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Economie : crédit revolving, crédits à la consommation et action de groupe

Cette proposition de loi déposée par le groupe SRC, visant à encadrer le crédit à la consommation et introduire l’action de groupe, propose des sujets opportuns et un dispositif judicieux. La décision à prendre est effectivement urgente.
Cette proposition comporte deux parties distinctes. La seconde concerne l’action de groupe, si souvent évoquée et promise, jamais mise en œuvre. J’avais déposé une proposition de loi à ce sujet au mois de mars 2007. Nous apporterons tout notre soutien à cette action de groupe, la seule qui puisse, par son caractère dissuasif, remettre les entreprises concernées dans le droit chemin du respect des consommateurs : l’impunité dont certaines profitent en raison de la dispersion des préjudices qu’elles font subir à leurs clients est inacceptable. Seule l’action de groupe permettra un réel accès à la justice ; et je vous proposerai que son champ d’application soit le plus large possible, car les préjudices ne relèvent pas uniquement du droit de la consommation.
En raison du faible temps de parole qui nous est imparti en discussion générale, je réserverai toutefois l’essentiel de mes propos sur l’action de groupe jusqu’à la discussion de l’article 28. Revenons donc à la première partie de votre proposition, qui porte sur l’encadrement de l’offre de crédit.
Dès le mois de mars 2005, puis au mois de janvier 2009, j’ai déposé des propositions de loi visant à abaisser le taux d’usure, afin que les prêteurs ne puissent plus pratiquer des taux scandaleusement supérieurs à 21 %, alors que le « prix » de l’argent est de 2 % ! Il est inacceptable que ceux que je qualifie de charognards du crédit fassent fortune sur la misère qui conduit nos concitoyens à s’endetter dans des conditions relevant du dol. En payant plus de 20 % d’intérêts, nos concitoyens passent des mois, voire des années, à rembourser des crédits, même très modestes.
Nos concitoyens subissent une politique agressive du crédit à la consommation. Les banques leur refusent souvent les vrais crédits portant sur de vrais investissements ; en revanche, les organismes les harcèlent pour leur vendre du crédit revolving. Il n’existe pas un magazine, pas un site internet qui ne vante les mérites des réserves d’argent avec des taux d’appel parfois alléchants, par exemple pour les 1 000 premiers euros.
En réalité, les taux pratiqués sont proches du taux d’usure. Ainsi, les organismes se couvrent très largement pour le risque qu’ils prennent ; ils peuvent même se permettre de prêter aux ménages apparemment insolvables, puisqu’ils leur feront rembourser par tous les moyens – même par l’intimidation – les sommes empruntées. En cas de défaillance totale, il leur suffit de toute façon qu’une part seulement des emprunteurs remboursent pour conserver leur bénéfice.
Plus le taux est élevé, plus les prédateurs peuvent s’attaquer aux ménages à la limite de l’insolvabilité. Inversement, si nous diminuons l’écart entre le taux bancaire et le taux d’usure, alors ces organismes ne prêteront plus à des ménages insolvables ou presque : la baisse de la rétribution du crédit, par la baisse du taux d’usure, diminuera corrélativement le niveau à partir duquel il n’est plus rentable pour le prêteur d’accorder des crédits présentant un risque de non-remboursement. En conséquence, pour que son prêt reste rentable, le prêteur devra limiter le risque d’insolvabilité des emprunteurs, et donc se soucier un peu plus de leur santé financière et de leur réelle capacité à rembourser.
Par ailleurs, le coût de l’argent pour les particuliers est bien trop élevé au regard du prix des crédits sur le marché interbancaire. La baisse du taux d’usure présente un double bénéfice : un bénéfice direct de baisse du coût pour les particuliers, mais surtout un bénéfice indirect de contrainte vers la vertu, qui détournera les organismes de crédit des proies les plus fragiles et les moins solvables. En baissant le taux d’usure, on protégera les familles les plus modestes de la spirale du surendettement.
Je me félicite que la proposition de loi ait repris, dans son article 18, le dispositif que je proposais pour modifier le mode de calcul du taux d’usure. Je souhaite, comme mes collègues du groupe SRC, qu’il soit défini en référence aux taux moyens des prêts à douze mois sur le marché interbancaire, auxquels on appliquerait un coefficient multiplicateur plafonné à quatre, un tel coefficient représentant la juste rétribution du risque assumé par le prêteur et la plus-value maximale qu’il peut escompter.
J’avais également souhaité que nous supprimions de notre droit l’hypothèque rechargeable. Elle fut au moins partiellement responsable de la crise financière. Il est en effet indispensable de supprimer ce système, introduit par le Gouvernement en 2007 en copiant le modèle anglo-saxon du prêt hypothécaire, lui aussi en partie responsable de l’ampleur de la crise financière actuelle. C’est un type de montage financier qui incitait à la création des subprimes. La capacité d’emprunt y est réévaluée au regard de la valeur escomptée des biens hypothéqués.
Il aura suffi d’un léger retournement du marché pour que le taux d’endettement des ménages dépasse les maxima fixés par les banques et déclenche l’insolvabilité du foyer. Nous connaissons malheureusement l’ampleur de l’effet boule-de-neige et de la destruction de richesse engendrés par ces mécanismes.
