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Diverses mesures de justice sociale AAH

Rapporteur de la commission des affaires sociales

Nous sommes réunis à la veille de la journée mondiale des personnes handicapées pour examiner un texte attendu et réparateur d’injustices profondes, qui fragilisent une partie de nos concitoyennes et de nos concitoyens depuis trop longtemps. Je suis fier de défendre pour la deuxième fois, avec notre collègue Jeanine Dubié, cette proposition de loi.

La déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés, prestation d’autonomie, est en effet une urgence. Je rappelle que même à taux plein, elle se situe en dessous du seuil de pauvreté. Son montant est calculé en tenant compte des revenus du bénéficiaire et de son conjoint. Par conséquent, si les revenus du couple dépassent un certain plafond, l’AAH est amputée proportionnellement, voire n’est plus perçue par le bénéficiaire.

Les personnes handicapées sont dès lors soumises à un choix sinistre : renoncer à leur indépendance financière ou à vivre en couple ; c’est ce qu’ils appellent le prix de l’amour, un prix inacceptable.

Non, il n’est pas acceptable de maintenir en vigueur des règles de calcul contraires à l’autonomie et à la dignité des personnes, des règles qui tendent à enfermer les personnes en situation de handicap dans une situation de dépendance malsaine vis-à-vis de leurs conjoints pour se vêtir, pour avoir un téléphone personnel, pour aller au cinéma, pour boire un verre avec des amis. N’y a-t-il pas là une atteinte intolérable aux libertés individuelles ?

Aux souffrances liées à la maladie et au handicap s’ajoute bien souvent un sentiment de honte et d’inutilité face à l’impossibilité de contribuer aux ressources du foyer. Dans le cas des femmes en situation de handicap victimes de violences, cette dépendance financière peut s’avérer encore plus dramatique. En effet, la dépendance financière nourrit la dépendance psychologique et il est d’autant plus difficile de s’extraire de situations d’abus et de violence sans ressources propres, en devant attendre plusieurs semaines pour récupérer une AAH à taux plein.

Oui, ces règles de calcul sont contraires à la plus élémentaire humanité et aux engagements de la France en matière de protection des droits humains. La Défenseure des droits a été claire à ce sujet, tout comme la Commission nationale consultative des droits de l’homme – CNCDH : elles ont rappelé que le mode de calcul actuel va à l’encontre des principes de la convention relative aux droits des personnes handicapées, qu’il ne respecte pas les droits à la dignité, à l’autonomie, à la possibilité de faire librement ses propres choix et à disposer d’un niveau de vie adéquat, et qu’il entrave le droit à fonder une famille ou à vivre en couple.

Le 17 juin dernier, le Gouvernement faisait honteusement usage du vote bloqué pour faire obstacle à la déconjugalisation de l’AAH. Puis, au mois d’octobre, la proposition de loi de notre collègue Aurélien Pradié était rejetée. Enfin, la semaine dernière, en commission, le Gouvernement et sa majorité ont supprimé froidement les articles de notre proposition de loi.

L’abattement forfaitaire, présenté comme une solution alternative à la déconjugalisation, que vous avez proposé lors de la deuxième lecture du texte à l’Assemblée et qui a été repris dans le projet de loi de finances, n’est en aucun cas une réponse adéquate. Cette mesure maintient le statu quo , fait un bras d’honneur aux associations unanimes qui vous réclament cette déconjugalisation et dénature complètement l’ambition originelle de notre texte, à savoir la reconnaissance du droit à l’autonomie et donc à l’individualisation. Le Sénat n’en a pas voulu non plus et a rétabli, en deuxième lecture, la version des articles 3 et 3 bis qu’il avait adoptée en première lecture. Je salue le travail des sénateurs qui ont rétabli la majoration de l’AAH pour les personnes à charge et ont établi une période transitoire pour les 44 000 personnes estimées perdantes de la réforme de l’individualisation.

Nous nous trouvons aujourd’hui face à un choix : maintenir un mode de calcul obsolète et injuste ou reconnaître une fois pour toutes le droit à l’autonomie des personnes en situation de handicap.

L’individualisation de l’AAH est attendue et bien au-delà des associations de personnes handicapées. Il faut ainsi rappeler que la pétition pour la désolidarisation des revenus du conjoint pour le paiement de l’AAH, publiée sur le site du Sénat, est la première à avoir atteint le seuil de plus de 100 000 signatures ; la pétition pour la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé et l’adoption du projet de loi n° 3970, publiée sur le site de l’Assemblée, en rassemble aujourd’hui plus de 30 000. Dans une lettre ouverte du 4 novembre dernier, un collectif d’associations a interpellé les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat sur l’urgence de mettre fin à la conjugalisation de l’AAH, évoquant « une avancée sociale d’ampleur dont dépend le respect des droits, de la santé, et de la dignité des personnes concernées ».

Il est de notre responsabilité d’entendre cette demande et de nous montrer à la hauteur de l’enjeu. Dès lors, je vous invite vivement à voter les amendements de rétablissement des articles 3 et 3 bis que nous défendons, comme un grand nombre de nos collègues. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR, SOC et LT.)

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Stéphane
Peu

Député de Seine-Saint-Denis (2ème circonscription)
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