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Energie : reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais ou accidents nucléaires

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dix-huit propositions de loi ont été déposées sur cette question relative au traitement sanitaire des essais nucléaires, ce qui prouve que celle-ci dépasse largement les clivages politiques.
Il s’agit du droit à réparation pour des populations victimes des conséquences extrêmement lourdes des essais nucléaires français. Depuis des décennies, quel que soit le gouvernement, et contrairement à d’autres pays, jamais ce problème grave n’a trouvé de solution. Aucune attention n’a été témoignée aux familles des victimes décédées. Aucune mesure concrète n’a été prise pour aider les vétérans gravement malades qui ne sont pas reconnus victimes de la nation et n’ont, de ce fait, aucun droit à réparation. Nombre d’entre eux et leurs familles ont décrété, avec raison, qu’il y avait urgence.
Le Comité de soutien à l’Association des vétérans des essais nucléaires a été constitué pour qu’il soit mis fin à cette injustice et que les victimes et leurs familles obtiennent enfin réparation. Ce comité regroupe plus de 400 parlementaires de toutes tendances politiques, ce dont je me réjouis. Nous nous félicitons qu’il ait élaboré une proposition conforme, à la virgule près, à la demande formulée par ces populations. Bien sûr, nous défendons cette proposition qui doit permettre de faire œuvre utile s’agissant de ce problème récurrent.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a dû déposer en urgence une proposition de loi, mais nous nous sommes engagés à la retirer si des parlementaires de différents groupes nous rejoignent sur ce sujet. Il faut toujours respecter les engagements pris et le travail accompli par d’autres, et ne pas rechercher un bénéfice politicien. L’essentiel pour nous est de trouver une solution à ce problème. L’initiative, si elle répond aux attentes, peut émaner de qui que ce soit. Nous serons également satisfaits si le Gouvernement présente un projet de loi, comme cela a été annoncé, mais il nous faudra connaître son mode d’élaboration, la nature de la concertation qui a précédé sa rédaction et son contenu.
La proposition du Comité de soutien à l’AVEN n’appartient à aucun groupe. Ceux qui ne l’ont pas encore fait doivent répondre à l’appel du Comité. Si tous les membres de mon groupe ont signé cette proposition, c’est que nous en partageons le contenu.
Dans différents États, les gouvernements ont pris des décisions concrètes pour faire droit aux revendications de leurs ressortissants. Ainsi, depuis la fin des années 50, les États-Unis ont mis en place un suivi médical spécifique des populations des îles Marshall et ont créé un fonds d’indemnisation pour les populations déplacées de ces atolls.
Le 25 avril 1988, le Sénat américain, qui n’est pas très révolutionnaire, vous en conviendrez, a adopté une loi d’indemnisation des vétérans exposés aux radiations en établissant la présomption d’un lien avec le service pour les maladies dont souffrent les vétérans ayant été exposés aux radiations. Cette loi américaine a été révisée en 2001. Sur cette question, il faut bien reconnaître que les États-Unis nous montrent le chemin. Je n’aime pas que Bush nous montre le chemin ; heureusement que cela sera maintenant Obama ! Pourquoi la France n’a-t-elle pas fait la même chose ?
En Nouvelle-Zélande, le gouvernement a mis en route, en septembre 2001, une étude sur un groupe de cent vétérans utilisant la méthode des tests radiobiologiques, permettant d’affirmer l’exposition aux radiations. Un système de prise en charge des vétérans et de leurs descendants a également été mis en place.
Le gouvernement australien, que l’on ne peut pas non plus qualifier de très révolutionnaire, a publié en août 2001 la liste nominative des personnes affectées aux essais britanniques sur son territoire – environ 16 500. Il a également consacré un budget de 500 000 dollars à des études épidémiologiques et radiobiologiques.
Quant au gouvernement britannique, pas révolutionnaire non plus, il a décidé de réviser ses propres études épidémiologiques.
Comme quoi, ailleurs, on se préoccupe de cette question. En France, depuis des dizaines d’années, rien n’est fait en la matière ! Pourtant, la première proposition que j’ai déposée date de plus de vingt ans. Des gouvernements se sont succédé, mais personne n’a réagi. Heureusement que les vétérans se réunissent, agissent et font progresser les choses.
Cette proposition de loi est raisonnable. Elle prend en compte la réalité telle qu’elle est, sans démagogie, sans rajout, sans autre exigence que le droit à la justice et à réparation.
Nous sommes tout à fait d’accord, monsieur le ministre, pour ne pas aborder d’autres questions même si elles posent de réels problèmes, et nous en tenir à l’objet central pour les vétérans des essais nucléaires, leurs familles et les populations concernées. En effet, nous ne voulons pas tout mélanger pour éviter de compliquer les choses. Je vous informe cependant que nous déposerons une proposition de loi, qui répond à une recommandation de la Commission de Bruxelles, sur le problème de l’uranium appauvri, grande question s’il en est !
Mais aujourd’hui, nous voulons avancer sur cette seule question de toutes les victimes des essais nucléaires. C’est un devoir pour l’État français.
Je vais terminer, monsieur le président, puisqu’on n’a pas le temps de s’exprimer ici. (Rires.) Ne riez pas, puisque même le Gouvernement s’intéresse aujourd’hui à la question, fort heureusement ! J’ai lu l’interview de M. le ministre, que j’ai appréciée. Il se demande pourquoi on a pris un tel retard ; c’est une question légitime. Moi, je ne ris pas avec ça. Les vétérans sont là. Ceux qui ont subi ça, leurs familles, leurs descendants, vous regardent, croyez-moi !
Je termine, monsieur le président, mais je n’aime pas qu’on rie quand on parle de ça. Les vétérans et leurs familles ne rient pas. M. le ministre semble avoir compris, mais pas ceux qui rient, et c’est bien dommage.
Pour la première fois, le Gouvernement, par la voix de son ministre de la défense dans une interview dans la presse, a expliqué que le Gouvernement était sensible à ce problème. Il a admis que la France était très en retard et n’avait pris aucune disposition pour rendre justice à toutes les victimes, contrairement à nombre d’autres États. Vous avez parfaitement raison, monsieur le ministre, c’est ce que nous pensons également.
Évidemment, on ne peut qu’être choqué que le Gouvernement fasse fi de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui. Il n’en conteste pas le bien-fondé, mais veut présenter lui-même un projet. Au moment où l’on répète que l’on veut donner plus de pouvoirs au Parlement n’est pas bien ! Avouons que la méthode est particulière ! Le texte du Gouvernement ne sera manifestement pas le même.
Je souhaite donc que cette proposition de loi soit examinée pour ne pas retarder les choses, mais si vous deviez présenter un projet de loi, monsieur le ministre, je vous demanderais, et je suis sûr que vous accepterez, que le Comité de soutien « Vérité et justice  » et l’AVEN soient associés étroitement à son élaboration.
 
 

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Maxime
Gremetz

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