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Convention sur les armes à sous-munitions

La convention sur les armes à sous-munitions – BASM – dont la ratification est aujourd’hui soumise à notre examen représente indéniablement une avancée majeure pour le droit international humanitaire et le désarmement, comme le montre l’excellent rapport de François Rochebloine. Il s’agit du premier instrument de droit international contraignant les États parties à renoncer à produire et à utiliser ces systèmes d’armes. Grâce à cette convention, les BASM ne pourront plus être utilisés en toute impunité et les droits des victimes seront enfin reconnus. Il s’agit donc d’une convention historique, indispensable pour lutter efficacement contre les utilisations massives et de plus en plus systématiques des bombes à sous-munitions dans les conflits.
Rappelons que ces armes ont des caractéristiques uniques qui les rendent extrêmement dangereuses pour les civils. Elles dispersent en effet des sous-munitions explosives sur de vastes étendues et peuvent faire un nombre considérable de victimes civiles – et notamment des enfants, comme l’a souligné Françoise Hostalier – lorsqu’elles sont larguées au-dessus de zones habitées. En outre, la plupart de ces sous-munitions n’explosent pas au moment de l’impact. Selon l’organisation non gouvernementale française Handicap International « entre 5 et 40 % restent sur le sol, accrochées aux arbres ou sur les toits des maisons ». Les sous-munitions peuvent donc exploser des semaines, des mois, des années après la fin du conflit, posant un problème humanitaire majeur sur le long terme. Ces mini-bombes provoquent les mêmes dégâts que des mines antipersonnel. Chaque jour des civils, dont 27 % d’enfants, sont tués ou grièvement blessés.
Selon les experts, près de trente-cinq ans après la fin de la guerre du Vietnam, le Laos est toujours le pays le plus concerné par ce problème, avec des dizaines de millions de sous-munitions non explosées, qui continuent à faire des ravages au sein de la population. L’armée américaine en a aussi utilisé en Irak.
Et plus récemment, l’armée israélienne s’en est elle aussi servie lors des bombardements au Sud Liban à l’été 2006. « Ce que nous avons fait était fou et monstrueux » avait déclaré au quotidien israélien Haaretz un gradé israélien. Citant son chef de bataillon, le commandant d’une unité de missiles avait ainsi affirmé que les forces israéliennes de défense ont tiré près de 1 800 bombes à sous-munitions contenant plus de 1,2 million de petites bombes. « Le conflit de 2006 au Liban a donné lieu à une contamination par sous-munitions jamais vue par le passé. La plupart ont été larguées dans les 72 heures précédant la fin du conflit », avait indiqué Chris Clarke, qui dirige le Centre de coordination des Nations unies pour l’action contre les mines au Liban.
C’est à la suite de l’émotion suscitée par ces événements, qu’est née la démarche ayant abouti à la signature de la convention sur les armes à sous-munitions, à Oslo, le 4 décembre 2008. Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez rappelé, la France y a joué un grand rôle.
Soulignons que cette initiative n’aurait pas eu lieu sans la pression continue exercée par la société civile sur les gouvernements. Si ce sont, certes, les États qui ont signé le traité et lui ont donné une existence juridique, ils l’ont fait par réaction, sous la pression des ONG. Preuve que la communauté internationale ne se limite pas aux seuls États, souvent incapables d’assumer leurs responsabilités devant les enjeux internationaux.
Dès son entrée en vigueur, qui pourrait intervenir avant fin 2009, cette convention interdira aux États parties la production, l’utilisation, le transfert et le stockage des bombes à sous-munitions ainsi que l’assistance, l’encouragement ou l’incitation de quiconque à s’engager dans une activité interdite par la convention.
Les États parties devront détruire leur stock dans un délai de huit ans et ils devront dépolluer les territoires contaminés. Il est donc important que, par le nombre de ses signataires, cette convention prenne une dimension universelle. Une attention particulière devra être portée sur l’attitude des grandes puissances militaires car, politiquement, elles sont les premières concernées.
En outre, ce traité est une première étape importante pour la fourniture d’une aide durable aux victimes des bombes à sous-munitions, à leur famille et aux communautés dont elles font parties. L’article 5, largement inspiré des recommandations des ONG de terrain, définit les obligations des États en matière d’assistance aux victimes – collecte de données, soins médicaux, soutien psychologique, insertion sociale et économique.... Avec cet article, le traité d’interdiction des bombes à sous-munitions établit une norme internationale qui représente le standard le plus élevé en matière d’assistance aux victimes.
Si une centaine d’États sont signataires de la convention, soit la moitié des États de la planète, le refus de certaines puissances militaires – notamment les États-Unis, la Russie et Israël – de la signer est une faiblesse indubitable susceptible de compromettre l’efficacité du traité. Mais je partage l’optimisme de Françoise Hostalier.
Dans ces conditions, il faudra que les États parties, au sein du système des Nations unies, agissent pour associer l’ensemble de la communauté internationale à cette lutte pour l’interdiction des armes à sous-munitions. Les États signataires doivent ratifier cette convention rapidement afin d’envoyer un signal fort aux autres parties et aux États non signataires.
Les gouvernements des États parties doivent mettre pleinement en œuvre ces dispositions. Ce n’est qu’à cette condition que la communauté internationale pourra se prévaloir d’un succès dans la lutte contre les dangers que constituent ces armes. En effet, pour que cette convention devienne une source du droit international et s’impose ainsi à tous les sujets de droit international – à savoir tous les États, y compris les États non parties à la convention –il faudra démontrer qu’elle est à l’origine d’une « coutume internationale », c’est-à-dire qu’elle reflète une pratique étatique étendue, représentative et pratiquement uniforme, acceptée comme étant le droit. L’enjeu réside ainsi dans le respect des normes et autres prescriptions inscrites dans la convention.
Notre groupe votera ce projet de loi autorisant la ratification de la convention sur les armes à sous-munitions. Une fois de plus, nous saluons la qualité du travail fourni par tous ceux qui ont œuvré depuis le début pour en arriver au texte de ce soir. (Applaudissements sur tous les bancs.)
 

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)
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