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Débat sur le coût de l’immigration en France

M. Viry me semble naïf –⁠ et j’en suis désolée – lorsqu’il estime que nous pourrions avoir, ici, une discussion rationnelle sur les questions migratoires. Le groupe de M. Ciotti a en effet choisi d’intituler ce débat : « Le coût de l’immigration en France ». Il déplace ainsi sur le terrain économique la très dangereuse théorie du grand remplacement, met en musique le concept de préférence nationale et promeut la représentation raciste de l’étranger qui volerait le pain des Français.
En choisissant d’aborder le débat sous cet angle, le groupe UDR nie tout ce qu’apportent les personnes étrangères à notre pays. Car je rappelle que la France a choisi, depuis deux cents ans, d’être une terre d’immigration.
Hier on pouvait lire sur des affiches rances du Rassemblement national une formule trompeuse : 1 million d’immigrés équivaudrait à 1 million de chômeurs. À les écouter, l’immigration coûterait à l’État 54 milliards. Lorsqu’on refuse de taxer les plus riches, il est bien pratique de s’attaquer aux étrangers.
Hier comme aujourd’hui, ces hypothèses ne reposent sur aucun fondement économique. J’ai beau savoir que la réalité et les études chiffrées vous indiffèrent, je ne peux m’empêcher, à mon tour, naïvement, d’en rappeler quelques-unes.
Les études sont formelles. Je pense à l’édition 2021 des « Perspectives des migrations internationales » de l’OCDE ou à l’étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales intitulée « L’Impact budgétaire de trente ans d’immigration en France », parue en 2022 et qui indique que l’immigration a un impact tendanciellement mesuré voire neutre sur les finances publiques.
Les études promues par les tenants d’une baisse drastique de l’immigration souffrent d’un manque de rigueur scientifique, par exemple celles de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie –⁠ une structure qui, au passage, n’est en rien académique – ou de Contribuables associés. L’un comme l’autre commettent, à dessein, les mêmes erreurs : détournement de pourcentages du PIB d’une année sur l’autre et estimations faussées des dépenses. Le chiffre retenu pour le coût de l’immigration –⁠ 54 milliards – se révèle totalement baroque.
Dans votre esprit, dans vos récits, tout se passe comme si la contribution des immigrés aux recettes n’existait pas. Or ils paient des impôts sur le revenu et la TVA mais aussi des cotisations –⁠ qu’il s’agisse de cotisations sociales ou de la contribution sociale généralisée – qui génèrent des recettes. De même que vous méprisez les richesses produites par l’ensemble des salariés lorsque vous parlez de coût du travail, vous niez l’apport des milliers d’étrangers qui exercent les métiers les plus pénibles sur notre territoire. Votre façon d’envisager toutes ces questions est terrifiante. D’ailleurs, je n’aimerais pas discuter avec vous du coût que représente le fait d’élever un enfant car vous ne prendriez jamais en considération tout ce que ces dépenses signifient pour l’avenir, pour notre pays.
La théorie infondée selon laquelle l’immigration aurait un coût repose sur l’imaginaire d’un modèle social qui serait trop généreux avec les étrangers –⁠ et même, au fond, avec l’ensemble de la population.
Là encore, les études contredisent cette idée. Selon l’OCDE, les immigrés perçoivent en moyenne moins d’argent public que les natifs. Selon l’Insee, 31,5 % des immigrés ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté.
Selon le sociologue Alexis Spire, les étrangers sont même doublement exposés au non-recours de droits et prestations car « ils appartiennent aux franges les plus fragiles du salariat, aux catégories les plus précaires et les moins susceptibles de se repérer dans les méandres de l’administration ». À titre d’exemple, le taux de non-recours à l’AME –⁠ votre marotte – est estimé à 49 %. Enfin, de nombreux étrangers retournent dans leur pays sans bénéficier de leurs prestations sociales alors qu’ils ont contribué à notre richesse –⁠ entre 20 et 50 % des immigrés repartiraient de France au cours des cinq années suivant leur arrivée.
Enfin, l’immigration ne nuit pas à l’emploi. Les immigrés demeurent surreprésentés dans les professions peu qualifiées. Il existe un stock d’emplois vacants, notamment ceux dont se détournent les natifs –⁠ agents d’entretien, aides à domicile, éboueurs. Les immigrés ne volent donc pas le travail des Français. D’ailleurs, ils cotisent pour vos retraites –⁠ oui, même les vôtres. Ils acceptent des postes qui se caractérisent par un haut degré de pénibilité. Selon l’économiste Anthony Edo, l’immigration n’affecte pas les salaires des natifs qui ont le même niveau d’éducation et d’expérience professionnelle. L’immigration ne crée pas de trappes à bas salaires.
Pour finir, je vous soumets une idée pour –⁠ qui sait ? – un prochain débat : le coût de la répression des migrants à nos frontières. À combiens se chiffrent les centaines de drones qui survolent les Alpes françaises, les kilomètres de murs et de barbelés qui entourent le port de Calais, les centaines de forces de l’ordre déployées à Briançon, Montgenèvre et Menton –⁠ pour une efficacité proche de zéro mais avec la plus grande inhumanité ?

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