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Collectivités territoriales : réforme des collectivités

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y avait une très belle réforme des collectivités territoriales à effectuer. Ce qu’il convenait de faire pouvait se résumer en quelques mots : démocratie, justice fiscale, coopération.
Démocratie, d’abord, en optant pour un scrutin permettant la juste représentation de nos concitoyens et des différentes sensibilités politiques qui existent dans notre pays, ce qui est à la base d’une démocratie digne de ce nom. Trouver le moyen d’assurer des majorités ne peut se faire au prix de l’atteinte directe à une représentation démocratique juste.
Le vote des étrangers vivant, travaillant dans notre pays depuis plusieurs années doit être reconnu, et en particulier pour toutes les élections des collectivités territoriales.
La parité doit être la règle partout.
Les conditions doivent être créées d’une implication plus directe de nos concitoyens dans la gestion des affaires locales. Un véritable pouvoir d’initiative doit leur être reconnu. Le référendum d’initiative populaire local doit être institué.
Voilà, parmi d’autres, des éléments qui représenteraient une réelle avancée de la démocratie, c’est-à-dire une appropriation plus importante par la population des problèmes locaux et des territoires.
Il y avait également une belle réforme à faire en introduisant de la justice dans la fiscalité locale, c’est-à-dire en tenant compte des revenus de nos concitoyens dans les différents éléments de cette fiscalité. Car aujourd’hui, les impôts locaux, en particulier la taxe d’habitation, sont parmi les plus injustes de nos impôts, alors même que la suppression de la taxe professionnelle va contribuer à alourdir la taxation des ménages.
Pour permettre une réelle autonomie et indépendance des collectivités locales, ainsi qu’une réelle égalité entre elles, il est nécessaire, d’une part, d’accroître leurs ressources, car elles réalisent 73 % des investissements publics dans notre pays et pèsent donc très fortement en faveur de l’emploi. Cela peut se faire par une taxation des actifs financiers des entreprises, dont le rôle pourrait être aussi de redistribution, pour assurer plus d’égalité entre les différents territoires.
D’autre part, les contrats entre État et collectivités, qui sont un outil irremplaçable d’action en faveur de nos concitoyens, devraient être passés d’égal à égal, alors que, le plus souvent, c’est l’État qui impose ses choix et sa loi aux collectivités.
En tout état de cause, c’est un très mauvais calcul que de geler les dotations d’État aux collectivités : c’est la meilleure façon de plomber toute relance économique, car c’est l’investissement et donc l’emploi qui seront pénalisés.
Le dernier élément pour mettre en place une réforme moderne, efficace et utile, c’est la coopération. Nos collectivités n’ont pas besoin d’oukases préfectoraux ou autres pour travailler ensemble, mais simplement de règles démocratiques. C’est la volonté commune des collectivités, confirmée par un vote de nos concitoyens, qui doit décider de telle coopération dans tel ou tel domaine. Compétences des intercommunalités, délimitation des périmètres doivent être soumises à référendum local. C’est à nos concitoyens, et à eux seuls, de décider localement ce qu’ils souhaitent pour leur administration locale.
Oui, il y avait moyen d’effectuer une très bonne réforme des collectivités territoriales, mais vous avez transformé cette possibilité en une véritable machine de guerre contre ce que vous appelez la dépense publique. En fait, c’est pour mieux épargner et servir les intérêts particuliers d’une petite caste de privilégiés en faveur desquels vous concentrez la plus grande part de vos efforts et surtout la plus grande manne de l’argent public, à travers en particulier des cadeaux fiscaux qui ont largement contribué à alourdir un déficit public que vous dites aujourd’hui vouloir réduire.
Le discours de Versailles du Président de la République, le 22 juin 2009, est fondateur de la philosophie de votre contre-réforme. À Versailles, le Président de la République a déclaré qu’il y avait trois grands domaines pour faire des économies et réduire le déficit : « les services publics et la fonction publique ; la protection sociale, avec la sécurité sociale et les retraites ; les collectivités locales ». En fait, il s’agit de dégager toujours plus de moyens pour favoriser profits et dividendes, banquiers et spéculateurs, bonus et stock-options, bouclier fiscal et cadeaux fiscaux en tout genre en pressurant toujours plus emplois, salaires, santé, retraites, services publics, bref la capacité de notre pays à répondre aux besoins humains.
