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Déclaration du gouvernement et débat

Dès votre première nomination –⁠ puisqu’il y en a eu deux –, vous avez utilisé le terme fort de rupture. Pourtant, en écoutant votre déclaration, nous avons surtout retenu la continuité.

J’ai entendu votre annonce au sujet de la réforme des retraites : c’est une avancée et même, potentiellement, une victoire, notamment pour ceux qui vont bénéficier d’un départ anticipé à la retraite par rapport à ce que prévoyait la loi Borne. Je dis « potentiellement » parce qu’à la suite de votre prise de parole, beaucoup de parlementaires des groupes du bloc central ont annoncé qu’ils allaient combattre la suspension de la réforme. Ils ont bien compris que votre annonce était nécessaire pour commencer le débat budgétaire et éviter la censure immédiate, mais quand le débat aura lieu dans l’hémicycle, ils utiliseront tout leur poids pour empêcher la suspension. On connaît les habiletés du débat parlementaire, c’est pourquoi nous serons extrêmement vigilants.

Cette première victoire que nous enregistrons aujourd’hui, nous la devons surtout à l’opiniâtreté des syndicats et des mobilisations sociales –⁠ je tiens à les saluer – qui n’ont jamais renoncé (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe LIOT), ainsi qu’à ceux qui, dans cet hémicycle, n’ont jamais lâché l’affaire. Alors que, dans la majorité, vous pensiez que les Français étaient passés à autre chose, nous n’avons cessé de rappeler à quel point cette injustice marquait au fer rouge notre pays et constituait une blessure démocratique au moins aussi profonde que celle provoquée par le non-respect du résultat du référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)

Toutefois, même si cette suspension est finalement décidée et votée, dans l’hypothèse où vous ne seriez pas contrarié par votre bloc central, nous savons bien que vous ne voulez pas toucher à ce qui est essentiel à nos yeux : c’est l’ensemble de la réforme qu’il faut abroger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) C’est ce que vous demande l’immense majorité des Français, et c’était le sens de la proposition de résolution que notre groupe a fait adopter ici même en juin dernier.

Votre déclaration de politique générale a une boussole, celle de maintenir les privilèges de certains et d’écraser la masse des salariés, des retraités, des malades et des chômeurs. Il n’y a rien dans votre programme sur le retour de l’impôt sur la fortune, pas plus que sur le contrôle ou le remboursement des aides accordées aux entreprises sans contrepartie, dont le montant pharaonique de 211 milliards a été dévoilé dans le rapport de mon collègue sénateur Fabien Gay.

Vous devriez savoir que les Français sont attachés à la notion d’égalité –⁠ tout particulièrement à l’égalité devant l’impôt, la plus sensible de toutes. Déjà, en 1789, les cahiers de doléances étaient remplis de demandes de suppression des impôts injustes et mal répartis. Il en allait de même des cahiers de doléances issus des revendications des gilets jaunes.

La droite, dans notre pays, a toujours combattu l’impôt progressif ; elle préfère les taxes qui frappent de manière aveugle les plus modestes comme les plus riches. La plus emblématique, la TVA, pèse pourtant bien plus sur le budget des salariés que sur les plus gros revenus. Quand comprendrez-vous que l’impôt doit s’adapter à la richesse ? Aujourd’hui, ce n’est plus la terre ni la production industrielle qui rapporte le plus, c’est le capital non productif ; ce sont les dividendes faramineux, les placements dans les paradis fiscaux et les niches fiscales, qui ne profitent qu’à une extrême minorité de Français.

Vous continuez de vouloir nous faire peur en affirmant que, si l’on taxe les plus riches, ils vont quitter le territoire national. Ils le font déjà tous les jours ! Ils ferment des entreprises, licencient, délocalisent, au lieu de maintenir les investissements dans l’outil industriel et de soutenir la recherche dans notre pays. Nous le savons depuis Marx : le capital n’a pas de patrie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.)

Le salarié, lui, n’a que son salaire pour vivre ; le retraité, sa pension ; le privé d’emploi, son allocation. Ce sont eux que votre projet de budget va encore pressurer –⁠ eux et les malades, qui, à vous entendre, devront sortir la carte bleue avant la carte Vitale. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et LFI-NFP.)

