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Création de l’homicide routier et lutte contre la violence routière (2ème lecture)

En France, près de 3 500 personnes perdent la vie chaque année sur la route ; dans 40 % des cas, les accidents sont causés par l’alcool ou la drogue. Cette réalité tragique nous concerne tous, parfois même elle nous touche personnellement.
Certes, la France a fait des progrès significatifs depuis les années 1970. Le rapport de la Cour des comptes de juin 2021 souligne ainsi que, depuis 1972, nous sommes passés de 18 000 tués sur les routes à moins de 3 500 en 2018 et 2019. Malgré ces avancées, le nombre de morts et de blessés sur les routes reste inacceptable. En 2022, la France métropolitaine était classée au quinzième rang parmi les vingt-sept pays de l’Union européenne en termes de mortalité routière rapportée à la population et, en outre-mer, ce taux est deux fois plus élevé, atteignant un niveau alarmant.
C’est dans ce contexte que s’inscrit cette proposition de loi, qui crée l’homicide routier –⁠ elle a beaucoup évolué depuis le début de son examen. Elle répond à une demande forte des associations de victimes et de leurs proches, qui expriment, à juste titre, de l’incompréhension face à la qualification actuelle d’homicide involontaire. Ils estiment que cette qualification ne reflète pas la gravité des actes, notamment lorsqu’un conducteur, sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants, parfois des deux, met délibérément en danger la vie d’autrui. C’est à ce sentiment d’injustice, à cette attente des associations de victimes, que la proposition de loi cherche à répondre.
Le texte vise à substituer à la qualification juridique d’homicide involontaire dans le cas de morts sur la route la notion d’homicide routier quand il y a une –⁠ ou plusieurs – circonstance aggravante, comme l’excès de vitesse ou la consommation de stupéfiants. L’article 1er, rétabli par la commission des lois dans la version adoptée par notre assemblée, ne change pas les peines encourues mais crée de nouvelles infractions pénales indépendantes et autonomes : l’homicide routier et les blessures routières, distincts des sections définissant les infractions d’homicides involontaires et d’atteintes involontaires à l’intégrité physique. Elles consacrent symboliquement la nature criminelle de l’homicide routier et des blessures routières.
L’homicide involontaire et les blessures involontaires par conducteur, dès lors qu’ils sont aggravés, sont désormais caractérisés comme étant un homicide routier ou des blessures routières. Les circonstances aggravantes déjà prévues par le code pénal demeurent. Ainsi, le manquement délibéré à une obligation particulière de prudence, le grand excès de vitesse, l’état alcoolique, l’usage de stupéfiants, le défaut de permis de conduire ou le délit de fuite permettront de retenir la qualification d’homicide routier ou de blessures routières.
La proposition de loi ajoute d’autres circonstances aggravantes. Le conducteur téléphonant au volant, celui qui refuse d’obtempérer ou celui qui se livre à un rodéo urbain, s’il provoque la mort d’un usager de la route ou lui inflige des blessures, sera poursuivi pour homicide routier ou blessures routières. Les peines principales encourues pour les faits d’homicide routier ou de blessures routières restent identiques à celles actuellement prévues pour homicide ou blessures involontaires aggravés.
Toutefois, plusieurs questions demeurent, que nous avons soulevées dès le début de l’examen de ce texte –⁠ et nous nous félicitons plutôt des évolutions qu’il a connues. D’une part, la création de la notion d’homicide routier se situe à mi-chemin entre l’infraction volontaire et l’infraction involontaire, ce qui brouille une distinction fondamentale du droit pénal. Le droit pénal repose en effet sur une distinction claire entre les actes intentionnels et non intentionnels. En introduisant cette notion intermédiaire, la loi risque de créer une ambiguïté et de rendre les décisions de justice moins claires.
D’autre part, la proposition de loi ne traite pas des causes profondes de la violence routière, et je crois que nous avons encore beaucoup d’efforts à faire en la matière. Alors que 23 % des homicides sur la route sont dus à l’alcool et 13 % à la consommation de stupéfiants, la lutte contre ces facteurs de risque doit demeurer la priorité en matière de sécurité routière. Par ailleurs, quand on sait que les accidents de la route sont causés à 80 % par des hommes, on se dit qu’il y a une action à mener en matière d’éducation, car un certain virilisme peut mener à des excès sur la route.
En définitive, nous soutenons l’intention de la proposition de loi et considérons que cette réforme est symboliquement importante. Cependant, elle ne suffira pas à répondre au problème de la violence routière. Il apparaît en effet indispensable de prendre en compte les causes profondes de cette violence et d’adopter une approche plus globale axée sur la prévention et la lutte contre les comportements à risque.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera en faveur de ce texte, en appelant à une amélioration de la prise en charge des victimes des violences routières. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

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Elsa
Faucillon

Députée des Hauts-de-Seine (1ère circonscription)
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