Pour atteindre cet objectif, vous avez bien compris qu’il valait mieux avoir moins d’élus locaux et les éloigner le plus possible de nos concitoyens.
Voilà pourquoi vous nous avez inventé les conseillers territoriaux.
Dans le même esprit, vous préparez la disparition progressive des départements et communes. Les départements vont mourir sans que vous ayez besoin d’établir un certificat de décès, car l’effet de trois mesures conjuguées de votre projet de loi va, de fait, les faire disparaître de façon indolore. D’abord, par la fin de la clause de compétence générale, même si vous l’avez maquillée, limitant ainsi leurs compétences et leurs pouvoirs. Ensuite, par la création des métropoles, qui vont littéralement avaler de nombreux départements. Enfin, par le faible nombre, pour certains départements, de conseillers territoriaux ayant en charge la gestion départementale. Si je prends l’exemple du mien, le Cher, qui pourra parler sérieusement d’un conseil général à vingt-cinq élus ?
Vingt-cinq élus, c’est l’équivalent du conseil municipal d’une commune de moins de cinq mille habitants ! Voilà en quelle considération vous tenez le département ; voilà pourquoi vous avez choisi sa mort clinique.
De la fusion en un seul conseiller territorial ou une seule conseillère territoriale de la double responsabilité départementale et régionale naîtra automatiquement une confusion qui contribuera, avec les trois raisons indiquées précédemment, à l’extinction progressive des départements.
Pour les communes, le phénomène sera aussi mortifère, car, entre fusions de communes et intercommunalités au périmètre et aux compétences élargis, le résultat sera, à terme, le même. D’ailleurs, en ayant à financer 50 % de leurs investissements, les communes n’auront plus la capacité d’investir.
Vous nous avez inventé le millefeuille pour nous vendre votre contre-réforme. Ce millefeuille avait au moins l’avantage, en additionnant des subventions, de permettre des réalisations. Là, vous voulez nous vendre des collectivités mises au pain sec avec une démocratie plutôt rassise. Vous ne proposez pas de réformer les collectivités territoriales, vous proposez une baisse drastique de tout ce qui est dépense sociale dans notre pays pour mieux avoir les moyens, non seulement de soutenir ceux qui nous ont conduits à la crise, mais de leur permettre, demain, de continuer leur enrichissement sur le dos de tous, leur spéculation mais aussi leur concurrence, dont l’un des plus éminents économistes du monde, Joseph Stiglitz, a dit qu’elle tournait au délire.
Vous voulez arrimer les collectivités locales aux choix politiques nationaux. Que ce soit pour la fonction publique, pour les retraites, pour la sécurité sociale, les collectivités locales, il y a autre chose à faire que de se mettre à genoux devant la loi des prédateurs financiers ! Ce qui coûte cher à la France aujourd’hui, ce n’est pas la dépense publique, c’est la finance et la spéculation privées. Plutôt que de faire semblant de vous inquiéter d’un endettement des collectivités locales qui sont, elles, contrairement à l’État, obligées de présenter des budgets en équilibre, vous feriez mieux de compter ce qu’a coûté aux finances publiques et à nos concitoyens le fonctionnement d’un système financier capitaliste totalement arc-bouté sur des gains démesurés et à court terme.
Je ne fais pas autre chose, mon cher collègue, car ce sont ces prédateurs qui nous coûtent cher et c’est pour eux que tous les Français doivent payer. Combien ont coûté aux finances publiques, marchés financiers et spéculateurs qui, selon un autre éminent économiste, Patrick Artus, se gavent de liquidités jusqu’à l’overdose ? Quand on se gave de liquidités jusqu’à l’overdose, cela a forcément des répercussions sur la dépense publique et sur les collectivités locales.
Nous tenterons d’apporter, au fil du débat, des propositions constructives, mais nous ne pourrons pas voter un texte dont l’objet est la mise sous tutelle des collectivités locales par l’État, afin de mieux orienter l’argent public, via des cadeaux fiscaux divers, vers le tonneau des Danaïdes des marchés financiers et de la spéculation. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

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Jean-Claude
Sandrier

Député de Cher (2ème circonscription)
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