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Débat sur le rapport annuel de la Cour des comptes

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Marc Dolez. Monsieur le Premier président, je voudrais revenir sur une question connexe au rapport pour vous interroger sur l’élaboration des préconisations de la Cour des comptes. Dans un rapport rendu public en janvier, la Cour a estimé que le financement de l’assurance chômage lui paraissait « difficilement soutenable ». Cette appréciation repose sur le constat évident qu’en période de chômage élevé l’UNEDIC accumule les déficits, mais elle a aussi conduit la Cour à préconiser de raboter les indemnités. Il peut paraître surprenant que la Cour s’inquiète du creusement d’un déficit qui présente un caractère essentiellement conjoncturel au point de proposer de mettre à mal le dispositif de solidarité sur lequel repose le financement de l’assurance chômage.
Ces remarques m’invitent à vous interroger sur deux points. Tout d’abord, quels sont les critères qui permettent à la Cour de faire la part entre déficit structurel et déficit conjoncturel ? Quel est par ailleurs le bien fondé de la démarche qui conduit à formuler des préconisations le plus souvent directives ? Ne serait-il pas plus judicieux que la Cour s’attache à formuler des pistes de réflexion en faisant davantage droit aux alternatives qui s’offrent au pouvoir exécutif comme au législateur ?
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes
Qu’avons-nous écrit, d’ailleurs, dans ce rapport, monsieur Dolez ? Tout d’abord, nous étions dans notre rôle puisqu’il s’agissait d’une politique publique et que 50 milliards d’euros étaient tout de même en jeu. Ce sont des sommes considérables. Nous avons voulu savoir, là encore, si vous « en aviez » pour l’argent que vous y consacrez. Or, nous avons mis en évidence que les différents instruments dont dispose l’État pour améliorer le fonctionnement du marché du travail ne sont pas satisfaisants. Vous définissez en effet un certain nombre d’objectifs, mais une grande partie des crédits que vous consacrez au marché du travail ne bénéficient pas à ceux qui en ont le plus besoin. Nous avons pu constater, dans ce rapport que le marché du travail était de plus en plus dual, que la formation professionnelle, qui représente également des sommes considérables, est davantage tournée vers les salariés qualifiés, en particulier ceux des grandes entreprises. Moins un salarié est qualifié, moins il bénéficie des crédits de la formation professionnelle. Est-ce normal ? Est-ce légitime ? C’est un constat que nous dressons et une question que nous livrons à votre sagacité.
La France consacre beaucoup d’argent à l’indemnisation du chômage, mais de moins en moins de chômeurs sont indemnisés. Aujourd’hui, moins de la moitié des chômeurs sont indemnisés dans le cadre de l’UNEDIC et la proportion diminue depuis quelques années. De surcroît, 600 000 chômeurs ne sont pas indemnisés parce qu’ils ne sont concernés ni par l’UNEDIC ni par les mécanismes de solidarité. Nous avons essayé de mettre le doigt sur ces difficultés. Nous avons aussi observé que le chômage partiel a été beaucoup plus utilisé dans un certain nombre d’autres pays qu’en France. Si je prends l’année 2009, le dispositif a bénéficié à 250 000 personnes en France, tandis qu’en Allemagne 1,5 million de salariés en ont profité. Ce ne sont pas des chômeurs qui sont concernés, mais bien des salariés puisque le dispositif tend justement à ce que le salarié reste dans l’entreprise. Nous comprenons ainsi pourquoi, alors même que le recul de l’activité a été bien plus important en Allemagne qu’en France, le niveau de chômage ne s’y est pas aggravé comme cela a été le cas en France.
Naturellement, en période de crise, le déficit de l’assurance chômage peut augmenter. Faites au moins crédit, monsieur le député, à la Cour des comptes de le comprendre. Nous ne sommes pas en dehors de la réalité, nous essayons au contraire, au cours de nos travaux, d’entendre tout le monde, y compris les organisations syndicales.
Malheureusement, même lorsque l’économie se porte mieux, le déficit ne se réduit pas obligatoirement. Il faudrait également, sur la durée, mettre en place un certain nombre de mécanismes pour mieux équilibrer l’UNEDIC.
Nous vous proposons, là aussi, des pistes qui ne concernent pas seulement la réduction des indemnités de chômage. Nous n’avons pas proposé de les réduire, nous avons dit qu’il fallait peut-être, au-delà d’un certain plafond, introduire de la dégressivité.
Nous avons dit aussi que le régime des intermittents du spectacle mériterait d’être revisité. Nous ne disons pas qu’il faille le supprimer, car il a sa pertinence, mais peut-être en corriger les abus.
Enfin, nous avons dit qu’il fallait vraisemblablement fixer des taux de cotisation plus élevés pour les contrats précaires.
Voilà un ensemble de préconisations qui peuvent être utiles à la représentation nationale. On peut effectivement décider de ne plus faire de préconisations ou de cacher certains constats. Mais vous avez besoin que les décisions que vous prenez soient éclairés, et nos rapports peuvent y contribuer.

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