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PLFSS pour 2025

Comme chaque année, nous voici réunis pour entamer le débat sur le PLFSS. Cette fois-ci, les enjeux du texte paraissent assez inédits car ils semblent s’inscrire dans le processus de clarification promis par Emmanuel Macron.

Certains d’entre vous l’auront remarqué, le PLFSS pour 2025 est assez indigent. Il ne comporte aucune mention de la prévention ou de la lutte contre la désertification médicale, aucune mesure nouvelle en matière de prise en charge de la perte d’autonomie, du handicap ou de l’accompagnement des familles, et il ne témoigne d’aucune ambition en matière de santé publique et d’accès aux soins.

Pourtant, il est urgent de débattre de la santé publique et de l’accès aux soins car la politique menée depuis 2017 a plongé l’ensemble de notre système dans un état d’effondrement vertigineux.

Afin que les chiffres et le vocabulaire parfois technique du PLFSS n’occultent pas les réalités concrètes, voici quelques éléments objectifs à l’aune desquels apprécier le texte : le déficit des hôpitaux publics devrait dépasser 2 milliards d’euros en 2024 avec des personnels soignants et non soignants absolument exsangues ; 85 % des Ehpad publics sont déficitaires, avec un déficit cumulé estimé à 1,3 milliard d’euros ; plus de six Français sur dix renoncent à des soins ; quatre malades chroniques, ou concernés par un handicap physique, sur dix considèrent que leur prise en charge médicale s’est détériorée depuis le Covid.

L’indigence de ce PLFSS quant aux besoins sociaux et de santé manifeste que, comme ses prédécesseurs, ce gouvernement considère la sécurité sociale comme une variable d’ajustement du déficit public.

Il ne s’en cache d’ailleurs pas et a annoncé que le PLFSS devait contribuer à l’effort de redressement des finances publiques, et, à cette fin, permettre un effort global d’un peu plus de 10 milliards d’euros en 2025, dont 4,9 milliards d’économies sur l’assurance maladie et 4 milliards sur les pensions de retraite. Or la mission de la sécurité sociale n’est pas de participer à la réduction du déficit public.

Sa mission est de protéger l’ensemble de nos concitoyens contre les principaux aléas de l’existence et contre les risques sociaux. C’est également de répondre aux besoins sociaux et de santé grâce aux moyens procurés par les cotisations sociales, ce que l’on appelle le salaire différé.

Certes, la sécurité sociale connait un déficit que nous ne minimisons pas : 18 milliards d’euros en 2024 et 16 milliards en 2025 pour un budget de 661 milliards, soit à peine plus de 2 %. Toutefois l’origine de ce déficit n’est pas à chercher dans un dérapage des dépenses sociales et de santé.

Ce déficit est la conséquence de choix politiques qui, année après année, ont asséché les ressources de la sécurité sociale. D’après la Cour des comptes, les niches sociales – c’est-à-dire précisément le contournement des salaires – engendrent à elles seules une perte de recettes estimée à 19,3 milliards d’euros en 2023, soit 9,4 milliards d’euros de plus en cinq ans, perte non compensée par l’État ! Par ailleurs, les généreux allègements de cotisations sociales octroyés aux entreprises – sans aucune contrepartie sociale et environnementale – représentent 80 milliards.

Drôle de constat, monsieur le ministre du budget, alors même que vous nous expliquiez tout à l’heure à la tribune « ne pas être généreux » avec l’argent des Français !

La manière dont ces exonérations massives contribuent à précariser les conditions de travail et à consolider des trappes à bas salaires est très bien documentée. L’article 6 du PLFSS – dont nous n’avons pu débattre en commission – prévoit de reprendre 5 milliards d’euros sur la masse des exonérations existantes. Il est significatif qu’un si faible effort ait été refusé massivement par les députés du socle commun et par ceux du Rassemblement national. Aussi peu ambitieux qu’il soit, l’article 6 révèle que le déficit de la sécurité sociale provient de l’assèchement organisé de ses ressources.

Refuser d’en débattre, comme l’ont décidé le socle commun et le Rassemblement national, revient à acquiescer à la logique d’appauvrissement de notre protection sociale, avant de finir par dire d’une même voix que la sécurité sociale est à bout de souffle, qu’elle a fait son temps et qu’il est urgent de la réformer. Ainsi, les mêmes qui refusent de rendre à la sécurité sociale ses ressources, rejettent comme un seul homme en commission l’article 27 fixant l’Ondam et les sous-Ondam pour 2025 !

De notre côté, nous le rejetons aussi mais pour des raisons différentes : la progression de l’Ondam 2025, fixée à 2,8 % – soit près de 5 milliards d’euros d’économies pesant exclusivement sur les assurés sociaux – est inacceptable.

