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Dialogue social et emploi

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, ce texte relatif au dialogue social et à l’emploi traite de trois grands sujets : le régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle ; la mise en place de la prime d’activité ; les nouvelles règles concernant le dialogue social. Les dispositions concernant les intermittents du spectacle traduisent les engagements pris par le Premier ministre. Elles inscrivent dans la loi le principe d’indemnisation du chômage qui leur est propre et donnent la possibilité aux partenaires sociaux représentatifs du secteur du spectacle de conduire les négociations sur leur convention d’assurance-chômage. Ce sont là des avancées que nous soutenons.
Nous pensons toutefois que le texte pourrait être amélioré, s’agissant notamment de la lutte contre la précarité de ces professionnels qui souffrent d’un recours abusif aux contrats à durée déterminée. Nous formulerons des propositions en ce sens. Ce texte crée par ailleurs une prime d’activité, en fusionnant le RSA activité avec la prime pour l’emploi. Si nous pouvons soutenir cette proposition qui simplifie et qui, surtout, selon les objectifs annoncés, vise à soutenir prioritairement les travailleurs les plus modestes – à savoir ceux qui perçoivent entre 908 et 1 363 euros net par mois –, nous sommes préoccupés, monsieur le ministre, par le fait que cette réforme se fasse à enveloppe constante, dans le cadre des 4,1 milliards d’euros actuels. En effet, nous doutons que vous puissiez tenir vos engagements que les actuels bénéficiaires du RSA activité ne soient pas perdants et que, de surcroît, cette nouvelle prime bénéficie, sous certaines conditions, aux étudiants et aux apprentis qui étaient jusqu’ici exclus du RSA activité, et qui n’entraient donc pas dans l’enveloppe actuelle. Nous souhaiterions que vous nous précisiez le financement de cette mesure.
Je veux croire que le Gouvernement ne compte pas sur un faible recours à ce nouveau dispositif pour entrer dans l’enveloppe. Une autre de nos préoccupations est le très faible recours à ces dispositifs d’aide, puisque l’on considère aujourd’hui que, parmi ceux qui y ont droit, une personne sur deux seulement en bénéficie, alors qu’elles en ont pourtant éminemment besoin. Nous souhaiterions savoir quelles mesures sont concrètement envisagées
pour dépasser ce taux de recours estimé à seulement 50 %.
Je veux dire un mot du compte personnel d’activité dont l’article 21 fixe un calendrier de mise en œuvre. Ce compte personnel, qui doit permettre le regroupement et la portabilité des comptes pénibilité, formation et épargne temps, va dans le sens du progrès. Cependant, pour qu’il constitue une réelle avancée sociale, il faut qu’il prenne en compte l’ensemble des droits susceptibles d’être attachés au salarié, donc portables. Je pense, par exemple, à l’ancienneté que nous proposerons d’introduire par un amendement.
J’en viens au cœur de ce texte, concernant la modernisation et la simplification du dialogue social. Vous posez d’emblée, et à juste titre, la nécessité de revisiter les conditions du dialogue social pour l’améliorer, en partant du constat – je cite l’exposé des motifs – « qu’il est souvent marqué d’un formalisme qui ne favorise ni la recherche constructive de solutions, ni la délibération sur les enjeux stratégiques auxquels l’entreprise est confrontée ». Il est vrai que différentes institutions représentatives du personnel coexistent, que leurs missions se sont étoffées au fil du temps, que, de ce fait, les réunions se multiplient et que l’employeur est dans l’obligation de remettre aux salariés de plus en plus de documents. Rien d’anormal à tout cela. C’est l’évolution de la vie, tant concernant les droits des salariés que le fonctionnement des entreprises.
Assurément, il est nécessaire de moderniser le dialogue social, non pour le réduire mais pour le rationaliser, le stimuler et le rendre plus sincère. Le préambule de la Constitution de 1946 met le dialogue social au cœur de notre contrat social en ces termes : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses représentants, à la détermination collective des conditions de travail, ainsi qu’à la gestion des entreprises. » Cela signifie que ce dialogue ne peut être efficace qu’à condition de donner un réel pouvoir aux salariés et à leur représentation collective, afin de contrebalancer la subordination du salarié face à l’employeur, ce qui est contraire au principe constitutionnel d’égalité.
