Cela fait maintenant trois ans que la guerre en Ukraine fait rage. Trois ans de morts et de destructions. Trois ans de résistance et de résilience sociale ukrainienne. Trois ans que l’humanité se perd, que l’ordre international se redessine. Mais aussi trois ans d’importantes manifestations de solidarité avec le peuple ukrainien, partout dans le monde.
Donald Trump se targue de pouvoir mettre fin à la guerre, il faut se demander à quel prix. Oui, un prix, c’est bien sur ce point qu’il a conditionné une prétendue paix en Ukraine. La violence dont il a fait preuve envers le président Zelensky, si elle était prévisible, n’en est pas moins indigne. L’altercation entre Zelensky, Trump et Vance est inacceptable mais elle montre bien la nature de la politique de Trump, celle du conservatisme d’extrême droite, de la brutalisation des débats, de la remise en question de l’État de droit à travers le monde, et de la défense de ses seuls intérêts : l’argent et la puissance. (MM. André Chassaigne et Stéphane Peu applaudissent.)
Des accords sont conclus entre dirigeants sans préoccupation aucune pour les conditions sociales, les peuples, ou les conséquences sur l’environnement ; peu importe qu’ils bafouent les valeurs les plus élémentaires ou le droit international dès lors que leurs signataires s’enrichissent.
Voulez-vous vraiment la paix ? Tant les prises de parole que la politique menée laissent penser le contraire. Dans le budget déjà, lors de la première loi de programmation militaire en 2018, le montant alloué à la défense était de 40 milliards d’euros. Il est en 2025 de 50 milliards.
La volonté du président est claire : consacrer 5 % du PIB à la défense. Le ministre des armées a indiqué que ce pourcentage se traduirait par la somme de 140 milliards en 2030. (M. le ministre des armées hoche la tête en signe de dénégation.) Si c’est une erreur, monsieur le ministre, tant mieux !
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées
J’y reviendrai.
M. Jean-Paul Lecoq
Soit, mais c’est tout de même beaucoup. Où allez-vous trouver cet argent ? Vous nous répétez sans cesse qu’il n’y a pas d’argent pour l’éducation, la santé ou les services publics de manière générale mais vous prévoyez de dépenser des sommes considérables pour l’armée. Il faudra justifier ces dépenses astronomiques pour les faire accepter par la population et éviter ainsi toute révolte ou mobilisation populaire.
Pour convaincre la population, on installe la peur, la méfiance, le sentiment d’insécurité. La surenchère guerrière, Emmanuel Macron et ses ministres savent faire ! Le vocabulaire martial est omniprésent dans les discours.
Et en France, nous avons l’arme nucléaire qui, soit dit en passant, coûte chaque jour 15 millions d’euros à notre pays – cette fois, le chiffre est bon. Alors oui, l’arme nucléaire paraît dissuasive, mais Emmanuel Macron a récemment rappelé dans ses discours la doctrine nucléaire de la France, qui avait été consolidée par François Mitterrand : l’arme nucléaire sert à protéger les intérêts vitaux du pays.
Monsieur le premier ministre, quels sont les intérêts vitaux de la France ? Si demain un pays de l’Union européenne est attaqué militairement par la Russie, ou par un autre pays, déclenchera-t-on l’arme nucléaire ? Dans quels cas l’utiliserons-nous ? Qui prendra la décision si vous l’étendez à l’Europe ? Chez moi, on dit que celui qui décide, paye. Les Français seront-ils les seuls mis à contribution pour résorber ce gouffre financier ?
Pourtant, face à cette guerre, une autre approche existe, celle de la paix. C’est celle que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine propose depuis le début de la guerre. Avec mes collègues communistes et ultramarins, nous affirmons que, pour régler les conflits, il ne faut pas faire la guerre, il faut prôner et cultiver la paix.
Pour cela, il y a la diplomatie. Je ne parle pas de la diplomatie des affaires, où l’on conclut un accord commercial prétendument « gagnant-gagnant » sur les minerais stratégiques, ni de la diplomatie de la charrue, où le président de la République promet d’envoyer des troupes pour préserver la paix, car dans le cas de la guerre en Ukraine, préserver la paix, c’est être garant d’un accord de paix. Mais de quel accord parle-t-on au juste ? Le président connaît-il le contenu de cet accord ? On ne peut pas être garant d’un accord dont on ne connaît pas la teneur ! Donald Trump utilise la même politique, mais de manière presque forcée, avec le président ukrainien, en lui disant en substance : signez notre deal, où nous ne vous aidons plus.