À défaut de nous écouter, madame la ministre de la santé, acceptez d’entendre le conseil d’administration de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) qui a massivement désapprouvé ce PLFSS dans son ensemble.
Certes, les PLFSS 2022 et 2023 avaient déjà reçu des avis défavorables, mais l’avis motivé voté le 17 octobre dernier se démarque des précédents parce qu’il a recueilli la quasi-unanimité des votants à deux voix près sur trente-cinq.

Le conseil d’administration de la Cnam a dénoncé un Ondam « sous-évalué » et « nettement insuffisant » au regard des besoins réels. Tout comme nous, dans ce contexte, il s’étonne de constater que les recettes obtenues par la réduction des allègements de cotisations sociales ne sont pas intégralement affectées à la sécurité sociale. Les mesures d’économies à la charge exclusive des patients, à commencer par la hausse du ticket modérateur sur les consultations médicales, ne font pas davantage l’unanimité.

Je remercie M. Yannick Neuder, le rapporteur général, d’avoir clairement dit – est-ce la grâce de son prénom ? – que légiférer sur la base de l’Ondam, dont on sait qu’il créera un déficit dans les structures de nos hôpitaux publics, va à l’encontre de la volonté de désendetter les hôpitaux. Oui, la logique de l’Ondam est sournoise : en sous-évaluant les dépenses, on fabrique par avance du déficit !

Chers collègues, il est impossible de dénoncer le processus pervers de l’Ondam et, dans le même temps, de refuser de rendre à la sécurité sociale les ressources qui lui reviennent voire de lui en affecter de nouvelles.
L’assèchement des ressources de la sécurité sociale et son enfermement dans des dépenses contraintes participent de la même logique consistant à remettre en cause notre système de protection sociale.

Nous, députés communistes et ultramarins du groupe de la gauche démocrate et républicaine (GDR), nous ne nous contentons pas d’affirmer qu’il faut plus de recettes pour de bonnes dépenses. Nous disons trois choses : premièrement, le budget de la sécurité sociale doit être sanctuarisé. Il n’a pas sa place aux côtés du PLF.

Deuxièmement, le budget de la sécurité sociale n’est pas un budget comme les autres et en aucun cas il ne doit pas être soumis aux impératifs de réduction du déficit public ou aux injonctions de Bruxelles en la matière.
Enfin, il doit être élaboré sur la base des besoins des populations et des spécificités territoriales ; les recettes correspondantes en découleront.

Si ces principes sont respectés, la sécurité sociale ne peut pas être en faillite puisque ses ressources ne reposent pas – voilà sa force – sur une taxe éphémère mais sur le salaire…à moins qu’il n’y ait plus de salaires.
Chers collègues, en dénonçant seulement l’Ondam, vous ne faites qu’une partie du chemin ou plutôt vous empruntez un chemin différent du nôtre. Certes, cela vous permet d’affirmer qu’il faut mettre en œuvre des réformes structurelles. Le conseil de la Cnam ne dit pas autre chose dans sa délibération lorsqu’il écrit que notre système de protection sociale est confronté à une situation inédite qui devrait inciter les pouvoirs publics à engager une réforme structurelle au lieu de continuer à prendre, année après année, des mesures court-termistes qui s’avèrent inefficaces pour résorber le déficit.

Avant même que nous ne débutions l’examen du texte, Mme la ministre de la santé a annoncé qu’il était nécessaire de réfléchir à l’avenir afin de restructurer notre système et son financement. Le rejet en bloc du PLFSS en commission semble lui donner raison. Toutefois la question demeure : de quelle réforme structurelle parlons-nous ? Et en vue d’atteindre quel objectif ? Sur ce sujet crucial, je ne pense pas qu’au sein de cet hémicycle, nous ayons tous les mêmes intentions.

En son état actuel, le PLFSS poursuit l’ambition des gouvernements précédents, à savoir désavouer notre système de sécurité sociale en organisant sa faillite. Il le fait de la manière la plus odieuse qui soit en mettant à genoux les hôpitaux, les établissements sociaux et médico-sociaux, les assurés sociaux et même les retraités.

C’est en cela que ce PLFSS n’est pas tout à fait le même que ceux des précédentes années et que nos débats n’auront pas la même portée : ce texte fournit au Gouvernement un tremplin pour introduire une réforme profonde de la sécurité sociale, réforme qui ne vise pas à la préserver !

Dès lors, nos débats sur les amendements et le sort de ceux-ci diront si nous voulons, ou ne voulons pas, rompre avec les lois de financement de la sécurité sociale, dont le groupe GDR dénonce les limites, et rendre à la sécurité sociale sa capacité de protéger nos concitoyens. Ils détermineront également si nous voulons une plus grande financiarisation de la sécurité sociale conduisant à la privatisation de l’assurance sociale, privatisation par nature inégalitaire, ou si, au contraire, nous défendons âprement un modèle social solidaire et juste, assis sur la cotisation sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)

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Yannick
Monnet

Député de l' Allier (1ère circonscription)
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