros au ferroviaire. Selon lui, cette réserve pourrait être de 4 à 5 milliards d’euros.
Madame la secrétaire d’État auprès du ministre de l’écologie – puisque monsieur le ministre d’État a provisoirement quitté l’hémicycle –, monsieur le rapporteur, vous avez l’occasion de marquer, par un signe fort, que la priorité va bien au développement du rail et à l’environnement, que l’aménagement du territoire n’est pas oublié et que les articles de loi du Grenelle 1 dont j’ai parlé ne sont pas là que pour le décor, mais ont bien une traduction concrète sur le terrain.
Dans le même ordre d’idée, il convient de classer quatrième autoroute ferroviaire nationale la transversale Nantes-Lyon par Tours et Vierzon, qui reliera l’Atlantique à Turin, puis au centre de l’Europe, et d’accélérer les études sur cet axe dont l’intérêt européen a déjà été reconnu.
Monsieur le rapporteur, je sais que vous pouvez être un allié de poids sur ces deux sujets car ils concernent non seulement notre région, mais aussi l’intérêt économique et écologique de tout le pays. Madame la secrétaire d’État auprès du ministre de l’écologie, vous êtes la mieux placée pour aider le Gouvernement à prendre pleinement conscience que l’effort à fournir pour assurer au transport par le fer un véritable bond qualitatif et quantitatif sur l’ensemble du territoire est la condition d’une plus grande efficacité au plan économique et écologique, sans oublier que les hommes et les femmes qui l’utilisent et le font vivre doivent rester la première des préoccupations. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)
 

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Jean-Claude
Sandrier

Député de Cher (2ème circonscription)
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