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Encadrement de l’image des enfants sur les plateformes en ligne

En préambule, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine souhaite saluer cette initiative législative, tant ces vidéos commerciales qui mettent en scène des enfants est en pleine expansion depuis quelques années dans notre pays. Nous considérons donc qu’il est nécessaire de légiférer.

Le chercheur américain Trebor Scholz dénonce à cet égard les dangers du « playbour » – mot-valise combinant les mots anglais « play », « jeu », et « labour », « travail » – pour le développement et l’épanouissement de l’enfant.

Ce phénomène nous invite également à nous interroger sur l’essor du capitalisme des plateformes, lequel bouleverse les formes d’organisation du travail. L’expression « capitalisme des plateformes » souligne le partage inégalitaire de la création de valeur entre les détenteurs des algorithmes – les plateformes – et les travailleurs présents sur celles-ci. Ces travailleurs, non salariés, mettent à la disposition des entreprises non seulement leur force de travail, mais également une partie des outils de production. Cette organisation nouvelle du travail, loin de conférer de l’autonomie aux travailleurs, développe de fait une forme exacerbée de sujétion de ces derniers.

Fort heureusement, il existe des enfants qui, dans ces vidéos, peuvent être à l’origine d’œuvres d’art inspirantes ou de partages de savoir-faire. Ils peuvent créer, jouer, chanter, et cela, nous ne voulons évidemment pas les en priver. Il convient néanmoins, du fait de leur plus grande vulnérabilité, d’être davantage sérieux sur l’encadrement. Sans cet encadrement nécessaire, le monde numérique a la possibilité de faire émerger une nouvelle forme de travail des enfants, pourtant interdit – nous l’avons dit – depuis la Déclaration du principe de l’abolition effective du travail des enfants par l’Organisation internationale du travail en 1998.

Car oui, il peut s’agir de travail d’enfants. En effet, la plateforme ne coordonne rien – en l’espèce, les parents sont souvent les donneurs d’ordre –, mais s’appuie sur des acteurs devant produire toute sa valeur ajoutée, en l’occurrence les enfants. Il s’agit donc d’un véritable travail créateur de valeur pour les plateformes. Plusieurs exemples ont été cités, parmi lesquels celui d’une vidéo qui, en dépassant les 11 millions de visionnages, peut générer 10 000 euros de recettes.

Or, contrairement aux enfants du spectacle, les horaires et la durée de tournage de ces enfants ne sont pas encadrés par le droit du travail. Cette situation est d’autant plus préoccupante que, sur certaines chaînes, plusieurs vidéos peuvent être mises en ligne chaque semaine. Les dispositions prévues dans les articles 1 et 3 de la proposition de loi nous apparaissent donc bienvenues.

Il convient par ailleurs de soulever le sujet central de la protection des données des mineurs. La vulnérabilité des mineurs suppose en effet une protection accrue de ces données, notamment en cas de surexposition sur internet. La majorité des profits de ces vidéos proviennent des données générées par l’analyse des comportements. Celles-ci doivent être considérées comme des ressources financières, et il convient de protéger les mineurs qui les créent.

L’article 6 permet aux mineurs de faire valoir leur droit à l’effacement : cette mesure constitue une avancée. Elle devrait, à notre sens, être complétée par une évaluation du renforcement de la protection des données des mineurs depuis la mise en place du RGPD – règlement général sur la protection des données – ; c’est le sens de notre amendement.

Enfin, de nombreux professionnels dénoncent l’incidence désastreuse de l’exposition sur internet, lorsqu’elle est exacerbée, sur le développement et l’épanouissement de l’enfant. L’Observatoire de l’éducation s’inquiète de cette tendance à mettre en scène les enfants ; c’est également notre cas. Selon l’Observatoire, ces vidéos quotidiennes peuvent, à terme, nuire à la vie sociale et aux activités de loisir des enfants. Je crois que chacun peut le constater autour de lui : les enfants ont besoin d’intimité.

Cette surexposition sur internet augmente de fait le risque de cyberharcèlement. Nous considérons donc que les enjeux liés au cyberharcèlement nécessitent un apprentissage, chez les jeunes, des bons comportements en amont et en aval du recours à internet. Notre amendement vise à rendre la formation à l’utilisation des outils et des ressources numériques ainsi que la formation au cyberharcèlement obligatoires dans tous les établissements éducatifs du territoire national.

Sur un sujet qui nous paraît connexe, nous considérons également que pour se prémunir contre les dérives d’internet, nos enfants doivent l’apprivoiser. C’est pour cette raison que nous avons proposé à plusieurs reprises – chaque fois que nous en avons eu l’opportunité – d’encourager l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts dans le service public de l’enseignement. Le recours aux logiciels libres et formats ouverts présente des avantages majeurs. La libre exécution du logiciel pour tous les usages, la possibilité de l’adapter et de l’enrichir, l’interopérabilité, l’évolutivité ou les capacités de mutualisation du code sont autant de caractéristiques propres au logiciel libre qui garantissent une véritable autonomie à l’égard des grands éditeurs, une meilleure sécurité, mais aussi une plus grande flexibilité aux systèmes d’information gérés publiquement. Plus de transparence engendrera de fait plus de sécurité pour les enfants, lesquels maîtriseront davantage les outils à leur disposition.

En conclusion, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine souhaite soumettre des propositions dans le cadre de l’examen de la proposition de loi, mais lui donnera un vote favorable. (Mme Muriel Ressiguier, Mme Maud Petit et M. Bruno Studer, rapporteur, applaudissent.)

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Scrutin public du 12 février 2020

Encadrement de l’image des enfants sur les plateformes en ligne
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Elsa
Faucillon

Députée des Hauts-de-Seine (1ère circonscription)

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