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Déclaration du Gouvernement relative à la décision de la Russie de faire la guerre à l’Ukraine, suivie d’un débat

Je m’exprime devant vous avec la gravité, l’extrême gravité qu’exige la situation. Notre responsabilité est, en effet, immense. Au nom du groupe communiste, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je tiens d’abord à exprimer toute notre solidarité, tout notre soutien au peuple ukrainien, plongé dans une souffrance indicible depuis jeudi dernier. C’est d’abord à lui, à toutes ces femmes, ces hommes, ces enfants exposés au feu des bombes, à ces familles entières contraintes à l’exil que nous pensons. Nous sommes à leurs côtés ; la France est à leurs côtés. Je souhaite à cet égard, monsieur le Premier ministre, que nous nous organisions collectivement pour assurer, dans chaque commune de France, l’accueil des familles de réfugiés ukrainiens, et que chaque pays de l’Union européenne prenne sa part et fasse vivre pleinement le droit d’asile.

Je veux aussi dire ici ma condamnation la plus ferme et la plus implacable du choix des armes et du sang fait par le président russe. Vladimir Poutine, l’irresponsable, le va-t-en-guerre qui distille depuis des années le poison du nationalisme, qui s’appuie sur ses amis d’extrême droite partout, en Europe et en France ; Poutine qui s’apprête à sacrifier les peuples, le peuple ukrainien d’abord, mais aussi le peuple russe qui aura à souffrir durement des graves conséquences de ce conflit ; Poutine qui a déjà semé dans son pays la pauvreté, les inégalités et la violence ; lui encore qui aujourd’hui ose brandir la menace de l’arme nucléaire, faisant fi des tragiques événements que furent Hiroshima et Nagasaki. Le président russe met en péril l’avenir de l’humanité, celui de nos enfants, avec cette froideur et ce cynisme qui caractérisent les régimes autoritaires. Il ne trouvera dans cette guerre que la désolation pour son peuple, l’effondrement pour son économie et le déshonneur pour son régime.

Oui, je le dis, nous le disons, la France et tous les pays mobilisés aujourd’hui, en Europe et dans le monde, doivent prendre des sanctions politiques, diplomatiques et économiques fortes (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LaREM et LR) afin de contraindre le président russe au cessez-le-feu, le forcer à s’asseoir à la table des négociations et à mettre un terme à son offensive. J’en profite pour saluer le monde du sport et de la culture, qui prend toute sa place dans ce combat international.

L’union des nations en Europe et dans le monde, la force des peuples unanimes, le poids des sanctions, tout cela doit permettre d’obtenir un cessez-le-feu immédiat. Aucun pays, aucune nation ne peut accepter que le droit international soit à ce point violé, bafoué. D’ailleurs nous serons d’autant plus unis et d’autant plus audibles en matière de droit international que nous nous battrons aussi en même temps à le faire respecter partout et pour tous les peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LaREM, LR, Dem et SOC.) C’est aussi la condition de l’union des nations contre Poutine.

Bien sûr, nous pourrons toujours débattre de ce qui a précédé ce conflit, de l’obstination de ces trente dernières années, de la part des États-Unis et de certains membres de l’OTAN, à toujours vouloir implanter de nouvelles bases aux portes de la Russie. Aujourd’hui, le débat n’est pas là. Le danger est de voir ce conflit s’élargir, s’étendre. Ce danger est réel, car cette guerre fait peser le risque d’une guerre mondiale. Je veux plus que jamais rappeler que, face aux armes et au risque d’un embrasement généralisé du conflit, nous devons donner toute leur force à la diplomatie, au dialogue, à la construction d’un rapport de forces politique et économique nous permettant d’éviter un engrenage fatal.

La France doit tout mettre en œuvre pour éviter l’embrasement, pour éviter, comme elle le fait, que l’OTAN participe à cette guerre, car les conséquences en seraient terrifiantes. Là est le risque d’une exacerbation du conflit. Notre histoire, celle de l’humanité, abonde malheureusement en engrenages guerriers menant au pire. Gardons-les en mémoire pour qu’ils ne se répètent jamais. N’oublions jamais les 80 millions de morts des deux premières guerres mondiales et les sacrifices de plusieurs générations. Ce XXIe siècle est encore plus dangereux, plus dévastateur, car à la menace d’une guerre mondiale s’ajoute celle de l’utilisation de l’arme nucléaire. Alors, de tout notre cœur, forts de cette histoire que nous portons en nous, au nom de ces hommes et de ces femmes qui ont tout fait pour empêcher les escalades guerrières au siècle passé, au nom de ces députés comme Jean Jaurès, bien seul ici à défendre la voie de la paix, disons qu’il ne faut pas ajouter la guerre à la guerre.

