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Débat sur les effets des aides fiscales du logement et des prix du foncier

Je ne vais pas lire l’intervention que j’avais préparée mais m’efforcer d’aller à l’essentiel en vous faisant part de mes convictions sur la fiscalité dans le domaine du logement, dont nous sommes invités à débattre, et particulièrement sur l’utilité des niches fiscales.

La première de ces convictions est que la crise du logement est, dans notre pays, essentiellement une crise du logement abordable, car trop peu de logements sont construits et se loger est trop cher. Nous avons déjà parlé de la crise du logement lors de l’examen de la loi ELAN, mais je ne suis pas certain que nous l’ayons alors correctement analysée.

Ni la loi de finances, ni la loi ELAN n’ont fait du logement abordable une priorité

Depuis la crise des gilets jaunes, il est beaucoup question du pouvoir d’achat. Or les charges fixes qui ont le plus amputé le pouvoir d’achat des ménages concernent précisément le logement. Les chiffres que vient de publier l’INSEE sont à cet égard éloquents : alors qu’au début des années 1960 la part du logement dans le budget des ménages était de 10 %, elle est aujourd’hui de 25 % en moyenne. Et elle est beaucoup plus importante dans le budget des ménages les plus modestes, ce qui ampute d’autant leur pouvoir d’achat.

La crise du logement dans notre pays étant avant tout une crise du logement abordable, il faut que nos aides et nos moyens soient mobilisés pour produire plus de logements conventionnés et de logements HLM, compte tenu de ce que plus de 70 % des Français peuvent prétendre à ce type de logement.

Ni la loi de finances, ni la loi ELAN n’ont fait du logement abordable une priorité : je le regrette, et je continuerai à promouvoir dans ce domaine d’autres choix politiques que ceux qui ont été faits.
Le présent débat porte sur la fiscalité dans le domaine du logement. J’évoquerai d’abord rapidement – j’y reviendrai tout à l’heure avec une question plus précise – la fiscalité HLM et la confusion entretenue à son sujet, qui consiste à présenter la TVA réduite sur les HLM comme un cadeau fiscal.

La fiscalité du logement marche sur la tête depuis de nombreuses années.

Dans notre pays, la TVA obéit à des règles. Elle est de 5 % pour les produits de première nécessité, de 10 % pour ceux de consommation courante, et de 20 % pour ceux de consommation accessoire. La question qui se pose est donc celle de la façon dont nous considérons le logement. Avoir un toit au-dessus de la tête peut être considéré comme un bien de première nécessité. Qui prétendrait le contraire ?

Le débat sur la TVA ne peut donc se poser en termes de cadeau ou de subvention déguisée. Et le régime de TVA des HLM correspond à ce qu’est le logement : s’agissant de la résidence principale, un produit de première nécessité.

Par ailleurs, il est clair que la fiscalité du logement marche sur la tête depuis de nombreuses années. Je ne mets pas en cause votre gouvernement mais, un peu, le précédent, et surtout les deux gouvernements antérieurs qui ont infusé une sorte de drogue dans le domaine du logement avec les différents dispositifs de défiscalisation portant le nom d’un ministre.

Cette drogue a d’abord ébranlé le secteur de la promotion immobilière, qui est devenu « addict » à l’argent public. Entre, d’un côté, la VEFA – vente en l’état futur d’achèvement – HLM et, de l’autre, les défiscalisations Pinel, les promoteurs immobiliers vivent de l’argent public. Ils investissent peu dans la recherche et le développement et se sont éloignés de leur cœur de métier, qui était de fabriquer du logement pour le vendre à des particuliers. Par conséquent, ils ne font plus très bien leur métier, ce qui constitue un risque pour la profession.

Ainsi qu’il a été dit, ce sont les multipropriétaires investissant dans le logement, c’est-à-dire les 10 % les plus riches de nos concitoyens, qui bénéficient massivement de ces aides fiscales. Ils pesaient 400 millions dans le budget de la nation il y a dix ans, et pèsent aujourd’hui plus de 1,8 milliard ! Il est absolument déraisonnable de dépenser autant d’argent pour aider ceux qui ont beaucoup, alors que nous en consacrons si peu à aider les plus modestes ! On marche sur la tête, et qui pis est pour des résultats médiocres !

Si nous devons user du levier fiscal dans le domaine du logement – je laisse de côté ce qu’il conviendrait de faire pour le logement HLM et le logement conventionné –, alors aidons les primo-accédants à la propriété. Faisons en sorte que ceux qui ne sont pas propriétaires et souhaitent le devenir soient aidés. (MM. Thibault Bazin et Laurent Furst applaudissent.) Mais arrêtons d’aider ceux qui sont déjà propriétaires à devenir multipropriétaires ! Ce n’est pas juste politiquement, et ce n’est pas ainsi que l’argent public de notre pays doit être dépensé.

Faisons des prêts à taux zéro et mettons en place une TVA à 5 % pour les primo-accédants. Poursuivons la politique menée dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais aidons les primo-accédants, au lieu de permettre aux multipropriétaires d’acquérir encore des logements et de nourrir les statistiques de Thomas Piketty selon lesquelles, dans notre pays, les inégalités sont non seulement des inégalités de revenu mais aussi, et de plus en plus, des inégalités de patrimoine entre ceux dont le patrimoine est extrêmement fourni et ceux qui n’en ont pas du tout ou qui possèdent uniquement leur résidence principale.

Je vous ai exposé ce que serait une politique plus juste dans le domaine du logement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et FI.)

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Stéphane
Peu

Député de Seine-Saint-Denis (2ème circonscription)

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