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Encadrement des loyers et renforcement de la solidarité urbaine

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Pierre Gosnat et plusieurs de ses collègues relative à l’encadrement des loyers et au renforcement de la solidarité urbaine (nos 3868, 3958).
La parole est à M. Pierre Gosnat, rapporteur de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. Pierre Gosnat, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du logement, mes chers collègues, permettez-moi d’abord de regretter ce retard dans nos débats, qui fait que nous serons sans doute obligés de réduire un peu notre discussion sur cette proposition de loi, étant donné que nous avons tous des obligations. Je dois moi-même participer dans peu de temps à un débat dans le Val-de-Marne.
Jadis facteur d’élévation sociale et d’intégration républicaine, le logement est devenu au cours des années un des marqueurs fondamentaux des nouvelles inégalités et injustices. Aujourd’hui, 60 % des Français déclarent avoir peur de devenir un jour SDF et quatre millions de personnes sont en situation de précarité directe en matière de logement. La situation, loin de s’améliorer, n’a cessé de se dégrader.
La publication des derniers chiffres n’augure rien de bon. En effet, les derniers chiffres du chômage ont acté une hausse de 1,2 % au cours du mois dernier, soit 34 000 chômeurs supplémentaires. En 2011, le chômage aura donc bondi de 5 % ! La violence de la crise sociale est dramatique et le logement est devenu le premier poste de dépenses dans la dégradation sans précédent du pouvoir d’achat de la population.
Les pouvoirs publics, au premier rang desquels l’État, doivent mettre en œuvre les moyens adéquats avec comme objectif majeur l’accès au logement, autrement dit, ils doivent assurer le droit au logement inscrit dans la Constitution.
Or à quoi avons-nous assisté sous la présidence de M. Nicolas Sarkozy ?
En cinq ans, le logement social a été malmené et fragilisé. La baisse cumulée des aides à la pierre depuis 2007 s’établit à 1,2 milliard d’euros. La part de l’État dans le financement du logement social n’est plus que de 4 %. Rendez-vous compte mes chers collègues : en 2012, l’État ne financera plus le prêt locatif à usage social qu’à hauteur de 600 euros. Tous les budgets Ville et logement présentés par le Gouvernement ont été marqués par des coupes claires. Je ne parle même pas du hold-up sur le 1 % logement et du pillage des trésoreries des bailleurs sociaux : 250 millions pour cette année !
Parallèlement, le Gouvernement a multiplié les subventions au logement privé et à l’accession à la propriété. Des milliards ont ainsi été gaspillés pour des résultats bien décevants. Je rappelle à cet égard que l’accès à la propriété est en recul constant dans les couches moyennes et populaires.
D’ailleurs, les Français ne s’y trompent pas. Ils jugent sévèrement la politique du Gouvernement : 82 % d’entre eux déclarent qu’il est difficile de trouver un logement et, pour 69 % d’entre eux, l’action des pouvoirs publics en la matière n’est pas satisfaisante. En réalité, au cours des cinq dernières années, l’action du Gouvernement a été animée par la volonté de faire du logement une marchandise comme les autres, en le soumettant totalement aux lois du marché.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui repose sur un tout autre postulat : non, le logement n’est pas une marchandise comme les autres ! Il est un bien de première nécessité indispensable à la dignité de l’homme À ce titre, le logement, public et privé, doit revêtir un caractère d’utilité publique. Notre proposition de loi relative à l’encadrement des loyers et au renforcement de la solidarité urbaine vise à accroître considérablement les moyens d’intervention des pouvoirs publics.
Cette proposition de loi est certes loin d’être exhaustive. Les contraintes des niches parlementaires empêchent d’inscrire à l’ordre du jour des textes plus conséquents – notamment en matière financière. Le 30 mars dernier, toutefois, les députés communistes, républicains et parti de gauche ont déposé une proposition de loi établissant un programme d’urgence pour le logement et de lutte contre la spéculation immobilière. Ce texte d’une trentaine d’articles constitue d’ailleurs la base logement du programme du Front de gauche, porté par Jean-Luc Mélenchon, intitulé L’humain d’abord, que je vous conseille de lire et que j’ai ici.
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. Je l’ai moi aussi !
M. Pierre Gosnat, rapporteur. C’est moi qui vous l’ai donné, monsieur le secrétaire d’État !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il faut non seulement le lire, monsieur le secrétaire d’État, mais il faut l’appliquer et travailler avec ! (Sourires.)
M. Pierre Gosnat, rapporteur. Cependant, dans le cadre de la niche parlementaire de ce jour, nous déposons un texte court, celui que nous examinons maintenant.