La course aux armements engagée au cours de ces dernières années par les grandes puissances fait peser sur le monde, sur les peuples, sur la jeunesse, la menace d’une destruction à grande échelle. Alors oui, la France a un rôle majeur à jouer. Les décisions qui seront prises dans les heures et les jours qui viennent seront capitales. D’abord, celle d’éviter l’escalade du conflit, l’escalade guerrière qui, à un moment donné, peut finir en spirale infernale, incontrôlable, que personne ne pourra plus arrêter.

Rappelons-nous qu’il est impossible de prévoir l’issue d’un conflit armé. Les seules certitudes sont la destruction, le chaos et les victimes civiles et militaires. Gardons-nous toujours des surenchères démagogiques et des postures de va-t-en-guerre.

C’est pourquoi je demande que le Parlement puisse se prononcer à chaque étape sur la parole et les décisions de la France face à cette guerre. Car c’est par la démocratie que l’on peut le mieux déjouer les menaces qui pèsent sur elle. Dans cette situation, la France a une grande responsabilité pour agir en faveur de la paix. Quand la France, au nom de son histoire, parle pour la paix, elle parle d’une voix forte et juste. Quand la France refuse les logiques de blocs, quand elle affirme sa pleine indépendance pour dire le droit et la justice, elle est entendue des peuples du monde. Alors oui, comme beaucoup le disent, la solution à ce drame ne sera pas militaire. La France doit continuer haut et fort à affirmer que sa priorité est l’établissement d’un cessez-le-feu. La France doit mettre toute son énergie, tout son savoir-faire, fruit de sa tradition, dans la recherche d’une solution diplomatique, politique, et bien sûr affirmer qu’elle apportera toute sa solidarité au peuple ukrainien.

L’urgence, c’est de tout mettre en œuvre pour obtenir un cessez-le-feu et ouvrir des négociations. C’est, bien sûr, l’intérêt du peuple ukrainien, mais c’est aussi celui du peuple russe à qui nous ne voulons pas faire la guerre, et celui de tous les peuples d’Europe. Il faut ouvrir tous les espaces de dialogue possibles, exercer toutes les pressions et prendre toutes les sanctions possibles pour obtenir ce cessez-le-feu, la protection des Ukrainiens et le retrait des troupes russes d’Ukraine.

Nous pouvons jouer ce rôle en tant que membre permanent du Conseil de sécurité afin de proposer que les Nations unies relancent le processus réunissant l’ensemble des États européens avec l’Ukraine et la Russie.

Parmi toutes les pressions à exercer, il y a celles, claires, fortes venant des peuples unis exprimant leur solidarité et appelant à la paix. Notre peuple, uni dans sa grande diversité, doit, avec tous les autres peuples du monde, se lever, tendre la main aux pacifistes russes qui ont le courage de manifester, soutenir le peuple ukrainien et faire entendre cette voix forte et symbolique des travailleurs du monde entier, des jeunes, des familles mobilisés pour la paix. Oui, c’est aux peuples de se faire entendre, car ce sont eux qui seront, qui sont en première ligne, eux qui sont toujours les victimes des logiques de force et des logiques guerrières.

Nous devons aussi être intraitables avec tous les profiteurs qui abusent cyniquement de ce conflit en rendant la vie de nos concitoyens toujours plus chère par leur spéculation sur le gaz, sur le pétrole et sur le blé.

Je tiens aussi à dire que l’heure est suffisamment grave pour qu’elle ne laisse aucune place aux polémiques et aux querelles stériles. Pour notre part, pour ma part, je n’y participerai pas. Nous apporterons notre contribution, nous ferons entendre notre voix en faveur de la paix et pour l’unité des Français.

Nous serons toujours de ceux qui choisiront la paix et l’espoir car, comme le disait Aragon, il faut « croire au soleil quand tombe l’eau ». (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LaREM, Dem, SOC, Agir ens, UDI-I et LT, dont de nombreux députés se lèvent.)

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