Comme vos prédécesseurs, vous demeurez sourd aux revendications du monde du travail. Vous pensez une nouvelle fois que la colère passera, mais elle ne passe pas, comme en témoignent les fortes mobilisations syndicales. Ce n’est pas votre projet de budget, présenté ce matin en Conseil des ministres, qui va calmer la colère sociale : nous y découvrons avec stupeur vingt-neuf taxes et impôts supplémentaires pour les Français moyens, mais, s’agissant des plus riches, une seule petite taxe sur les holdings qui admet tellement d’exonérations qu’elle ne rapportera quasiment rien.

Votre projet de budget, comme celui de François Bayrou, n’est qu’un concentré de mépris de classe. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR et LFI-NFP. –⁠ M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.) J’ajoute que chacune de vos mesures va aggraver la situation des territoires d’outre-mer, parce que la vie y est plus chère et les revenus y sont plus faibles. (M. Marcellin Nadeau applaudit.) Vous allez élargir une nouvelle fois la fracture sociale et amplifier les raisons d’une juste colère. Votre mépris est visible dans la composition même de votre gouvernement –⁠ l’orateur qui m’a précédé l’a relevé. D’un ministre d’État placé au deuxième rang protocolaire, nous passons à un ministère relégué en bas des priorités de la nation, alors que les questions institutionnelles et de la vie chère outre-mer devraient figurer au premier plan des préoccupations du pays.

Pour nous, Bayrou et Lecornu, c’est bonnet blanc et blanc bonnet.

Plus personne, dans le pays, ne vous croit. Plus grave encore, plus personne ne vous écoute. La colère ne peut que finir par éclater, d’une manière ou d’une autre. Votre politique est non seulement néfaste, mais aussi dangereuse –⁠ néfaste sur le plan social et économique, dangereuse sur le plan politique et démocratique.

Désormais, nombre d’acteurs du CAC40 n’ont plus peur d’une éventuelle arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Celle-ci a donné suffisamment de gages au patronat, qui sait très bien que le RN ou ses alliés ne s’attaqueront jamais aux injustices sociales et fiscales. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR et EcoS.) À l’heure où nous fêtons les 80 ans de la sécurité sociale issue du Conseil national de la Résistance (CNR), le patronat, fidèle aux plus tristes moments de son histoire, semble renouer avec son slogan : mieux vaut l’extrême droite que le Front populaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.)

Vous voulez que le Parlement débatte et annoncez l’abandon du 49.3, mais la Constitution vous donne, notamment s’agissant du débat budgétaire, tant d’autres moyens d’interrompre ou de pervertir le débat parlementaire ! Vos prédécesseurs en ont d’ailleurs usé et abusé. Ordonnances, article 40, vote bloqué, voilà un aperçu de l’arsenal dont vous disposez. Nous sommes dans une démocratie corsetée.

Vous êtes le sixième titulaire du poste depuis 2022 et, depuis juillet 2024, notre pays a été dirigé un jour sur quatre par un gouvernement démissionnaire. Oui, l’usage abusif de son pouvoir par le président de la République, Emmanuel Macron, abîme notre pays et notre démocratie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.)

Vous avez au-dessus de la tête l’épée de Damoclès de la censure. La censure n’est pas un jeu, comme vous tentez de le faire croire ; c’est un des moyens qu’a le Parlement pour se faire entendre quand toutes les voies du dialogue ont été épuisées. Pour notre part, nous avons répondu présent à toutes vos invitations ; mais derrière les paroles, il y a les actes. Le budget que vous avez présenté ce matin ferme la porte aux propositions venues de la gauche et en ouvre de nombreuses vers la droite et l’extrême droite.

Nous en sommes convaincus, ce ne sont pas les têtes qu’il faut changer : ce sont vos orientations politiques. Depuis les dernières législatives, le président de la République nie le résultat des urnes et combine pour reculer l’échéance de son départ volontaire ou contraint. Monsieur le premier ministre, on vous présente souvent comme le dernier grognard du président Macron ; bref, vous seriez son Cambronne. Vous tomberez vous aussi pour le défendre, mais sans la noblesse de la cause de Cambronne et donc sans son panache. La Ve République est à bout de souffle tant elle a été dévoyée par l’actuel président de la République, Emmanuel Macron. Il est donc le seul responsable et coupable de la crise politique que traverse notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)

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