Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe GDR.
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
Mme Marie-Hélène Amiable. Monsieur le secrétaire d’État, les sommes consacrées au logement par l’État, les collectivités locales et les bailleurs correspondent au total à 1,7 % du PIB. Mais au cours des dernières années, la part de l’État n’a cessé de décroître. De 1,34 % du PIB en 2000, elle est passée à 1,1 % en 2011.
Jusque dans les années soixante-dix, l’argent public ne finançait pas le logement privé. Actuellement, avec les différentes niches fiscales, comme le dispositif Scellier, la moitié des crédits d’État lui sont alloués.
Parallèlement, le financement du logement social a été totalement refondé et ses crédits ont été ponctionnés. L’épargne du livret A a été offerte sur un plateau d’argent aux établissements financiers au détriment de la construction du logement social. La réforme du 1 % patronal a permis à l’État de se désengager du financement de l’ANAH et de l’ANRU. Elle coûte près de 340 millions par an aux bailleurs sociaux.
Pour faire face à la grave crise du logement mise en lumière par les associations de droit au logement, et soulager les souffrances qu’elle engendre, le logement social doit redevenir une priorité de la nation.
Les députés du Front de gauche proposent que l’épargne du livret A soit entièrement recentralisée à la Caisse des dépôts et consignations, et le plafond du livret porté à 20 000 euros. Un prêt à taux zéro pourrait également être proposé aux bailleurs. Le 1 % patronal – aujourd’hui en fait une contribution de 0,45 % de la masse salariale des entreprises de plus de 50 salariés – doit retrouver son taux. Une majoration de dix points de la taxe sur les logements vacants pourrait être dissuasive, tout comme l’augmentation de la taxation des plus-values pourrait contribuer à financer davantage la construction.
Ces mesures permettraient de relancer une politique ambitieuse en faveur du logement social. Qu’en pensez-vous et allez-vous réengager une politique publique du logement ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Madame la députée, vous dites une nouvelle fois que le Gouvernement s’est désengagé du logement social. Je ne vais pas refaire la démonstration que j’ai faite tout à l’heure sur la production et le financement du logement social ; ce qui compte, c’est de savoir combien de logements sociaux sont mis à disposition des plus faibles.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et qui les paie !
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est cela l’intérêt d’une politique publique. Et je le répète : nous avons fait, en moyenne, 125 000 logements sociaux par an pendant le quinquennat, alors qu’entre 1978 et 2004, très longue période pendant laquelle la droite et la gauche ont gouverné, on en construisait 50 000 par an en moyenne. Oui, ce gouvernement a pris les devants et a produit beaucoup plus de logements sociaux que dans le passé.
Vous m’interrogez sur le financement du logement social. Là encore, vous commettez la même erreur que M. Le Bouillonnec il y a quelques instants. Cette erreur est la suivante : vous ne jugez le financement de l’État que sur les seules aides à la pierre.
Si vous considérez, madame Amiable, que les trente niches fiscales dont bénéficie le logement social sont inutiles, il faut les supprimer. Dans ce cas, 5 milliards d’euros de financement d’État au bénéfice du logement social seront supprimés. Mais assumez vos positions en la matière : si vous estimez que seules comptent les aides à la pierre, dites-le. Mon petit doigt me dit que dans ce cas, MM. Le Bouillonnec et Rogemont, qui oublient bien sûr cette composante, ne seront pas très contents le jour où vous ferez une telle proposition. Que le Front de gauche nous précise sa position en la matière.
S’agissant du soutien à l’investissement locatif, je vous rappelle qu’il existe depuis une trentaine d’années. Droite et gauche confondues, chaque gouvernement a créé un dispositif d’investissement locatif : nous avons connu le « Besson », le « Méhaignerie » monté par Pierre Méhaignerie, ici présent, lorsqu’il était ministre du logement, et tous les autres dispositifs qui ont suivi.
M. Marcel Rogemont. Le Besson avait des contreparties sociales !
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Nous considérons qu’il faut aujourd’hui supprimer une bonne partie du financement public en faveur de l’investissement privé. Pourquoi ?
M. Marcel Rogemont. Parce que cela coûte très cher !
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Pour une raison très simple : ces dispositifs alimentent la hausse des prix. Si l’on regarde l’investissement réalisé par les pouvoirs publics depuis une trentaine d’années, et que l’on compare avec nos voisins, on constate que notre État, au sens large, investit beaucoup plus pour le logement que beaucoup d’autres pays. Pourtant, nos prix continuent à augmenter. Il y a donc une relation de causalité entre les deux. Nous souhaitons inverser la tendance en investissant moins d’argent public et en octroyant plus de droits à construire, car il nous faut inventer un modèle économique différent.
Enfin, madame Amiable, j’ai cru comprendre que le livret A faisait l’objet d’importants débats. Vous nous proposez, comme François Hollande, de relever le plafond du livret A. Je vous rappelle que cela ne bénéficierait qu’à 10 % des titulaires et que ces 10 % qui sont au plafond appartiennent aux classes les plus aisées de France. Je vous remercie de vouloir permettre aux Français les plus aisés de bénéficier d’un avantage complémentaire.
Deuxième élément : est-ce que le plafond du livret A est aujourd’hui insuffisant pour assurer la construction de logements sociaux en France ? Non. Les fonds disponibles à la Caisse des dépôts atteignent 180 milliards d’euros, les encours de crédit sont de 120 milliards. Il reste donc encore 60 milliards disponibles.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’enjeu n’est pas de placer ces sommes, mais de les utiliser !
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Votre proposition apporterait 20 milliards d’euros supplémentaires, mais cela ne financerait pas la construction d’un logement social de plus ; vous ne feriez qu’une chose : continuer à endetter les bailleurs sociaux.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous pouvez diminuer les taux qui leur sont appliqués !
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je vous rappelle que l’endettement des bailleurs sociaux est maastrichtien, mais vous avez dû l’oublier.
Le résultat, madame Amiable, est que votre seule proposition valable pour construire plus de logements sociaux, c’est la baisse des taux auxquels les bailleurs sociaux peuvent emprunter. C’est une proposition que fait le Front de gauche mais que ne fait pas le parti socialiste.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais si !
M. Marcel Rogemont. C’est précisément ce qui justifie la hausse du plafond du livret A !
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Non, ce n’est pas dans votre projet…
Mme Pascale Crozon. Vous ne l’avez pas lu ! En voulez-vous un exemplaire ?
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est ça : il ne l’a pas lu !
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. J’ai parfaitement lu votre projet, monsieur Le Bouillonnec ; vous proposez d’augmenter le plafond du livret A, pas de baisser les taux pour les bailleurs.
Si l’on diminuait les taux, il pourrait y avoir un impact, mais il faut alors nous préciser une chose : qui paie ? Parce que si le PS nous propose la baisse des taux du livret A au profit du logement social, il faut donc rajouter quelques milliards aux 20 milliards d’euros de dépenses nouvelles que vous avez déjà programmées, parce que cette dépense-là ne figure pas dans le programme présenté aux Français.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est pour cela que nous voulons relever le plafond !
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Il y a là une supercherie du parti socialiste. Au moins le Front de gauche assume-t-il ses projets jusqu’au bout.
Discussions générales
Débat sur le logement (1ère question)
Publié le 16 février 2012
Marie-Hélène
Amiable
Députée
des
Hauts-de-Seine (11ème circonscription)