Je travaille à l’ancienne et je relève le défi.
L’entrée en guerre des États-Unis décrétée par Trump seul, pour désenvaser l’attaque d’Israël sur l’Iran, ne révèle pas seulement l’impasse dans laquelle Netanyahou a enfermé son pays : elle sonne l’alarme de la généralisation de l’inhumanité et de la loi du plus violent sur la planète. Nous avons ici déjà débattu du régime iranien. Autant qu’on puisse s’opposer au régime des mollahs, il revient de toute façon seulement à la population civile de ce pays, c’est-à-dire au peuple iranien, de déterminer sa forme gouvernement, pas à Israël, pas aux États-Unis, pas à l’Union européenne, pas à la France, et pas par la force. (Mme Soumya Bourouaha applaudit.) Sinon, on ne fait qu’amplifier le chaos, les souffrances et les ressentiments. L’Afghanistan, l’Irak, la Libye… Cela ne vous a pas suffi ? Sous prétexte qu’elle détiendrait l’arme nucléaire, déstabilisant ainsi la région tout entière, l’Iran a été attaqué.
Rappelons ici quelques faits avérés et non supposés : seuls cinq pays ont le droit de détenir l’arme nucléaire dans le monde depuis des décennies – la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Chine et l’URSS, maintenant la Russie. Ce droit s’accompagne d’une interdiction pour les autres pays de développer l’arme nucléaire, et ceux-ci doivent à ce titre se soumettre au contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique. C’est ce que prévoit le droit international, en l’espèce le traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) que l’Iran a ratifié, laissant donc l’AIEA diligenter ses contrôles. Cette agence, ainsi que la CIA, n’a pas trouvé de preuve tangible de l’existence d’un arsenal atomique en Iran.
Pourtant, et légitimement, le doute continue de planer. Quand on a un doute, on renforce les contrôles, on ne bombarde pas. Israël, quant à lui, détient l’arme nucléaire alors qu’il n’en a normalement pas le droit au regard du traité de non-prolifération – qu’il a donc décidé évidemment de ne pas ratifier. Et, bien sûr, il n’accepte pas d’être contrôlé par l’AIEA. Et que lui dit-on ? Rien. On fait l’autruche. D’autres États détiennent aussi illégalement l’arme atomique : le Pakistan, l’Inde et la Corée du Nord. Comme nous ne voulons pas permettre à d’autres pays de détenir cette bombe par respect du traité de non-prolifération, nous devrions tous y renoncer. C’est ce que propose le traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN). La France, les États-Unis et les autres sont invités à signer ce traité. Un monde sans arme est un monde avec moins de violence, et donc plus de paix.
Nous avons aussi une pensée pour nos otages détenus actuellement en Iran et qui ont subi les bombardements dans leur prison. J’espère, monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, que vous avez des nouvelles plus rassurantes que les silences qui marquaient leur situation.
Je ne sais pas si vous avez remarqué, chers collègues, mais pendant que nous parlions ces derniers jours exclusivement de l’Iran et de Trump, plus personne ne mentionnait Gaza – pourtant toujours sous le coup des bombes. L’État d’Israël et sa population civile ont été victimes d’une attaque terroriste d’ampleur le 7 octobre 2023 ; mais il y avait un avant que beaucoup ont rappelé. Les vingt mois de déchaînement violents de la part de ce régime d’extrême droite ne sont soutenables ni moralement, ni juridiquement, ni politiquement. Plus de 55 000 Palestiniens, femmes et enfants compris, ont perdu la vie sous les bombes d’Israël. Selon l’ONU, l’intégralité de la population gazaouie, soit 2,1 millions de personnes, est aujourd’hui confrontée à un risque critique de famine. Ce n’est pas de la défense, ce n’est plus de la vengeance, c’est un génocide. Et je ne parle pas de ce qui se passe en Cisjordanie où la colonisation se poursuit.
