Interventions

Discussions générales

Droit électoral dans la perspective de la prochaine élection du Président de la République

Je dois bien avouer que les discussions entourant ce projet de loi n’ont pas été des plus simples.

Elles ne l’ont pas été sur la forme, d’abord, car le texte regroupe des sujets très divers, allant de l’instauration du parquet européen à l’intronisation de la convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale au niveau national. Cela a profondément nui à l’intelligibilité de nos débats.

Ce mélange des genres est d’autant plus discutable, monsieur le ministre, que le projet de loi issu des travaux de la convention citoyenne, dans lequel vous prévoyez de consacrer le crime d’écocide, sera examiné, si le calendrier est respecté, ici même en début d’année. Il aurait été tout à fait pertinent d’y insérer les mesures ayant trait au droit environnemental.

Les discussions n’ont pas été simples non plus sur le fond, car nous avons été, une fois de plus, captifs de la vision pour le moins binaire de la majorité parlementaire. Ainsi, à vous entendre, il y aurait d’un côté les méchants souverainistes avides de nationalisme (Même mouvement) – merci pour eux, mon cher collègue – et, de l’autre, les partisans de la construction européenne, enfants spirituels de Jean Monnet et de Robert Schuman.

N’était l’importance du sujet, des propos aussi manichéens auraient de quoi faire sourire les députés communistes que nous sommes. Depuis le référendum sur le traité de Maastricht, nous appelons en effet à l’élaboration d’une Europe des peuples et de la coopération entre les États, spécialement en matière de justice et de lutte contre les pratiques fiscales et financières abusives ; depuis Maastricht nous demandons à ce que l’Europe soit le continent de la fraternité et du mieux-disant social, alors que c’est l’inverse qui se produit (Même mouvement) ; depuis Maastricht, nous exigeons que l’Union européenne devienne un espace démocratique de respect de la souveraineté populaire.

Malheureusement, nous en sommes loin et ce n’est pas l’intronisation du parquet européen qui viendra nous démentir. (Même mouvement.) En effet, si nous approuvons l’objectif de veiller aux intérêts financiers de l’Union qui lui est assigné, comment se satisfaire de l’instauration d’un parquet européen, déjà prévue par le traité constitutionnel de 2005 que les Français ont majoritairement rejeté par référendum ?

Comment se résoudre à ouvrir la porte à une institution par nature fédéraliste alors que la justice doit être rendue au nom du peuple français ? (Même mouvement.) Nous ne le voulons pas, sans que cela fasse de nous d’affreux rétrogrades. Comme des millions de citoyens, nous estimons que l’ambition européenne ne doit pas simplement se résumer aux dogmes imposés par l’ordolibéralisme bruxellois, tout comme la protection de notre environnement ne doit pas être soumise aux grands intérêts économiques et financiers du privé.

Hélas, nous nous engageons dans cette voie périlleuse avec la mise en place, à l’article 8, de la CJIP, acronyme d’une justice d’exception pour les délits environnementaux permettant aux entreprises qui polluent, non pas d’être jugées, mais d’acheter leur impunité et d’éviter un procès en bonne et due forme. Écologiquement nuisible, cette financiarisation de la justice est aussi profondément contraire à nos principes républicains puisque, en l’absence de débat judiciaire et d’audiences correctionnelles publiques, la justice perd sa valeur d’exemplarité, reléguant l’objectif de recherche de la vérité au second plan.

En ce sens, je ne peux que partager les propos de François Molins quand il affirme que la progression des solutions alternatives aux poursuites s’est faite au détriment du procès. Or, ajoute-t-il, « les procès pénaux dans ce domaine ont d’une part favorisé la sensibilisation du public aux enjeux de la sauvegarde de la nature, par leur caractère public et médiatique et ont d’autre part contribué à la construction du droit de l’environnement à travers des avancées jurisprudentielles majeures ». Rien de tout cela ne sera possible demain avec la CJIP, et les gros pollueurs auront tout le loisir de provisionner à l’avance tous les méfaits environnementaux qu’ils pourraient commettre.

Nous refusons ces évolutions qui nous semblent contraires aux intérêts du peuple et de l’environnement, et c’est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi.

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Stéphane
Peu

Député de Seine-Saint-Denis (2ème circonscription)

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