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Débat sur le fonctionnement des juridictions prud’homales après la réforme de la carte judiciaire

Monsieur Chassaigne, je vous propose d’intervenir tout de suite, afin d’être sûr de pouvoir poser vos questions.
M. André Chassaigne. Madame la garde des sceaux, la taxe de 35 euros sera-t-elle abrogée en 2014 ? J’ai trouvé dans votre réponse une certaine forme de clair-obscur.
Pour ce qui est de la date des élections prud’homales, la question vient d’être posée, je n’y reviendrai pas.
En revanche, j’ai deux questions relatives à ce que j’appelle l’accord minoritaire interprofessionnel qui doit être examiné par notre assemblée sous la forme d’un projet de loi au début du mois d’avril. En matière de prescription tout d’abord, depuis la loi du 17 juin 2008, la prescription trentenaire a été ramenée à cinq ans pour les demandes indemnitaires. L’accord prévoit de ramener ce délai à vingt-quatre mois pour toute action ayant pour objet une réclamation portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail. Autrement dit, le salarié ou éventuellement l’employeur bénéficieront d’un temps moindre pour introduire leur affaire devant le conseil des prud’hommes. Est-ce pour vous un moyen de désengorger les tribunaux au détriment des salariés ?
En matière de licenciements économiques ensuite, jusqu’à présent l’employeur devait prendre en compte certains critères comme l’ancienneté du salarié, ses charges de famille ou ses caractéristiques sociales. Or, si le projet de loi est voté en l’état, on risque d’entrer dans la subjectivité. L’ancienneté et les charges de familles ne seront en effet plus des critères déterminants pour le maintien dans l’emploi et la compétence professionnelle sera privilégiée, avec de nombreuses conséquences quant à la détermination des salariés qui seront licenciés. Ne pensez-vous pas que cela va surcharger la tâche de conciliation ? Cela ne risque-t-il pas de donner des pouvoirs nouveaux aux conseillers prud’homaux ?
Mme la présidente. Madame la ministre, vous disposez de cinq à sept minutes pour répondre à ces deux orateurs.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous êtes bien généreuse, madame la présidente ! (Sourires.)
Monsieur Chassaigne, dois-je comprendre que vous avez quelque inquiétude s’agissant de l’étendue des pouvoirs des conseillers prud’homaux ? Mais je ne vous cherche pas ! (Sourires.)
M. André Chassaigne. Parce que vous allez me trouver !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous ai trouvé tout de suite, vous avez commencé votre intervention en parlant de clair-obscur !
Monsieur Braillard, me permettez-vous de reprendre les questions par la fin ? Je vous répondrai ensuite. Ma mémoire récente est plus vive, c’est un effet de vieille dame ! (Sourires.)
Pour en revenir au clair-obscur, Monsieur Chassaigne, il n’y en a pas ! J’ai pris un engagement très ferme, publiquement et à plusieurs reprises. C’est parce que je m’adresse aujourd’hui à des députés que je prends la peine de dire quelles pistes nous avons trouvées, à quelles résistances nous sommes confrontés… C’est pour vous informer pleinement. Pour le reste, cet engagement est tellement ferme que j’ai déjà annoncé qu’au besoin, je vendrais les bijoux de la Chancellerie ! Depuis, j’ai découvert que les chandeliers ne sont même pas en or… Mais je trouverai une solution, car j’estime que cette taxe est profondément injuste. Je me suis déjà cassé la tête, je vous l’assure. Nous avons commencé à élaborer le budget pour 2013 dès le mois de juin, nous avons dû aller très vite, les arbitrages ont été très compliqués et je n’ai pas encore eu le temps de trouver une solution. Pourtant, j’espérais pouvoir supprimer dès 2013 cette taxe injuste – d’autant plus injuste en période de difficultés économiques, quand il faut assurer l’accès au juge.
M. Braillard propose que cette taxe soit perçue a posteriori. Je ne sais pas si ce serait une bonne solution d’un point de vue financier pour l’État, car les recouvrements de recettes sont parfois coûteux. Je vous rappelle que l’État a instauré cette taxe car il n’était plus en mesure d’abonder correctement l’aide juridictionnelle. Je vais faire étudier cette suggestion par mes services mais a priori, je la regarde avec prudence.
Vous m’interrogez tous les deux sur la date des prochaines élections : elle ne dépend pas du ministère de la justice, mais du ministère du travail. Les élections sont prévues pour l’année 2015, au plus tard donc en décembre. Mais c’est bien loin…
M. André Chassaigne. Certaines listes sont épuisées, compte tenu des défections !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Comme je vous l’ai dit, c’est de la compétence de M. Sapin mais je vais faire vérifier auprès de lui afin de vous informer correctement.
Pour ce qui est du départage, c’est un nouveau procès.
MM. Thierry Braillard et M. Denys Robiliard. Non, c’est le même procès ! C’est une réouverture des débats !
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous demande de laisser Mme la garde des sceaux conclure. Dans deux minutes commence un autre débat que je préside dans l’hémicycle.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le procès dépend des parties. On voit bien que le départage aboutit à un nouveau procès.
Peut-on faire autrement d’autorité ? J’ai évoqué la place du ministère public. La justice prud’homale préfère rester sur une base paritaire, et c’est un marqueur d’identité que je comprends et que j’admets mais pour ma part, je pense de plus en plus que, d’une façon ou d’une autre, le ministère public représente la société – pas l’État ou le Gouvernement. Nous avons un certain nombre de politiques publiques concernant les licenciements. Je veux bien que l’on interroge la Chancellerie sur la formation, sur les délais du départage ou sur les contrats de procédure… Mais si l’on doit être tenu à l’écart, la seule méthode valable que je connaisse, c’est la concertation avec le Conseil supérieur de la prud’homie. Vous me demandez de légiférer mais vous aussi, vous pouvez présenter un texte !
Mme la présidente. Madame la ministre, ne relancez pas le débat !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sur ce sujet, nous en aurions pour une heure ! Quoi qu’il en soit, poursuivons la réflexion jusqu’au bout. Je vous propose d’organiser une séance de travail, dans deux mois peut-être, lorsque j’aurai récupéré toutes les contributions qu’il a été convenu de rassembler avec le Conseil supérieur de la prud’homie. Cela nous permettrait de faire le point sur les effectifs et sur nos points d’accord en matière de formation.
Je rappelle que l’École nationale de la magistrature y prend déjà sa part. Il faut aussi voir comment garantir l’application de la loi en matière de procédure : doit-on introduire des éléments de contrainte, monsieur Braillard ?
Posons toutes ces questions, cherchons des réponses. Sinon, dans un an, les délais n’auront pas été réduits, ou peut-être de deux ou trois semaines, c’est-à-dire rien du tout, et nous en serons encore à nous disputer sur les effectifs ! Retrouvons-nous donc dans deux mois et demi, le temps de récupérer des contributions et de commencer à les analyser, pour une séance de travail ensemble. Cela vous convient-il ?

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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