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Encadrement des loyers et renforcement de la solidarité urbaine

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour le groupe GDR.
Mme Marie-Hélène Amiable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les textes sur le logement se sont multipliés depuis des années, sans répondre à la crise d’une extrême gravité que nous connaissons. La demande continue d’exploser faute de construction suffisante. 68 % des maires d’Île-de-France se déclarent maintenant favorables à un encadrement des loyers, selon une enquête de l’AMIF publiée cette semaine.
Le comité de suivi de la loi DALO vient de présenter des conclusions accablantes : il parle de crise humanitaire et montre que l’État est davantage hors-la-loi qu’il y a un an. Et la récente décision de supprimer l’indexation des aides au logement sur l’inflation, alors qu’elles sont les plus redistributives, ne va pas dans le bon sens.
Notre arsenal législatif n’est plus adapté à l’ampleur de cette crise. Nous ne pouvons plus nous contenter de demi-mesures ou simplement prolonger celles qui ont été prises depuis des années.
Le très récent abandon du dispositif Scellier est un premier pas. Lors de sa convention sur le logement, l’UMP se félicitait d’avoir fait construire 145 000 logements en deux ans avec cette mesure, mais à quel prix ? Cette niche permet de financer directement, en moyenne 45 000 euros par logement et par an. Faites le calcul ! Sachant qu’il faudra la financer jusqu’en 2020, nous allons donc encore dépenser des milliards, malgré l’augmentation de la TVA sur le bâtiment. Nous vous encourageons donc à aller plus loin, en réintroduisant par exemple des critères de revenus pour l’attribution du prêt à taux zéro ou en réformant la fiscalité sur les plus-values immobilières. Vous pourriez également revoir l’ensemble du financement de la construction du logement social, car les 2 % du PIB que vous venez d’évoquer représentent à peine 1 % pour l’État, tout le reste étant à la charge des collectivités locales et des bailleurs. Nous vous faisons des propositions très concrètes en la matière depuis des années.
Pierre Gosnat a déjà expliqué la situation catastrophique du logement en France. Si les chiffres nous permettent d’évaluer les besoins, n’oublions pas que, derrière, se cache la détresse de centaines de milliers de femmes, d’homme et d’enfants. À la lecture des débats en commission, je constate à quel point nos collègues de l’UMP et du Nouveau Centre sont opposés à notre première mesure, visant à interdire les expulsions locatives pour des raisons économiques et sociales. Je me permets donc de vous faire part de témoignages recueillis devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise la semaine dernière, lors de l’audience sur l’arrêté anti-expulsion que j’ai pris dans ma ville. Des responsables associatifs, une directrice d’école, une présidente de club de prévention ont évoqué la situation d’une mère avec trois enfants menacés d’expulsion, suite à la perte d’emploi du père. Je cite : « Les enfants étaient très perturbés, très introvertis, la plus jeune se réveillait souvent de la sieste en hurlant, l’aînée a complètement raté son année de CP et n’a pas appris à lire. » Il a aussi été question de la situation d’une petite fille qui arrivait systématiquement en retard à l’école, soit endormie, soit en larmes, et qui était incapable de travailler en classe : sa mère était seule avec son enfant et n’osait dire qu’elle était hébergée par le SAMU social. La semaine dernière, j’ai encore reçu une jeune femme avec son compagnon et son enfant, qui enchaîne les contrats à durée déterminée ; ils gagnent 2 300 euros par mois mais alternent les hébergements depuis 2009 ! Ces situations ne sont malheureusement pas isolées, nous pourrions tous en citer. Ne rien faire est indécent et coupable ; il est temps que la représentation nationale agisse avec fermeté.
En Île-de-France, 406 000 foyers attendent un logement social. L’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France rapporte qu’en 2006, 89,4 % des ménages franciliens étaient éligibles au logement social, 62,3 % avaient des ressources inférieures aux plafonds PLUS, et 27,1 % des ménages avaient des revenus qui se situaient entre le plafond PLUS et intermédiaire.
