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Défense : emplois réservés et autres dispositions

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Chers collègues,
Comme vous le savez, l’examen de ce projet de loi intervient dans un contexte particulièrement lourd pour notre défense nationale.
Tous les éléments sont maintenant largement connus, j’ai eu l’occasion d’y faire référence plusieurs fois ces derniers temps, et c’est pourquoi je n’y reviendrai que brièvement.
Je voudrais simplement rappeler qu’un véritable dégraissage des armées est en cours. De gigantesques restructurations sont menées sous l’égide de la Révision Générale des Politiques Publiques (la fameuse « R.G.P.P. »). Elles se traduisent par la suppression de 7 à 8 000 postes par an pendant sept ans.
D’ampleur inégalée, ces suppressions d’emplois s’opèrent principalement sous la forme du non-renouvellement des contrats de travail.
Je le redis, cette situation dramatique n’est pas acceptable.
Outre les effets sur l’emploi de cette politique, les conséquences sont désastreuses pour de nombreux bassins de vie et territoires. La fermeture de bases, de centres et d’unités territoriales créera de véritables déserts. Des pans entiers de nos régions vont être sinistrés, concernant la vie et l’économie locale. L’aménagement du territoire français pâtira aussi de la casse des armées.
Alors, on le voit bien, dans ce contexte morose, la réinsertion des militaires est rendue absolument primordiale. Et j’estime qu’il est de la responsabilité du gouvernement d’assumer ses choix.
L’ambition de ce projet de loi sur les emplois réservés est donc de favoriser la mobilité des personnels de défense, afin qu’ils trouvent une place et un déroulement de carrière acceptable ailleurs. Ce texte propose de moderniser le dispositif de reconversion des militaires non-officiers.
Il est vrai que des adaptations sont rendues nécessaires pour prendre en compte les évolutions des carrières et la professionnalisation des armées.
Institué dans une logique de solidarité nationale avant la Première Guerre mondiale, le dispositif des emplois réservés avait à l’origine pour objet de récompenser certains soldats blessés en leur garantissant un retour à la vie civile dans de bonnes conditions, grâce à une procédure dérogatoire d’accès à l’emploi public.
Pour ma part, bien évidemment, je considère que cette solidarité nationale en faveur des militaires est parfaitement légitime.
Vouloir redynamiser cette filière spécifique de reconversion professionnelle est donc judicieux, mais, pour être tout à fait complet, je doute fortement que ce toilettage législatif soit à la hauteur de la crise actuelle des armées.
On le sait, depuis la professionnalisation des armées, la reconversion professionnelle des militaires est un problème majeur. Avec la multiplication des contrats courts, ce sont environ 30 000 hommes et femmes qui sont rendus à la vie civile chaque année.
La solution de l’accès à un emploi public par la voie des emplois dits « réservés » ne représente pas grand-chose d’un point de vue quantitatif. On pourrait même dire qu’il est « réservé » à quelques-uns !
J’en veux pour preuve le fait que le nombre de postes effectivement pourvus n’a cessé de décroître depuis cinq ans. Ainsi, en 2006, moins de 500 personnes étaient concernées.
Sur 3 000 postes offerts, à peine 500 désignations étaient enregistrées.
A l’évidence, il n’y a pas suffisamment d’emplois pour tout le monde. Cela se comprend aisément quand on sait que la destruction de postes dans la fonction publique est bel est bien générale et aveugle. Tous les métiers sont concernés, y compris les plus indispensables pour l’avenir de notre Nation, comme les postes d’enseignants par exemple.
Je voudrais de même ajouter qu’il ne faudra pas trop compter sur les collectivités territoriales. Celles-ci sont en effet soumises à de fortes contraintes financières du seul fait de l’Etat, ce qui fait qu’elles ne pourront pas accueillir un nombre important de militaires.
On le voit, il n’y a pas de vases communicants dans les fonctions publiques, le but est bien de faire des économies dans le budget de l’Etat.
Dans ce contexte, l’élargissement des possibilités de reconversion et l’assouplissement du dispositif qui nous sont proposés sont grandement insuffisants. Il aurait été nécessaire que le gouvernement propose une réforme de fond, qui instaure non pas quelques privilèges pour certains, mais un véritable système de passerelles au sein de la fonction publique, fondé sur la reconnaissance des compétences.
Par ailleurs, après une étude attentive du dispositif, il s’avère qu’il existe de nombreuses zones d’ombre qui méritent des explications précises.
Concernant les modifications de l’article L. 398 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, les militaires en service sont-ils concernés par la limite d’âge, actuellement 40 ans, pour pouvoir postuler aux emplois réservés ? De nombreux militaires sont concernés.
De plus, la réécriture de l’article L. 402 ouvre la possibilité de déroger à la condition de diplôme posée pour l’accès à un corps ou cadre d’emploi, mais les conditions d’aptitude physique, la durée et les modalités d’inscription sur les listes d’aptitude sont renvoyées à un décret en Conseil d’État. L’incertitude est donc grande.
Enfin je voudrais vous dire que sur le terrain, le dispositif manque cruellement de lisibilité. J’espère que le gouvernement fera des efforts en matière de communication et d’orientation.
Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, nous nous abstiendrons donc sur ce texte.
Merci pour votre attention.

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Jean-Jacques
Candelier

Député du Nord (16ème circonscription)
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