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Démocratie agricole 1ère lecture

N’ayant pu participer aux débats en commission, j’irai directement au but en précisant que je soutiens l’ensemble des articles adoptés en commission, tout en étant partagé sur l’article 1er, rejeté par certains – contre leur gré, semble-t-il. Selon moi, ce rejet tient plus aux questions de fond qu’il soulève au regard de notre incapacité à tenir le cap pour sortir de l’utilisation massive des produits phytosanitaires qu’à ses effets réels en matière de démocratie agricole.
Certes, l’adoption de cette disposition sera surtout utile aux deux syndicats agricoles majoritaires, puisque ces derniers comptent le plus de représentants au sein des conseils d’administration de nos coopératives agricoles. Je comprends donc que d’autres représentants syndicaux puissent légitimement trouver là un moyen de contester d’éventuels conflits d’intérêts en matière de promotion de vente de produits phytosanitaires.

Toutefois, comme l’a plusieurs fois souligné mon collègue Potier, ce n’est pas dans l’application ou non de cette interdiction de participation des représentants des coopératives aux bureaux des chambres d’agriculture que se joue la sortie de l’usage des produits phytosanitaires. Le fond du problème est bien structurel. En témoigne l’inefficacité constatée de la mesure de séparation des activités de vente et de conseil, que nous avions inscrite dans la loi Egalim. Ainsi, le problème tient essentiellement à l’absence de volonté politique de lever les contraintes socio-économiques qui pèsent aujourd’hui sur les agriculteurs.

Sans sécurité du revenu, sans rémunération à la hauteur des productions durables, y compris lorsqu’il y a des pertes de rendement liées à l’adoption de pratiques économes en intrants et phytosanitaires, sans outils de protection efficaces face aux importations moins-disantes, sans un effort très soutenu d’accompagnement de la recherche agronomique et de déploiement de ses acquis au champ, il n’y a que peu de chances que tout le monde s’oriente progressivement vers des systèmes plus vertueux.

Ce sont ces mesures fortes qui, à mon sens, doivent être prises pour ouvrir la voie de la durabilité de notre agriculture pour ceux qui, comme moi, jugent absolument indispensable de réorienter en profondeur leurs systèmes de production, compte tenu des enjeux agroécologiques, alimentaires, sanitaires et environnementaux de notre temps.
Notre échec, depuis une vingtaine d’années, tient d’abord à l’absence de volonté de la puissance publique d’agir fermement contre la captation de la valeur ajoutée par les acteurs qui corsètent l’ensemble de nos agriculteurs. Pour changer l’agriculture, encore faut-il avoir le courage politique de changer de politique économique !
Ce n’est pas le cas au niveau européen, avec des politiques qui ruinent nos paysans : poursuite de l’ouverture des marchés et conclusion d’accords de libre-échange, d’une part ; détricotage des derniers outils de régulation des prix, des volumes et de gestion des risques, d’autre part. Ce n’est pas non plus le cas en France, avec le choix des gouvernements successifs de ménager la chèvre et le chou : plan stratégique et activisme de façade en matière de droit commercial dans le prolongement des lois Egalim, d’un côté ; blocage systématique de toutes les vraies mesures coercitives qui pourraient transformer les rapports de force dans la chaîne de valeur, de l’autre.

J’ajouterai, madame la ministre, que le contenu très limité de la loi dite d’orientation agricole, qui poursuit sa navette parlementaire, ne m’enthousiasme pas vraiment. À moins de la muscler, les quelques mesures qu’elle contient seront loin de répondre à l’ampleur des défis que notre agriculture doit relever.

Madame la rapporteure, je conclurai en regrettant, comme vous sans doute, et comme d’autres, que ce texte n’ait pas pu servir de véhicule pour garantir une meilleure représentativité au sein des chambres d’agriculture, comme de l’ensemble des interprofessions et instituts techniques. Il y a besoin d’avancer en ce sens, tant pour le collège des exploitants que pour les autres collèges. Je pense en particulier aux 820 000 salariés qui relèvent du régime agricole : ils sont deux fois plus nombreux que les non-salariés. Cette mutation profonde de notre agriculture devra nécessairement se traduire un jour par une transformation importante des structures de représentation des professions concernées. C’est dire si nous avons encore du pain sur la planche !

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