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Débat orientation finances publiques pour 2017

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, après avoir clôturé, lundi dernier, les comptes de l’année 2015 et alors même que le budget de l’année 2016 est en cours d’exécution, nous abordons aujourd’hui un débat important qui concerne l’orientation des finances publiques pour 2017 et qui doit nous permettre de préparer sereinement l’examen, à la rentrée, du projet de loi de finances pour 2017.
Au préalable, je tiens à remercier Mme la rapporteure générale car elle travaille dans des conditions tout à fait délicates. En effet, une nouvelle fois, nous déplorons les conditions dans lesquelles se déroule ce débat.
Il convient ici de rappeler, comme cela a été fait en commission, que ce débat doit normalement se tenir sur la base du rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques que le Gouvernement remet au préalable au Parlement. Or ce rapport nous a été remis trop tardivement : nous avons eu moins de quarante-huit heures pour l’étudier. Dès lors, nous sommes aujourd’hui amenés à prendre part à un débat tronqué, qui ne permet pas de discuter de manière constructive. Nous le regrettons – je tenais à le souligner, car ce débat est essentiel.
En tout état de cause, l’actualité a mis en lumière les grandes options retenues par l’exécutif pour l’année 2017 à la suite de celles retenues précédemment. Vous venez en effet de souligner, monsieur le secrétaire d’État, les efforts que le Gouvernement a réalisés et qui, dites-vous, se retrouvent dans les chiffres. Vous avez également insisté sur les succès enregistrés – il y en a, sans aucun doute, mais ils ont été obtenus au prix de sacrifices répartis de façon trop inégalitaire et injuste.
Force est de constater que le Gouvernement entend maintenir le cap de la politique de l’offre, cette politique qui vise à réduire inconditionnellement la fiscalité des entreprises et dont on a bien du mal à voir les résultats tant sur l’activité que sur l’emploi, l’investissement, les inégalités et la prise en compte, pourtant essentielle, des enjeux environnementaux.
En annonçant coup sur coup une diminution de la fiscalité des artisans, la diminution de l’impôt sur les sociétés des PME et, surtout, une nouvelle augmentation du CICE, qui passerait ainsi de 6 % à 7 % de la masse salariale correspondant aux salaires inférieurs à deux fois et demie le SMIC, l’exécutif persiste et signe, ignorant une gestion saine et responsable de nos finances publiques que la situation appelle pourtant, ignorant également les véritables urgences auxquelles nous devons faire face et que j’évoquais précédemment.
On chiffre cette hausse du CICE à 4 milliards d’euros pendant quatre ans, qui viendront s’ajouter aux 21 milliards que coûte d’ores et déjà le dispositif. Ainsi, en rythme de croisière, le CICE coûtera à nos finances publiques la bagatelle de 25 milliards d’euros par an. En cinq ans, la majorité sera donc parvenue, de fait, à diviser par deux l’impôt sur les sociétés, puisque celui-ci rapportait, il y a encore quelques années, environ 50 milliards par an.
Ainsi, notre pays prend pleinement sa part dans la course mortifère au moins-disant social et fiscal qui est menée au sein de l’Union européenne. Le Royaume-Uni ne vient-il pas d’annoncer une baisse probable de son taux d’impôt sur les sociétés, qui pourrait passer de 20 % à 15 % ? Les effets de l’absence d’harmonisation fiscale et de la concurrence effrénée entre États au sein d’une zone économique intégrée sont là, devant nous.
De fait, nous assistons à l’érosion progressive des bases fiscales car, en plus de cette concurrence entre États, les cancers que sont la fraude et l’évasion fiscales nous plombent. Mais qui paie le prix fort de ces pratiques ? Ce sont bien évidemment ceux qui ont peu de moyens, ceux qui ont les services publics pour seule richesse, ce sont les TPE et les PME, qui paient plein pot, victimes de la capacité des grands groupes à transférer leurs bénéfices vers les boîtes aux lettres des paradis fiscaux ou à utiliser toutes les ficelles de l’optimisation fiscale que notre système, hélas, permet grandement.
Dès lors, mes chers collègues, soyons très clairs : l’Europe ne se fera que si elle parvient à dépasser ces fléaux. Telle doit être la priorité politique du moment.
En réalité, avec la réduction progressive de la contribution des entreprises au financement du pays et du bien commun, c’est toute l’architecture fiscale qui est aujourd’hui bouleversée.
Les effets du CICE sur l’économie et l’emploi nous laissent pour le moins songeurs, et c’est un euphémisme. En revanche, ils sont tout à fait sensibles sur les finances publiques : l’impôt sur les sociétés constitue désormais moins de 10 % des recettes fiscales de l’État. Et c’est la fiscalité des ménages, que ce soit la TVA ou l’impôt sur le revenu, qui compense cette diminution, ce qui pose des questions essentielles en termes de justice fiscale et sociale car on assiste à un transfert progressif de la contribution des entreprises au financement de l’État vers les ménages. Ainsi la TVA, qui est la fiscalité la plus injuste en ce qu’elle touche les riches et les précaires de la même manière, représente quasiment 50 % des produits fiscaux de l’État.