Quel accord ? Quel est le cadre de cet accord ? S’agit-il d’un accord de paix, négocié entre la Russie et les États-Unis, sans consultation de l’Ukraine mais que ce dernier pays devrait sans condition accepter ? Est-ce pour cela, monsieur le ministre des affaires étrangères, que vous vous êtes abstenu au Conseil de sécurité de l’ONU le 24 février ? Quand on connaît les volontés expansionnistes et l’attrait pour le profit du président américain, il faudrait réfléchir à plusieurs fois avant de s’allier à lui ! Il faut que la France prenne ses distances. Ne valait-il pas mieux voter contre la résolution ou, au moins, user du droit de veto pour empêcher qu’elle soit adoptée ?
La diplomatie impose de dialoguer avec tous les responsables politiques de tous les pays. Comment voulez-vous négocier la paix pour l’Ukraine lorsque le président de la République indique qu’il ne faut surtout pas parler avec Vladimir Poutine, et que le ministre des affaires étrangères français déclare que si son homologue russe l’appelle, il ne décrochera pas ? Bravo la diplomatie ! On se croirait dans une cour d’école. L’hypothèse d’une troisième guerre mondiale n’est pas un jeu – terme que j’ai encore entendu ce week-end. C’est un drame, et il faut tout faire pour l’éviter. Cette négociation de paix ne peut pas se faire sans l’Ukraine, ni sans la Russie. Mais elle doit inclure de nombreux pays, et pas uniquement les pays occidentaux.
Lorsqu’Emmanuel Macron a rencontré les dirigeants de partis politiques, il a mentionné la menace que représente la Russie par les ingérences étrangères en France et en Europe. Pourtant, aucun mot sur la menace que représentent Trump et son administration par la propagation, voire la promotion des idées d’extrême droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Le nazisme, c’était hier, mais avec des politiques pareilles, cela pourrait aussi être demain.
La Russie a contourné les sanctions européennes car elle avait préparé cette guerre, autant sur le plan économique que diplomatique. Économiquement, elle avait conclu des accords avec l’Europe sur l’énergie, nous rendant dépendants et donc vulnérables, tout en s’enrichissant. Politiquement, la Russie n’a pas mis de côté les pays du Sud comme l’Occident l’a fait. Les relations internationales sont devenues fluides ; notre politique doit s’adapter à cette nouvelle réalité, apprendre à former des alliances solides mais flexibles.
Notre pays ne pourra être audible et crédible sur la scène internationale que lorsqu’il respectera et fera respecter le droit international. Ces règles ont été créées pour éviter les guerres, résoudre les conflits, favoriser la paix, mais si personne ne les applique, c’est la loi du plus fort qui domine.
Par exemple, comment voulez-vous être crédibles quand vous refusez d’exécuter le mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale à l’encontre de Netanyahou mais que vous le ferez sans hésiter à l’égard de Poutine ? Comment voulez-vous que les autres pays vous respectent lorsque le président de la République normalise la colonisation du Sahara occidental par le Maroc, et que M. Larcher et Mme Dati se rendent dans ce territoire occupé reconnu comme non autonome par l’ONU, et donc par le droit international ? Comment voulez-vous entretenir des relations respectueuses avec l’Algérie, pays avec lequel nous avons une importante histoire commune, lorsque le premier ministre veut réexaminer tous les accords qui lient nos deux pays ? Comment être crédible sur la scène internationale lorsque les crimes, les criminels et les morts font l’objet de traitements différenciés selon qu’ils viennent de Palestine, du Soudan, d’Israël, de République démocratique du Congo ou d’Ukraine ?
La paix se construit, elle se réfléchit. Nous devons donc tous, collectivement, réfléchir à ce qu’est la paix, ce qu’elle représente. Un cessez-le-feu ou une trêve n’est pas la paix, seulement une pause du bruit des armes.
Repenser ou penser la paix, aujourd’hui, en Europe, ne pourra pas se faire qu’entre Européens. De nombreux pays ont à cœur que l’Ukraine retrouve la paix, preuve en est de l’initiative du Brésil et de la Chine pour des négociations de paix. Peut-être est-il temps, cinquante ans plus tard, d’engager l’acte II des accords d’Helsinki pour une paix durable en Europe. Il faut obtenir l’arrêt des combats et organiser une conférence internationale sur la sécurité et la coopération en Europe conduisant à un accord de paix, comme ce fut le cas avec les accords d’Helsinki en 1975. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Julie Ozenne, M. François Ruffin et Mme Martine Froger applaudissent également.)