Après avoir encadré l’usure et supprimé l’hypothèque rechargeable, il est impératif de s’attaquer au fléau du surendettement. Nous proposons pour cela de responsabiliser le prêteur : ma proposition de loi s’intitulait d’ailleurs Responsabiliser le prêteur pour juguler le surendettement.
Le nombre de situations de surendettement, et la détresse que celui-ci engendre, ne cessent de s’accroître. Aujourd’hui, ce sont plus d’un million et demi de foyers qui sont touchés par ce fléau, dont 185 000 familles nouvellement surendettées en 2007. Ce chiffre devrait malheureusement exploser en 2009 et 2010 en raison des incidences de la crise économique. Près de deux tiers des 200 000 nouveaux cas de surendettement sont directement – directement ! – imputables à la profusion d’offres de crédit à la consommation.
Certaines sociétés de crédit peu scrupuleuses – car il en existe – offrent ainsi par le biais de publicités aguicheuses des milliers d’euros, sans réel contrôle de la capacité de remboursement de l’emprunteur et de l’encours des crédits déjà souscrits.
Nos concitoyens durement touchés par la crise sont victimes de politiques salariales toujours plus rigoureuses et subissent globalement une perte de pouvoir d’achat. Ils utilisent donc le crédit à la consommation afin d’amortir leur paupérisation. Ils cherchent ainsi à s’extraire – de manière, malheureusement illusoire – d’un carcan, pour se retrouver en fait prisonniers d’établissements financiers sans scrupules.
Aujourd’hui, les crédits à la consommation sont utilisés, non plus pour acquérir un bien en particulier, mais pour financer la vie quotidienne grâce à ces scandaleuses « réserves » d’argent.
Les chaînes de grands magasins sont largement complices, et même coauteurs, de ces comportements prédateurs. Elles proposent en effet leurs crédits dans le seul objectif de faciliter la vente de leurs produits, indépendamment de la situation de l’acheteur et des conséquences qu’il risque de subir. Dans ces périodes de perte de pouvoir d’achat, les crédits délivrés en magasin servent à tromper le client sur le prix réel des objets, car leur prix apparent est exprimé en mensualité, les rendant ainsi de manière fictive immédiatement accessibles, alors qu’en réalité, ils ne sont pas à la portée de l’acheteur. Il faudrait donc proposer une mesure plus radicale, afin d’encadrer strictement l’offre de crédit en magasin.
Depuis la loi Neiertz de 1989, les réformes furent nombreuses, mais insuffisantes au regard de ce que représente aujourd’hui le surendettement. Ainsi, peu d’entre elles ont envisagé de s’atteler à la prévention du surendettement, se concentrant sur le volet curatif, que le Gouvernement a mis encore en avant dans la présentation de son projet de loi. Aucune réforme ne s’est encore réellement attachée à la prévention, en cherchant à juguler une offre de crédit à la consommation prolifique et inconsciente.
Or il est indispensable de responsabiliser les organismes prêteurs, qui devraient dorénavant apporter la preuve qu’ils se sont informés de la solvabilité de l’emprunteur ; c’est le moins que l’on puisse réclamer. Si le prêteur ne pouvait apporter cette preuve, il commettrait une faute et se verrait retirer le droit d’exercer toute procédure de recouvrement à l’encontre de l’emprunteur défaillant. De même, s’il s’avérait que le prêteur a accordé un crédit alors que la solvabilité de l’emprunteur était manifestement insuffisante lors de la signature, le créancier ne devrait plus pouvoir engager de procédure de recouvrement. On ne supprime pas le crédit, mais on l’encadre de manière très stricte et honnête.
J’émettrai néanmoins une réserve sur la proposition de loi.
Ses auteurs souhaitent en effet instituer un nouveau fichier spécifique ayant pour vocation de recenser l’ensemble des crédits souscrits par les emprunteurs. Or nous estimons que cela peut s’avérer dangereux pour la protection de la vie privée et des données confidentielles de nos concitoyens. En outre, c’est inutile, car les prêteurs peuvent largement se renseigner sur la situation de l’emprunteur, en lui demandant divers documents fiables et éclairants de nature à permettre l’évaluation de sa solvabilité. Si l’emprunteur ne produit pas les informations souhaitées, le prêteur reste libre de ne pas contracter. Par ailleurs, il existe déjà un fichier qui recense les incidents de paiement.
Certains, dans la majorité, craignent que la réforme instituant une réelle responsabilité du prêteur ne restreigne l’offre de crédit et la croissance. Toutefois il ne saurait y avoir de croissance économique saine et durable fondée sur le surendettement et la détresse de la population.
Cette croissance par endettement serait fictive et socialement destructrice. Il est donc préférable de s’en prémunir en encadrant de façon plus responsable l’offre de crédit. Il faut, comme nous y a invités notre rapporteur, faire le ménage dans les offres et les établissements de crédit, afin de promouvoir un crédit responsable, respectueux de la situation réelle de l’emprunteur et de sa capacité de remboursement, afin de protéger les emprunteurs les plus faibles et les plus vulnérables. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

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Jacques
Desallangre

Député de Aisne (4ème circonscription)
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