Dès lors, nous ne pouvons que déplorer l’enterrement de l’une des promesses de campagne de 2012, la grande réforme fiscale. Celle-ci, pourtant essentielle, est tombée aux oubliettes. Nous la revendiquons toujours.
Progressivité de l’impôt sur le revenu, fiscalité tournée vers l’avenir et l’emploi durable, révision intégrale des niches fiscales et autres crédits d’impôt inutiles et inefficaces, démontage progressif des barrières contre-productives en matière de lutte contre la fraude fiscale comme le « verrou de Bercy » ou la Commission des infractions fiscales : telles devraient être les autres priorités de cette fin de quinquennat.
Les inégalités sociales sont devenues insupportables.
Quand on connaît l’écart minime entre le niveau du SMIC et le seuil de pauvreté – à peine une centaine d’euros – les rémunérations perçues par certains prétendus « super-patrons » ne sont plus tolérables. Or notre fiscalité, cela a été prouvé, ne garantit pas la juste contribution des plus hauts revenus à la vie collective – le fameux 0,1 %. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui m’ont poussé à déposer une proposition de loi visant à encadrer « à la source », en quelque sorte, les rémunérations dans les grandes entreprises – proposition de loi qui visait bien sûr les grandes entreprises du CAC 40. Adoptée dans le cadre de notre niche parlementaire, les dispositions qu’elle contenait ont été retoquées, une par une, lors de la discussion du projet de loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, dit « Sapin 2 ».
Le choix a été fait de déréguler le marché du travail, quitte à utiliser la violence du 49.3 et à envisager l’interdiction d’une manifestation, plutôt que d’encadrer les rémunérations inacceptables de certains dirigeants d’entreprise.
Notons néanmoins que le Président de la République a fait preuve de lucidité en réduisant la diminution des moyens alloués par l’État aux collectivités. Après la fronde légitime des maires et des élus locaux, le Président de la République a en effet annoncé, début juin, que la réduction de la dotation globale de fonctionnement, fixée initialement à 3,6 milliards d’euros pour 2017, serait finalement deux fois moins importante. Cela témoigne de la prise de conscience par l’exécutif des effets néfastes des coupes opérées dans le budget des collectivités territoriales depuis trois ans afin de financer les cadeaux fiscaux accordés aux entreprises, et cela sans contrepartie.
À cet égard, le constat dressé par la Cour des comptes dans son dernier rapport est très clair : la réduction drastique des moyens alloués aux collectivités a conduit à mettre en berne l’investissement public local, en retrait de 9 % en 2014 et de 10 % en 2015, ce qui se traduit par le fléchissement de l’emploi et de l’activité et, plus globalement, participe de la politique déflationniste qui est menée et dont les méfaits sont très clairement sous-estimés.
Pour conclure, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur ce que certains d’entre nous appellent les « artifices comptables » qui conduisent à reporter l’impact budgétaire de certaines mesures sur un exercice ultérieur. Il en va ainsi de la hausse du CICE, qui se traduira dans les comptes de l’année 2018, ou encore de l’émission par l’Agence France Trésor de titres de dettes sur des souches anciennes ayant généré des primes d’émission, ce qui a eu pour effet de réduire facialement notre taux d’endettement.
Parlons de la dette, mes chers collègues, car c’est bien la mère des batailles. Comment affranchir notre pays et sa souveraineté de cette épée de Damoclès ? Comment regagner en liberté dans nos choix budgétaires ? Il est temps de prendre les mesures qui s’imposent. C’est pourquoi nous interviendrons dans le débat budgétaire de l’automne en faisant des propositions fortes, basées sur la qualité des travaux menés par la mission d’évaluation et de contrôle sur la transparence de la dette, qui a rendu ses travaux hier matin.
Plus globalement et comme à l’accoutumée, c’est dans un état d’esprit constructif que nous abordons les discussions budgétaires mais, une nouvelle fois, avec la conviction profonde qu’il nous faut faire preuve de courage politique et opérer ce changement de cap qu’appelle l’urgence sociale, économique et environnementale.
Nous proposerons donc de remettre la justice et la progressivité au cœur de notre système fiscal, afin que chacun contribue selon ses moyens, en proposant en particulier une nouvelle fiscalité locale qui assoie en partie l’effort collectif sur les actifs financiers des entreprises. Nous proposerons des mesures fortes pour qu’enfin soient mis derrière les barreaux ceux qui fraudent aujourd’hui impunément le fisc. Enfin, nous proposerons de mettre un terme à la politique de l’offre, qui paupérise les peuples.

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Gaby
Charroux

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