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débat sur les EHPAD

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames les rapporteures, dans le cadre du tour de France des hôpitaux engagé par les parlementaires communistes, j’étais vendredi à Aubagne, dans un établissement public. Dans cet établissement qui a besoin de rénovation, où l’on peut à peine se déplacer entre les tables à l’heure du repas, il faudrait plus de personnel, il faudrait un orthophoniste, il faudrait plus de temps de kinésithérapie, etc. Nos établissements publics manquent de moyens et la réforme de la tarification a encore aggravé la situation.
Ce constat est partagé à l’EHPAD de Port-Saint-Louis-du-Rhône, où le budget a été rejeté par le conseil d’administration. J’ai observé une autre situation à Couhé, dans la Vienne, où une part importante de la population est mobilisée, avec le personnel, contre le projet de la communauté de communes de vendre au privé deux établissements. À Fos-sur-mer, où l’EHPAD est la propriété d’un groupe privé, le personnel est en souffrance et dénonce la pression qui s’exerce sur lui, tout cela pour rétribuer des fonds de pension.
Partout, une situation de crise aiguë.
Chaque fois, pourtant, j’ai été frappé par le formidable dévouement des personnels – aides-soignants, animateurs, infirmières, médecins. Ils et elles effectuent un travail par essence précieux : ils prennent soin des humains, de l’humain, au moment où la vie s’estompe, où les forces s’amenuisent, où l’on ne peut plus donner sa pleine mesure. Ils ne veulent pas que les EHPAD soient des lieux de souffrance. Ils font preuve de savoir-faire, d’engagement professionnel, de tendresse, et ils le font en notre nom, au nom de l’humanité.
Le droit de chacune et de chacun au plein épanouissement à chaque âge de la vie ne saurait souffrir aucune relativité. Il doit être garanti à chacune et chacun, et non simplement à ceux qui en ont les moyens. C’est une question de justice sociale et territoriale. Il ne devrait pas y avoir de profit à se faire sur le dos de nos anciens.
À cette fin, il faut un service public fort, capable d’accueillir les personnes âgées ou de les accompagner à domicile, dans les deux cas afin de les maintenir au niveau maximal d’autonomie. Pour répondre aux besoins, il faut amorcer un mouvement de croissance et de conquête pour des établissements de nouvelle génération, un grand plan d’investissement accompagné d’un grand plan de formation, de qualification et de recrutement. C’est déjà une urgence aujourd’hui alors que la population est appelée à vieillir et que l’on annonce que le nombre d’aînés en situation de dépendance sera multiplié par trois d’ici à 2060.
Ces métiers, en majorité assumés aujourd’hui par des femmes, doivent cesser d’être déconsidérés et mal rémunérés. Il y a chez ceux qui l’exercent du dévouement, bien sûr, mais aussi de la souffrance, de la colère, de la révolte. Le manque de moyens débouche sur un gâchis et leur dévouement mérite mieux. Pour respecter nos anciens, il faut commencer par respecter le personnel qui s’en occupe.
Tout cela coûte cher, disent certains. Qui irait tenir de tels propos à son père ou à sa mère : « Prendre soin de toi coûte cher » ? Voilà pourquoi tout cela est insupportable. On ne remédiera pas à la maltraitance institutionnelle par un plan, mais par des moyens réels, et peut-être par des normes. À cet égard, le vote chaque année par l’Assemblée d’un « objectif national des dépenses d’assurance maladie » – ONDAM – qui compresse l’ensemble des dépenses de santé, y compris celles dont nous parlons, est un véritable problème auquel il faut s’attaquer. Oui, prendre soin représente un investissement. Les moyens existent. Mais la volonté politique est-elle là ?
Aujourd’hui, le reste à charge pour les familles est imposant : 1 949 euros par mois en moyenne. Nombre de familles ne peuvent pas se permettre de l’assumer – sans parler de ce qui n’est pas chiffré : je songe au travail des aidants. Il faut donc aussi réfléchir à la prise en charge des frais liés à la dégradation de l’état de santé des personnes, hébergement compris. Nul besoin de créer une cinquième branche, et d’en faire tout un pataquès : il faut se tourner vers l’assurance maladie. C’est un chantier urgent.
Le rapport présenté par Monique Iborra et Caroline Fiat, que je veux remercier pour leur travail, dresse un constat sans appel et formule des propositions concrètes et nombreuses. Ce que nous voulons, c’est savoir ce que vous en ferez, madame la ministre. Ce rapport ne doit pas rester sans suite : il doit se traduire en actes ; il doit nous pousser à prendre cette question à bras-le-corps et à lui apporter des réponses. Nous ne devons plus nous contenter de gérer l’urgence, de gérer la crise : nous devons décider d’engager un nouvel élan.
Le droit à la santé, état de complet bien-être physique, mental et social selon la définition de l’OMS, ne doit pas disparaître avec l’âge, sans quoi c’est à toute l’existence que l’on s’attaque. Il faut préserver l’humanité tout au long de la vie en en faisant battre le cœur aussi fort que possible.
C’est là une question de civilisation, qui nous est posée par les aides-soignantes, par les infirmières et par l’ensemble des personnels, avec les familles et les futurs résidents que compte notre pays : une question de civilisation, non en théorie mais en pratique, au niveau le plus concret des choses et du corps humain. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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Pierre
Dharreville

Député des Bouches-du-Rhône (13ème circonscription)

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