Interventions

Discussions générales

Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification de l’action publique locale - CMP

Nous arrivons au terme de nos débats sur une loi emblématique du quinquennat, une loi qui, nous le craignons, aggravera la rupture du pacte républicain et renforcera les inégalités territoriales.
Les députés communistes, d’hier comme d’aujourd’hui, ont toujours combattu les lois de même inspiration : hier, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE), la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) ou la loi « engagement et proximité » ; aujourd’hui, la loi 3DS. En effet, nous sommes fidèles à une certaine conception de l’État : un État fort ; un État qui régule, qui répartit et qui protège ; un État qui garantit l’égalité républicaine sur tout le territoire ; mais aussi un État stratège qui sait se mettre au service des collectivités.
Cet État fort que nous défendons n’est pas la négation de la décentralisation, de même que la décentralisation n’est pas, pour nous, l’occasion de justifier un nouvel affaiblissement de l’État. C’est pourquoi nous considérons toujours que les équilibres d’une loi d’organisation des territoires sont à apprécier au regard des moyens financiers mobilisés à son service. Or c’est selon nous votre première faute politique : vous transférez aux collectivités des responsabilités nouvelles sans les moyens afférents, et vous le faites dans un contexte où l’autonomie fiscale des collectivités a déjà été gravement mise à mal tout au long du quinquennat.
Ainsi en est-il, pêle-mêle, du transfert de la médecine scolaire aux départements, entraînant le risque d’accroître encore les inégalités dans nos écoles, ou des 9 000 kilomètres de petites lignes ferroviaires menacées de disparition, mais que vous proposez de transférer aux régions volontaires. Celles-ci seront donc soumises à un choix cornélien : soit se déclarer prêtes à gérer un patrimoine dégradé nécessitant des investissements importants, soit renoncer à un service public essentiel à nos territoires.
Deuxième faute politique : vous invoquez le principe de lisibilité pour justifier vos décisions, mais la loi 3DS est un grand bond dans le brouillard. Ainsi, le transfert de compétences à la carte des communes vers les intercommunalités – tentative hasardeuse de traiter les problèmes résultant d’intercommunalités géantes et non choisies – ne peut que conduire à une illisibilité totale des politiques publiques pour les citoyennes et les citoyens, et ce faisant à accroître la défiance.
Or, troisième faute politique, vous ne vous attaquez pas aux logiques qui ont dévitalisé les communes, pierre angulaire de notre socle démocratique, ni au processus de métropolisation qui éloigne toujours plus les citoyens des instances où se décident les politiques publiques, confirmant l’adage : « Loin des yeux, loin du cœur. » C’est l’inverse que réclame le pays, notamment depuis le mouvement des gilets jaunes : les Français veulent être à nouveau entendus, être au cœur des processus de décision, et en ont assez du fatras de la start-up nation (M. Ugo Bernalicis applaudit) qui dématérialise à tout va et dilue la responsabilité politique.
Pour conclure, j’évoquerai la loi SRU. Bien sûr, vous avez mis en vitrine sa prolongation au-delà de 2025, et nous vous avons soutenu sur ce point. Mais quand on regarde dans le détail, surtout dans le texte issu de la CMP, cette prolongation se fait au prix d’un fort affaiblissement d’une loi qui nous est chère et que nous devons, entre autres, à Louis Besson et Jean-Claude Gayssot, alors membres du gouvernement de Lionel Jospin.
En cédant ainsi aux injonctions du Sénat, mais aussi avec les nombreux amendements de votre majorité, vous avez affaibli les sanctions, allongé les délais de mise en conformité et instauré des contrats de mixité sociale qui entérinent un droit au logement à géométrie variable. Enfin, cerise sur le gâteau, vous avez renoncé aux avancées obtenues par les députés communistes en première lecture, comme l’interdiction de la vente de logements HLM dans les villes carencées.
Au moment même où la fondation Abbé-Pierre vient de nous rappeler combien le droit au logement est bafoué dans ce pays, et où cette même fondation vous met en garde sur le danger d’affaiblir la loi SRU, un tel recul est bien une faute politique majeure. C’est une faute politique d’autant plus lourde que vous donnez le point aux pires ennemis de la mixité sociale, les candidats de l’extrême-droite – Marine Le Pen un jour, Éric Zemmour le lendemain –, qui ne cessent de demander la suppression de la loi SRU.
Mes chers collègues n’en doutez pas : renoncer à la mixité sociale, c’est renoncer au pacte républicain, un pacte malmené tout au long de ce texte qui utilise le mot « différenciation » pour décrire l’émiettement du territoire ; qui acte la victoire du contrat sur la loi ; qui se soumet à l’injonction de la concurrence entre les territoires ; qui nous enferre, enfin, dans un modèle qui n’est pas le nôtre, le couple Europe-région, plutôt que le triptyque républicain commune-département-État. C’est pourquoi nous voterons contre le texte. (MM. Pierre Dharréville et Hervé Saulignac applaudissent.)

Imprimer cet article

Thématiques :

Pouvoir d’achat Affaires économiques Lois Finances Développement durable Affaires sociales Défense nationale Affaires étrangères Voir toutes les thématiques