De quoi s’agit-il ? Cette proposition de loi comporte quatre articles qui définissent quatre axes d’action forts.
À l’article 1er, nous proposons d’interdire les expulsions pour les personnes faisant face à des difficultés économiques et sociales. L’an passé, sur les 113 000 décisions d’expulsion prononcées par la justice, 12 000 ont été effectives ! Je suis fermement convaincu que pousser d’honnêtes gens à la rue ne grandit pas notre pays. À l’inverse, interdire les expulsions serait un geste républicain fort.
L’article 2 de cette proposition de loi définit un système d’encadrement des loyers dans le parc privé. Nous observons depuis les années quatre-vingt une augmentation exponentielle de la part du logement dans le budget des familles. Alors qu’il ne comptait que pour 13 % des dépenses à la fin des années soixante-dix, le logement représente aujourd’hui en moyenne 26 % des revenus. Il atteint même jusqu’à 50 % des revenus de certaines catégories de la population, comme les étudiants et les personnes âgées – en particulier dans certaines régions. Selon le quotidien Libération, en dix ans, les loyers privés ont augmenté de 50 % à Paris et de plus de 40 % en petite et en grande couronnes. Plus généralement, selon l’INSEE, toutes populations confondues, le prix des logements a augmenté de 25,7 % alors même que les revenus des ménages ont baissé de 2 %.
Nous proposons donc un encadrement administratif des loyers. Ainsi, l’article 2 vise à faire baisser les loyers en zone tendue et à les stabiliser sur le reste du territoire. Pour nous, les logements privés doivent, à l’égal des logements sociaux, concourir à la mise en œuvre du droit au logement opposable et avoir un caractère d’utilité publique. Nous proposons donc de modifier les dispositions de la loi de 1989 sur les rapports locatifs, afin de permettre aux préfets de région de fixer par arrêté des plafonds de loyers pour les logements du parc privé. Ce dispositif serait applicable aux locations nues et meublées. L’arrêté du préfet serait pris chaque année après avis du comité régional de l’habitat et tiendrait compte des différents bassins d’habitat. Il fixerait un taux de modulation maximal des plafonds de loyer en fonction de plusieurs critères : les aides publiques à la construction ou à la rénovation ; la performance énergétique ; l’ancienneté et la salubrité du bâtiment concerné ; la proximité d’équipements publics, commerciaux et de zones d’activité. Un arrêté ministériel encadrerait les conditions dans lesquelles seraient définis ces dispositifs régionaux.
J’ai entendu, monsieur le ministre, que vous aviez déclaré que l’encadrement des loyers était une mauvaise idée. Je crois même que vous avez parlé d’une « proposition Bisounours ».
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je n’aurais jamais osé dire une chose pareille !
M. Pierre Gosnat, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, à l’heure où le Gouvernement ne cesse de vanter les mérites du modèle allemand, je tiens à vous rappeler qu’outre-Rhin, un système de modulation du marché locatif privé est en vigueur. Aux Pays-Bas également, les loyers sont encadrés depuis l’après-guerre : un loyer plafond s’applique aux locations tant dans l’ancien que dans le neuf ; 95 % du marché locatif est encadré ; et tous les baux sont à durée indéterminée. Vous le voyez, encadrer les loyers n’est en rien une « fausse bonne idée ». Bien au contraire, c’est une mesure sollicitée par les Français.
À l’article 3, nous proposons de renforcer la réquisition des logements vacants. Ils représentent 6 % du parc total. Je partage à ce sujet les propos de notre collègue Étienne Pinte, qui déclarait hier que deux millions de logements sont vacants dans notre pays et demandait pourquoi l’État ne fait pas plus usage de son droit de réquisition. Dans les faits, ce droit permettrait aux préfets de réquisitionner pour une durée d’un à six ans les logements vacants depuis plus d’un an dans les zones tendues.
Enfin, le dernier article renforce la solidarité urbaine. La loi Solidarité et renouvellement urbain a déjà commencé à porter ses fruits, mais insuffisamment. Nous proposons donc de modifier l’article 55 de la loi SRU en imposant un seuil obligatoire de logements sociaux de 30 % en zones tendues et de 25 % sur le reste du territoire. Ne sont pris en compte dans ce calcul que les prêts locatifs aidés d’intégration et les prêts locatifs à usage social.
En cas de constat de carence et de non-application volontaire de la loi, nous proposons une série de mesures coercitives : obligation de substitution du préfet ; baisse de la dotation globale de fonctionnement et des subventions publiques aux équipements ; interdiction des permis de construire pour les programmes privés de plus de dix logements.
La loi SRU est une chance pour notre pays et le logement social. Il ne tient qu’à nous de la renforcer. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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Pierre
Gosnat

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