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Conditions d’ouvertures des commerces le dimanche

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, avec l’entrée en vigueur de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, les conditions d’ouverture des commerces les dimanches et les jours fériés ont été considérablement assouplies, voire généralisées. En effet, le nombre de dimanches pouvant être travaillés est passé de cinq à douze par an, auxquels s’ajoutent les dérogations permanentes accordées à certains secteurs ou zones géographiques spécifiques.
Cet assouplissement a eu pour effet de mettre en difficulté de nombreux commerces indépendants, ce qui était évidemment prévisible. À l’occasion des débats, nous avions d’ailleurs alerté sur la situation en l’Italie, qui a généralisé l’ouverture des magasins le dimanche en juillet 2012, généralisation qui s’est malheureusement traduite chez nos voisins européens par la fermeture de 60 000 commerces et la perte sèche de 90 000 emplois.
Au regard du succès rencontré auprès des collectivités par l’augmentation du quota de « dimanches du maire », il y a lieu d’être inquiet pour les petits commerces de centres-villes. En effet, 43 % des grandes villes ont augmenté le nombre de dimanches ouverts en 2016 par rapport à 2015. Le rapport nous apprend que l’on est par exemple passé de cinq à sept ouvertures dominicales par an à Montpellier et à Toulouse, de cinq à huit à Lille et à Belfort ; près d’un quart des villes a choisi d’utiliser le potentiel maximal de douze dimanches d’ouverture.
Le texte qui nous préoccupe aujourd’hui comporte un enjeu plus spécifique. Il se penche sur la situation des commerces indépendants situés au sein des centres commerciaux placés dans l’obligation d’ouvrir plusieurs dimanches dans l’année sous peine de pénalités financières.
Nous avons tous en mémoire le cas très médiatisé de ce restaurateur du centre commercial Grand Var, près de Toulon, qui s’est vu infliger le 31 août dernier une amende de près de 187 000 euros par le centre commercial dans lequel il est installé depuis neuf ans pour n’avoir pas ouvert le 14 juillet. L’arbitraire et le caractère disproportionné d’une telle sanction ont à juste titre soulevé l’indignation.
Nous ne pouvons donc qu’approuver la proposition de loi de nos collègues de l’UDI, qui tend précisément à interdire les clauses visant à contraindre ces commerçants indépendants à exercer leur activité alors qu’ils ne le souhaitent pas et à les pénaliser fortement.
Il apparaît d’autant plus nécessaire de légiférer que la pratique visant à imposer dans les règlements des GIE d’ouvrir un certain nombre de dimanches et jours fériés semble assez courante. La CGPME souligne ainsi que seuls 10 % des commerçants adhérant à une structure type GIE ont la liberté d’ouvrir ou non leur commerce les dimanches ou jours fériés. Cela signifie que 90 % d’entre eux n’ont pas cette liberté et s’exposent donc à des sanctions financières.
Certains collègues – je les ai encore entendus au début de notre discussion – ont indiqué qu’ils ne pourraient voter ce texte, arguant qu’il convenait d’arbitrer entre deux principes constitutionnels d’égale valeur : la liberté du commerce, d’une part, et la liberté contractuelle, d’autre part.
Nous nous étonnons d’un tel argumentaire car, comme l’a d’ailleurs rappelé le rapporteur, la liberté contractuelle est heureusement encadrée par la loi. Elle est évidemment limitée par la liberté et les droits des parties au contrat et le législateur a le devoir d’intervenir dès lors que ces droits sont mis en cause – je n’ose pas dire piétinés, mais enfin… – par des clauses abusives.
Nous avons tous compris que l’enjeu, pour certains, est de défendre la loi Macron coûte que coûte, y compris et surtout lorsque les faits mettent en exergue ses graves insuffisances. Bien sûr, il n’était pas dans l’intention de nos collègues de l’UDI de rouvrir le débat sur le travail du dimanche, qu’ils ont soutenu. Pourtant, nous ne pouvons pour notre part nous empêcher de voir dans les déboires des commerçants indépendants des centres commerciaux une illustration parmi d’autres des effets pervers de cette loi – je ne reviens pas sur ce qui se passe actuellement avec les transports par cars.
Nous avons évoqué la situation des commerçants des centres-villes, qui témoigne aussi des rapports de force et de la rupture d’équilibre entre commerçants indépendants, d’un côté, grands groupes et franchises, de l’autre. Nous pourrions également évoquer la situation des salariés des grandes enseignes, les pressions et chantages qui s’exercent sur eux, les contreparties très relatives de la loi Macron, la tromperie que constitue la référence à la notion de « volontariat » quand notre droit du travail repose depuis l’origine sur le constat évident de l’existence d’un lien de subordination du salarié à son employeur.
Pour toutes ces raisons, nous continuerons d’agir aux côtés des salariés et des petits commerçants pour le droit de chacun à une vie personnelle, à une vie privée et familiale dont le dimanche est à la fois l’une des garanties et le symbole. Nous continuerons d’agir contre le cynisme qui conduit sans cesse à privilégier les grosses entreprises sur les salariés ou les petits commerces, la consommation sur la vie familiale et le lien social.
Animés de cette volonté, forts de ces raisons, nous sommes favorables à la présente proposition de loi.

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