Je tiens d’abord à remercier notre collègue Alexandre Holroyd pour son rapport d’information sur les Ensa et cette proposition de résolution qui en découle. Faire du futur des écoles d’architecture de notre pays le sujet de l’un de nos débats est tout à fait pertinent tant les enjeux, ainsi que les difficultés, sont importants.
Cette proposition de résolution nous paraît néanmoins lacunaire. Avant toute chose, il nous semble impossible de réformer les Ensa sans mener une réflexion approfondie sur la place de l’architecte et de l’architecture dans notre société. Dissocier les modalités de formation du métier auquel les Ensa préparent est une erreur, même au motif de ne pas empiéter sur le champ de compétence de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Surtout, s’il dresse un constat partagé, le texte suggère des réponses avec lesquelles le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES a de nombreux désaccords. En effet, la récente mobilisation des écoles nationales supérieures d’architecture a mis en lumière à la fois les problèmes engendrés par des moyens financiers et humains insuffisants, une réforme de 2018 qui peine à produire ses effets, une relation parfois délicate avec les deux ministères de tutelle et, surtout, des conditions d’étude et d’enseignement dégradées.
Comme le souligne le rapport d’information, cette situation a pour conséquence un numerus clausus de fait, aux alentours de 20 000 étudiants, alors que les besoins en architectes sont de plus en plus élevés. Nous préparons donc mal notre pays aux enjeux d’avenir. Car si l’insertion professionnelle est si bonne dans cette filière, c’est que le métier d’architecte se situe au cœur d’enjeux fondamentaux de demain. Par exemple, comment imaginer construire la nécessaire transition écologique, en particulier du bâti, sans de nombreux architectes formés pour cela ?
Certes, des efforts ont été fournis ces dernières années pour limiter les dégâts : les derniers crédits débloqués en urgence – 3 millions d’euros – par le ministère de la culture en témoignent. Mais ces fonds demeurent largement insuffisants. Si nous adhérons à la nécessité d’établir une trajectoire pluriannuelle des financements, ceux-ci doivent être à la hauteur des besoins. Dans le même temps, nous sommes pour le moins dubitatifs vis-à-vis du projet de transfert de personnels relevant du ministère de la culture vers les écoles nationales supérieures d’architecture. Nous regrettons également l’absence de propositions concernant les enseignants contractuels et la nécessaire revalorisation de leur traitement, alors qu’ils représentent 47 % des professeurs des Ensa.
Au-delà des manques, notre opposition est totale s’agissant de l’incitation à augmenter les ressources propres par la hausse des frais d’inscription, en particulier pour les étudiants extracommunautaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Oui, nous sommes résolument opposés à cette mesure, tout comme le ministère de la culture et les Ensa elles-mêmes, qui ont refusé d’appliquer ces hausses injustes.
Quand on connaît la précarité des étudiants dans notre pays, augmenter les frais d’inscription est bien une aberration.
De plus, l’accroissement de la formation continue et de l’apprentissage au sein des Ensa ne peut se faire à moyens constants, c’est-à-dire au détriment de la formation initiale. Les Ensa doivent être en mesure de fournir ces prestations, mais il leur faut des moyens – des moyens publics, en l’occurrence. En effet, vouloir développer les ressources privées pour compenser la sous-dotation dont les Ensa sont victimes depuis des années sans pour autant les accompagner en les dotant de crédits suffisants, manque selon nous de pertinence.
Notons enfin que cette proposition de résolution émane de la majorité, dont nous contestons l’action en matière d’enseignement supérieur, tout comme nous contestons la place que vous donnez à l’architecture et à l’architecte dans notre société. J’en veux pour preuve la loi Elan – loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique –, votée par la majorité gouvernementale lors de la précédente législature, et qui a considérablement réduit et relégué au second plan le rôle de l’architecte.
Selon nous, l’architecte occupe un rôle social majeur. Grâce à son approche globale, il peut être un outil de résistance contre la course au profit sans fin dans le domaine de la construction, laquelle s’effectue d’ailleurs souvent au détriment de la qualité. L’histoire de mon parti, le parti communiste, est intimement liée à de grands architectes qui avaient pour seule boussole le bien-être et le beau accessibles à tous.
Ainsi, en faisant l’impasse sur ces sujets centraux tout en présentant des voies de financement auxquelles nous n’adhérons pas, cette proposition de résolution passe de notre point de vue à côté de son sujet. Nous voterons contre ce texte, mais loin d’être une fin de non-recevoir, cette opposition est plutôt une invitation à élargir nos travaux et la réflexion autour d’un projet global pour les futurs architectes et leur métier. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)