Dans le secteur privé, le logement locatif a fait l’objet d’une spéculation affolante ces dix dernières années. Pour 2011, dans les grandes villes de Rhône-Alpes, les loyers ont progressé entre 7 et 6 %, atteignant plus de 12 euros le mètre carré ; à Marseille, le prix moyen du mètre carré atteint 15 euros et à Paris, entre 20 et 39 euros ! Les salariés, dont le pouvoir d’achat n’a pas connu le même sort, ne peuvent plus se loger décemment dans le secteur privé et se tournent vers le secteur public. Et cette flambée n’est pas due uniquement, comme vous le soutenez, à une baisse de l’offre mais bien à la spéculation ! Ne rien faire revient à encourager les profiteurs. Il est donc devenu nécessaire d’agir sur les deux secteurs.
L’UMP propose, pour répondre à la crise du logement, de développer le parcours résidentiel en favorisant davantage l’accession à la propriété. Permettez-moi, au regard des chiffres déjà énoncés, de douter. Je cite à nouveau l’étude sur le logement social de l’IAURIF : « L’explication principale de l’augmentation du délai d’attente tient à l’impossibilité pour une part importante des ménages modestes qui occupent un logement social de quitter ce parc. Les logements en accession comme en location dans le secteur libre sont devenus depuis une vingtaine d’années inaccessibles pour ces ménages franciliens. » Le parcours résidentiel est au point mort dans les zones tendues et tend à le devenir sur l’ensemble de notre territoire. La France du « tous propriétaires » que le Président de la République appelait de ses vœux a vécu, il est temps de regarder la réalité en face !
Les propositions visant à encadrer administrativement le montant des loyers et à renforcer les moyens de lutte contre les logements vacants vont donc dans le bon sens. De même, la réforme de l’article 55 de la loi SRU, adoptée il y a onze ans, est devenue indispensable pour répondre à une situation qui s’est considérablement dégradée depuis.
Nos mesures prévoient de répondre réellement aux besoins des demandeurs et de garantir la mixité sociale sur nos territoires. Sans une contrainte plus forte, nous savons tous que la loi ne sera pas appliquée. Ainsi, dans mon département des Hauts-de-Seine, quatorze communes sur trente-six n’ont pas encore atteint le taux de 20 % de logements sociaux, et ces derniers sont inégalement répartis. Des villes ont fait la démonstration que l’on pouvait contourner cette loi. Prenons l’exemple de Neuilly où, en engageant 3,3 millions d’euros pour la construction de logements sociaux – soit 2,6 % de son budget pour 2011 –, la ville ne paie pas d’amende et ne réalise pas non plus ses objectifs triennaux !
Pire, les communes vertueuses subissent une double peine. La création du Fonds de péréquation intercommunale et communale, discutée lors du projet de loi de finances pour 2012, pourrait permettre de répartir les richesses entre nos territoires. Mais votre majorité a refusé d’inclure le critère du logement social ! Vous vous apprêtez donc à pénaliser une seconde fois les collectivités qui tout à la fois répondent aux besoins de leurs habitants en investissant et subissent les charges les plus lourdes.
Et les dernières mesures de rigueur budgétaire accentuent cette même logique libérale inégalitaire et dépassée, au service de la finance et des plus nantis. Elles auront surtout pour conséquence d’augmenter le nombre de situations similaires à celles que j’ai évoquées précédemment. Vous aurez beau tenter d’argumenter sur l’équité de vos mesures, il n’en demeure pas moins que 86 % des ménages en paieront la facture. N’aurait-il pas été plus juste de maintenir la taxe de 2 % sur l’hôtellerie de luxe, qui a été pratiquement abrogée trois mois après avoir été instaurée ? de taxer les plus hauts revenus alors que la majorité des Françaises et des Français devront encore se serrer la ceinture ? d’empêcher les dirigeants de banque de percevoir des augmentations de revenus de 44,8 % en moyenne en pleine crise financière ? C’est une question élémentaire de justice sociale !
Parce que les discours ne suffisent pas et que nos concitoyens attendent des pouvoirs publics des actes forts, les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche vous invitent à soutenir ces mesures concrètes, fermes et innovantes qui s’attaquent aux raisons structurelles de cette crise. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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Marie-Hélène
Amiable

Députée des Hauts-de-Seine (11ème circonscription)

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