Dénonciation des accords franco-algériens du 27 décembre 1968
Publié le 30 octobre 2025La volonté de dénoncer les accords franco-algériens de 1968 est devenue une rengaine de la droite et de l’extrême droite de cet hémicycle ; et elles font preuve d’un certain acharnement, puisqu’une première tentative en ce sens s’est déjà soldée par un échec. Pourquoi remettre cette proposition à l’ordre du jour de nos travaux ?
Vous mettez en avant le traditionnel argument de la « submersion migratoire » et la nécessité de réguler une immigration jugée « massive » et « dangereuse ». Votre acharnement n’a en réalité qu’un seul objectif : l’humiliation de l’Algérie et de son peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Au fond, l’extrême droite, héritière de l’OAS, n’a jamais digéré l’indépendance algérienne, qui a rompu avec le colonialisme français. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.) La guerre d’Algérie a officiellement pris fin avec les accords d’Évian en 1962 mais, loin de chercher la réconciliation et l’apaisement entre nos deux nations, certains sur ces bancs entretiennent un combat politique, teinté de racisme et de xénophobie, sur fond de nostalgie coloniale.
Vous prétendez diriger la France un jour, mais votre conception de la diplomatie plongerait le pays dans un chaos sans nom, tant elle repose sur la provocation – plutôt que sur la raison. Vous rêvez de gouverner la France ; moi, je souhaite simplement qu’elle ne tombe jamais entre vos mains. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
L’argument de la facilité de circulation des Algériens en France ne tient pas. Ces accords ont déjà été réformés à de multiples reprises et les conditions d’octroi de nombreux titres de séjour, durcies. Ces accords sont hermétiques à certaines avancées du droit commun : les cartes de séjour pluriannuelles, les passeports talent, la régularisation par le travail, les titres de séjour pour motif humanitaire, au profit des victimes de la traite ou de violences conjugales. Tout cela, les citoyennes et les citoyens algériens n’y ont pas droit.
De plus, dénoncer de manière unilatérale les accords de 1968 constituerait une violation du droit international, car il n’existe aucune clause expresse de dénonciation. L’Algérie pourrait donc saisir la Cour internationale de justice de La Haye.
Avec vous, c’est toujours pareil : le respect du droit ne vaut que pour certains, mais jamais pour vous. Les récentes condamnations judiciaires qui vous concernent en sont le triste exemple. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Dans toutes vos prises de parole, vous appelez à un bras de fer entre l’État français et l’État algérien. C’est déjà ce que l’ancien ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau a essayé de mettre en œuvre, mais avec quel résultat ? Aucun !
Entretenir et exacerber le conflit ne fonctionne pas. L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal est toujours emprisonné et le journaliste Christophe Gleizes, aussi. Nos relations diplomatiques n’ont jamais été aussi affaiblies.
La stratégie que vous défendez est un échec. Dénoncer les accords franco-algériens de 1968 est une impasse, voire pire. Vous vous présentez comme les défenseurs de la sécurité des Françaises et des Français, mais vous devriez aborder cette question avec plus de mesure. Des diplomates expérimentés ont clairement dénoncé votre stratégie : la dégradation des relations franco-algériennes a rendu beaucoup plus difficile la coopération, pourtant solide depuis des années, sur des enjeux essentiels de renseignement et de sécurité intérieure. Votre obsession anti-Algérie l’emporte sur ces réalités.
Au contraire, les tensions actuelles rendent difficile la coopération qui existe pourtant depuis de nombreuses années entre ces deux pays sur des enjeux essentiels comme la sécurité, l’antiterrorisme ou encore la coopération économique.
La droite et l’extrême droite jouent un jeu dangereux. Elles éludent les véritables enjeux de la relation franco-algérienne, au profit du seul sujet qui compte à leurs yeux, l’immigration. Il faut pourtant revenir à une relation respectueuse et retrouver le chemin d’un dialogue apaisé, avancer pas à pas, pour mettre fin à cette crise. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR et EcoS.)
Le travail de mémoire qui a été engagé, en France comme en Algérie, doit reprendre. Il est indispensable.
Le premier responsable de la crise que nous traversons est-il seulement capable de cette concession ? C’est bien le président de la République, Emmanuel Macron, qui l’a ouverte, il y a un an et demi, avec la reconnaissance, par la France, de la marocanité du Sahara occidental. Cette décision, unilatérale, était contraire au droit international et au droit à l’autodétermination des peuples.
J’adresse donc deux questions au gouvernement et au socle commun : la réhabilitation de nos relations avec l’Algérie fait-elle partie du programme de ce gouvernement ? Le départ de Bruno Retailleau marque-t-il enfin l’arrêt de votre course effrénée derrière les obsessions xénophobes de l’extrême droite ?
Nous voterons contre ce texte, vous l’avez bien compris. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI, SOC, EcoS et LIOT.)