Qu’est-ce qui justifie que des humanitaires soient visés alors que l’armée israélienne connaît leur emplacement et que leurs véhicules sont estampillés de leur logo, comme c’était le cas de Médecins sans frontières ? La paix ? Qu’est-ce qui justifie que des serres agricoles soient bombardées, que des vergers d’oliviers soient rasés et que des conteneurs à eau soient détruits ou démantelés ? Est-ce cela, la paix ? Qu’est-ce qui justifie l’utilisation de missiles d’une tonne en zone peuplée lorsqu’il est prouvé qu’il y aura alors des centaines de morts et de blessés ? Est-ce la paix ? J’en doute – sinon la paix pour leurs âmes. Qu’est-ce qui justifie le bombardement d’hôpitaux, d’écoles, de camps de réfugiés et de prisons ? La paix ? Sans doute sous les gravats. Qu’est-ce qui justifie de viser des sites d’alimentation et des réseaux électriques ? La paix ? Sans doute dans le noir. Qu’est-ce qui justifie qu’une population civile, et cela de manière organisée, soit privée de nourriture, d’électricité, d’accès aux soins et à l’eau potable ? La paix ? La paix sans doute, par la famine et par la soif…
Qu’est-ce qui justifie que des civils soient pris pour cibles par une armée régulière pendant les distributions de nourriture ? Distributions au demeurant inadéquates tant en qualité qu’en quantité, organisées dans des zones dangereuses et reculées forçant les gens à prendre des risques pour un bout de pain qui ne leur offrira que quelques heures de survie supplémentaires.
Rien ne le justifie sinon la stratégie du chaos, de la table rase, de l’anéantissement et de l’asservissement ; rien, sinon la loi du plus fort qui aurait le droit de vie et de mort sur autrui et même sur des peuples entiers…
Qui veut et que vaut ce nouvel ordre mondial où le pire est toujours certain ?
Pour avoir dénoncé la commission de crimes contre l’humanité par Israël et appelé à la libération des prisonniers palestiniens et des otages israéliens, Ayman Odeh, député communiste, risque une exclusion de la Knesset à la demande des députés du Likoud, le parti du premier ministre Benyamin Netanyahou.
Est-ce un exemple de démocratie ?
La souveraineté d’un État n’est pas réservée à l’Occident. Le droit international ne s’applique pas seulement aux autres et la démocratie uniquement pour nous arranger.
Dès lors que les règles du droit international ont été érigées par les pays occidentaux, la responsabilité de respecter ces normes et celle de les faire respecter, leur incombe. Ils ne peuvent pratiquer le « deux poids, deux mesures ».
En janvier 2025, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine avait organisé un débat sur la responsabilité de la France dans l’effondrement du droit international. Nous pourrions le tenir à nouveau et la responsabilité de la France n’aura fait que s’accroître. Notre pays devra rendre des comptes.
Je m’adresse au président de la République : il est temps – j’ose espérer qu’il n’est pas trop tard – que la France s’affranchisse tant de la ligne américaine, aussi instable que les humeurs de son président, que de celle de l’Union européenne, effacée sur le plan international, et qu’elle sache retrouver la place qu’elle avait il y a encore quelques années dans le champ du droit international. Nous devons appliquer chez nous les résolutions que nous votons à l’Assemblée générale des Nations unies, sans attendre que la communauté internationale le fasse. La France doit être intransigeante avec le respect des règles. Les dénonciations de crimes contre l’humanité doivent s’accompagner d’actions juridiques, politiques et économiques. Les sanctions pour les crimes commis doivent être les mêmes pour toutes les puissances. Les mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) doivent être respectés. C’est grâce au refus des dockers de Fos-sur-Mer de charger des armes dans un navire à destination d’Israël que la France peut rester digne malgré l’inertie du gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Si la conférence internationale sur la solution à deux États a été ajournée, elle devra bel et bien se tenir. Mais il n’est pas besoin de l’attendre pour reconnaître la Palestine ! Cela doit être fait maintenant. (Mêmes mouvements.) Nous avions déjà voté cette reconnaissance ici en 2014. Et il n’est pas davantage nécessaire d’attendre pour proposer l’organisation d’une flottille internationale avec nos navires militaires ou de marine marchande et de débarquer de la nourriture, de l’eau, des médicaments sur les plages de Gaza à ceux qui restent et qui pourraient ainsi survivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
La souveraineté de la France n’a jamais consisté dans l’alignement ou la docilité envers des puissances étrangères, quelles qu’elles soient. De de Gaulle à Chirac, la France a été respectée, écoutée parce qu’elle était la France des droits de l’homme et des peuples, parce qu’elle promouvait et défendait des valeurs humanistes et universelles. Il n’est pas trop tard pour retrouver ce chemin. La paix par la force n’existe pas. La paix ne peut passer que par la justice et la diplomatie. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Discussions générales
Déclaration du gouvernement sur la situation au Proche et Moyen-Orient, suivie d’un débat
Publié le 25 juin 2025
Jean-Paul
Lecoq
Député
de
Seine-Maritime (8ème circonscription)