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Economie : Cour des comptes et chambres régionales des comptes

 
Monsieur le président, Monsieur le secrétaire d’État, Mes chers collègues,
 
Le projet de loi soumis à notre approbation s’inscrit dans le mouvement d’adaptation des procédures juridictionnelles nationales aux exigences d’une juridiction supranationale : la Cour européenne des droits de l’homme.
La jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’Homme a critiqué la procédure juridictionnelle appliquée devant la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes contestant son caractère inéquitable pour le justiciable et critiquant sa longueur excessive.
Nous sommes bien entendu favorable à rendre plus efficace et impartiale la procédure juridictionnelle.
Les juridictions financières doivent assurer à leur procédure juridictionnelle toute la sécurité juridique nécessaire pour garantir aux justiciable un procès équitable au sens de l’article 6 de la Cour européenne des droits de l’Homme, dont nous partageons l’esprit et le lettre :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (…) Le jugement doit être rendu publiquement, (…). »
Nous ne pouvons que nous réjouir que nos institutions financières, mêmes soumises à un régime spéciale, ne puisse se soustraire à la règle de l’équité.
Nous considérons donc que plusieurs dispositions du projet de loi vont dans le bon sens.
 
Le texte comporte des avancées en termes de garantie d’une procédure juridictionnelle financière plus équilibrée.
Il clarifie les modalités d’ouverture des instances, en supprimant l’auto-saisine des juridictions financières et en distinguant clairement les fonctions de poursuites et de jugement : la procédure ne pourra être engagée que par un réquisitoire du ministère public.
Il raccourcit les procédures pour permettre au comptable d’être jugé dans « un délai raisonnable », en supprimant notamment la règle traditionnelle du « double arrêt » ou du « double jugement ».
Il renforce l’équilibre de la procédure contentieuse en généralisant les audiences publiques contradictoires et en excluant le rapporteur et le ministère public du délibéré.
Il modifie les règles relatives aux amendes, en supprimant les remises gracieuses dans ce domaine.
 
Pour autant, aux termes des débats en première lecture, il apparait que les inquiétudes légitimes des professionnels s’agissant de la question de la prescription des faits susceptibles d’être poursuivis ne soient pas résolues, loin s’en faut.
L’article 29 ter adopté par le Sénat réduit de 10 à 5 ans le délai de prescription en matière de gestion de fait. Et ce alors même que ce délai avait déjà été considérablement diminué en 2001, puisqu’il était passé de 30 ans à 10 ans.
Il n’est pas sérieux de vouloir harmoniser les délais de prescription avec le nouveau délai de 5 ans, adopté en matière civile par la loi du 17 juin 2008. Adopter le délai de droit commun en matière de gestion de fait est invraisemblable, dans la mesure où il s’agit de gestions cachées qui ne peuvent être découvertes qu’à l’occasion de contrôles de la part des juridictions financières.
Or, le rythme des contrôles étant quadriennal et la complexité du contrôle est telle qu’il est à craindre qu’un délai de prescription de cinq ans ne se traduise par une quasi-disparition des procédures de gestion de fait.
Pour notre part, nous considérons que les enjeux spécifiques liés à la comptabilité publique sont suffisamment importants pour qu’il ne soit pas procédé à un alignement des délais sur ceux qui sont pratiqués en matière civile.
Nous devrions être d’autant plus vigilants qu’il s’agit des deniers publics et nous donner les moyens de leur juste affectation et du contrôle le plus rigoureux de leur utilisation.
 
Par ailleurs, au-delà de l’aspect technique du projet de loi, nous regrettons que ce texte ne s’inscrive pas dans le cadre de la réforme d’ensemble, annoncée depuis le 5 novembre 2007, date à laquelle le Président de la République avait demandé au Premier président de la Cour des comptes de rédiger un rapport fixant les axes d’une réforme en profondeur des juridictions financières.
 
Face au secret qui entoure cette réforme en profondeur, les professionnels s’inquiètent et la représentation nationale reste dans l’expectative !
Alors que le Président de la République aime à dire que la révision constitutionnelle est synonyme d’amélioration de la condition du Parlement, ce cas particulier atteste du contraire !
 
Près d’un an après l’annonce d’une telle réforme, il est inacceptable de ne toujours pas connaître la teneur exacte des propositions que le président de la Cour des comptes a fournies au président de la République concernant l’évolution de son institution.
 
Cette réforme revêt une importance majeure tant pour les citoyens que pour les agents publics au service des juridictions financières.
 
Les magistrats s’inquiètent à juste titre du regroupement des chambres régionales des comptes (CRC), que Philippe Séguin a évoqué à plusieurs reprises, et qui se traduirait vraisemblablement par la constitution de nouvelles entités interrégionales.
Perspective à mettre en relation avec le projet annoncé de reconfiguration des circonscriptions administratives.
Mais ce dossier, lui-aussi, est frappé du secret. Signe parmi d’autres de la politique du fait accompli que mène le gouvernement !
La réduction du nombre de chambres régionales des comptes laisse craindre, entre autres, qu’il n’en ressorte un affaiblissement des capacités de leurs contrôles de la gestion des collectivités locales.
Or, le contrôle des gestions publiques locales est une mission de service public indispensable à la démocratie locale.
 
Nous considérons que la réforme des juridictions financières ne doit pas être fondée sur la recherche d’économies structurelles, mais elle devra poursuivre l’objectif de permettre aux juridictions d’être plus efficaces et de remplir pleinement leurs missions actuelles et à venir découlant de l’extension du champ de la certification et du renouveau des moyens d’audit des politiques publiques.
Nous souhaitons aujourd’hui avoir un état des lieux des avancées de la réforme des juridictions financières ainsi qu’un calendrier précis.

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Daniel
Paul

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)
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