Or ce texte, quand on le prend dans sa globalité, aboutit en réalité, sous couvert de modernisation, à réduire les droits des représentants des salariés. Certes, avec la création des commissions régionales paritaires, vous instaurez enfin une représentation réclamée depuis longtemps par les travailleurs des très petites entreprises de moins de onze salariés. Ce n’est pas un détail, puisque cette disposition concerne 4,6 millions de salariés ; aussi nous en félicitons-nous. Pour autant, d’une part, cette avancée ne saurait justifier une réduction des droits des autres salariés ; d’autre part, des améliorations indispensables doivent y être apportées comme le droit pour les représentants des salariés d’entrer dans les très petites entreprises. Nous avons voulu introduire cette disposition par amendement et vous l’avez refusée en commission au prétexte qu’elle porterait atteinte au droit de propriété ! Sérieusement, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, personne ne songe à s’emparer d’une entreprise, en portant atteinte au droit sacré de la propriété ! (Sourires.) Le débat est ailleurs.
Concernant l’extension de la délégation unique du personnel – DUP – aux entreprises comprenant jusqu’à 300 salariés et plus lorsqu’un accord collectif le prévoit, force est de constater que cette disposition aboutit à une baisse du nombre d’élus et du nombre d’heures de délégation, avec finalement une importante centralisation des instances, laissant certains établissements sans aucune représentation et conduisant à affadir la pluralité de l’expression syndicale, surtout si cette délégation inclut désormais, comme le prévoit le texte dans sa rédaction actuelle, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – CHSCT. Ainsi, la baisse des moyens liés à la DUP pour cette catégorie d’entreprises, ajoutée à l’augmentation des missions pour chaque représentant des salariés, signifie que les élus connaîtront moins bien leur sujet et qu’ils seront moins bien placés qu’aujourd’hui pour les traiter.
En effet, comment demander aux mêmes élus, moins nombreux que lorsque les instances sont distinctes, et avec moins d’heures de délégations, de maîtriser tout à la fois les questions économiques, la législation du travail, les conventions collectives applicables dans l’entreprise et les problématiques en matière de santé et de sécurité au travail, dont chacun reconnaît la spécificité et dont on peut dire, malheureusement, que tout confirme l’importance ? Il s’agit là d’un recul net, qui n’est pas acceptable, particulièrement dans cette période de chômage qui fait peser si lourdement sur les salariés, et sur les syndicalistes, les contraintes économiques et la crainte de perdre leur emploi.
Nous constatons, par ailleurs, que le niveau national interprofessionnel est le grand absent de ce texte. Il est pourtant fondamental, puisque les accords signés à ce niveau de négociation figurent dans la loi et font le code du travail. Comment prétendre, comme vous le faites dans l’exposé des motifs, « à l’amélioration de la représentation des salariés, quelle que soit la taille de leur entreprise », sans traiter le niveau de négociation national, interprofessionnel, si essentiel ? Ce manque est d’autant plus préjudiciable que la plupart des organisations syndicales se rejoignent pour dénoncer la mainmise du MEDEF sur ces négociations, dont l’intégralité des réunions se déroulent dans ses propres locaux, à partir de textes proposés par le patronat. Je passe sur d’autres détails, faute de temps.
Un projet de loi de modernisation du dialogue social digne de ce nom devrait avoir le courage de traiter ce sujet et, par là même, du rôle et de la place des parlementaires, garants de l’intérêt général. En effet, le Parlement ne peut être cantonné à la simple transposition dans la loi des accords nationaux interprofessionnels.
De plus, nous sommes préoccupés par le traitement dans le texte de l’égalité professionnelle, nous y reviendrons lors de l’examen des articles.
Pour conclure, si on peut saluer les indiscutables progrès concernant la représentation des salariés des très petites entreprises, nous ne pouvons que déplorer le recul de leur représentation dans les entreprises plus grandes. Je ne vous cache pas que déshabiller Pierre pour habiller Paul gâche beaucoup l’avancée concernant les TPE.

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Jacqueline
Fraysse

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