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Commission d’enquête sur l’organisation groupuscules et manifestations illicites violentes entre le 16 mars et le 4 avril 2023

Face au grand mouvement populaire qui traverse notre pays, face à la crise démocratique et sociale, nous vous avons appelés à maintes reprises à vos responsabilités. Nous vous avons appelés à l’apaisement et à reconnaître la légitimité sociale de la rue en retirant votre réforme des retraites et en consultant le peuple par référendum. Loin de ces exigences, vous avez choisi de répondre par l’intransigeance, le mépris et la répression violente des mouvements sociaux, en portant atteinte aux libertés fondamentales. Votre proposition de résolution s’inscrit précisément dans cette stratégie de répression du mouvement social et répond à votre volonté de tourner la page. Cette proposition de commission d’enquête vise surtout à stigmatiser, à diaboliser et à disqualifier les forces politiques et militantes de gauche tout en affichant une complaisance coupable à l’égard de manifestations de néonazis et de fascistes.

Je souhaiterais à cet égard vous faire part de ma plus vive inquiétude s’agissant de la manifestation du 6 mai dernier à Paris, autorisée et protégée par la police, qui a permis à des centaines de militants d’extrême droite, membres d’organisations ultraviolentes, de défiler habillés de noir, visages masqués, arborant des drapeaux ornés de croix celtiques – celles-ci étant le symbole de la suprématie de la race blanche, selon la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme. Comment une telle manifestation a-t-elle pu être autorisée lorsque, dans le même temps, les « casserolades » ont fait l’objet de plusieurs interdictions ? À cet égard, la justification du préfet de police de Paris est loin d’être convaincante.

Je souhaiterais en effet rappeler solennellement que le fait d’évaluer le risque d’un trouble futur en se référant à des circonstances factuelles antérieures, pour considérer que « le préfet de police n’était pas fondé à prendre un arrêté d’interdiction », constitue une erreur en droit. Je vous renvoie à l’ordonnance du 5 janvier 2007 du juge des référés du Conseil d’État, rappelant qu’une manifestation peut être interdite du fait de sa nature même, face au risque ou à l’existence d’une atteinte à la dignité de la personne humaine.

Nous pensons donc que l’autorisation de cette manifestation était un choix politique – celui de la légitimation, de la banalisation de l’extrême droite – et que votre proposition de résolution, suivant la même stratégie politique, vise à délégitimer et criminaliser les organisations et les partis de gauche de notre pays. Sa rédaction n’est pas neutre : il s’agit non pas de mener une enquête sur les comportements violents en marge des manifestations, mais de nourrir un discours dangereux qui cherche à priver certaines personnes de leur liberté de manifester, à les désigner comme ennemis de la République et à justifier l’usage de la force par les dépositaires de l’autorité publique et la répression judiciaire.

Des mises en garde vous ont pourtant été adressées par les organisations internationales, les institutions nationales et constitutionnelles indépendantes, les ONG et associations de défense des droits de l’homme, les syndicats de magistrats et d’avocats. La France est aujourd’hui pointée du doigt par la communauté internationale pour les méthodes violentes employées dans sa gestion du maintien de l’ordre. Pourtant, loin de répondre à ces alertes, vous cherchez au contraire à légitimer cette violence disproportionnée et à empêcher la contestation sociale, vous qui avez refusé de reconnaître l’existence d’une menace terroriste d’extrême droite en balayant d’un revers de main la proposition de loi de notre collègue Aurélien Taché.

Cette proposition de résolution est dangereuse. D’une part, elle passe sous silence la nécessité de rétablir une doctrine française du maintien de l’ordre reposant sur la prévention des troubles, l’usage de la force uniquement en cas d’absolue nécessité et la réponse proportionnée à la menace. D’autre part, elle établit un lien entre des partis politiques institués et des personnes perçues comme étant en dehors de l’État de droit, dans le but de délégitimer plus globalement les partis et les groupes de gauche. Nous sommes contre toutes les violences, puisque ce sont toujours les petits qui la subissent. C’est pourquoi l’escalade de la violence doit cesser. L’ordre public, constitutif de l’État de droit, doit permettre de conforter les libertés fondamentales et non de les réduire.

La présente proposition de résolution ne s’inscrit pas dans cette logique, raison pour laquelle nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

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