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Collectivités territoriales : réforme des collectivités

La majorité UMP entend aggraver le texte de réforme des collectivités territoriales voté au Sénat.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous préparez une répartition tranchée des compétences entre collectivités. Vous voulez faciliter les regroupements de collectivités, augmenter les compétences des métropoles et interdire les financements croisés pour les projets des communes.
Je peux témoigner des effets catastrophiques de tels projets. À terme, ils signifieraient notamment la fin de la capacité d’investissement des communes, en particulier des plus petites.
Cette réforme législative a pour objectif de mettre à la diète les communes, qui sont pourtant proches des besoins des populations. L’UMP veut casser l’organisation territoriale de la France, héritée de la Révolution, en fragilisant les communes et les départements. Ce serait un recul considérable de la démocratie de proximité.
Vous voulez imposer aux échelons locaux votre fameuse RGPP, la révision générale des politiques publiques, que vous appliquez avec zèle pour détruire les services publics vitaux de la nation, comme l’enseignement ou la sécurité.
En réalité, tout le monde sait que ce n’est pas avec des textes de rafistolage sur les compétences des collectivités que l’on pourra mieux garantir les services publics locaux. Celles-ci manquent surtout d’argent depuis la suppression de la taxe professionnelle qui empêche villes, départements ou régions de planifier leurs investissements sur le long terme.
Le vrai problème est celui de la perte totale d’autonomie fiscale des collectivités locales.
Je prendrai l’exemple de la commune de Raimbeaucourt, dans la 16e circonscription du Nord dont je suis l’élu. Cette ville, qui compte environ 4 400 habitants, lance un appel à l’aide pour la construction d’une nouvelle école. Elle est pleinement concernée par ce projet de loi qui prévoit d’interdire les financements croisés pour les communes de plus de 3 500 habitants, ce qui reviendra à réduire à néant leur capacité d’investissement
Il ne faut pas s’y méprendre, cependant, ce ne sont pas les financements croisés qui posent un problème. Ils ne sont que la conséquence d’un appauvrissement des communes, contraintes de quémander des subventions un peu partout, sous peine d’augmenter la charge fiscale des ménages. C’est l’absence de dotations suffisantes de l’État qui est à l’origine du problème. D’après la loi de finances pour 2010, la dotation globale de fonctionnement augmente moitié moins que l’inflation. La dotation d’équipement reste, quant à elle, à un niveau minimaliste. De telles conditions provoquent le coup d’arrêt des politiques de développement local.
Monsieur le secrétaire d’État, il faut assurer les financements des collectivités territoriales, lieux de la démocratie de proximité et acteurs majeurs du développement. Pourquoi ne pas proposer, par exemple, des crédits à taux zéro pour les collectivités, à travers un pôle public bancaire et financier, comprenant des banques nationalisées ?
En matière de regroupement intercommunal, le projet de loi est une tentative de recentralisation du pouvoir entre les mains de l’État. Le rôle accru du préfet symbolise la recentralisation de la décision politique et administrative avec la possibilité pour ce dernier de rattacher une enclave à un EPCI ou encore d’être doté, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2012, de pouvoirs exceptionnels de création, de modification ou de fusion des EPCI et syndicats. La « rationalisation » de la carte intercommunale promet d’être menée au pas de charge par les préfets.
Enfin, votre projet de loi entend s’engouffrer dans la concurrence territoriale en donnant la priorité aux métropoles. Celles-ci sont en réalité des sortes de mégalopoles technocratiques, dont l’objet sera de constituer des pôles de compétitivité et d’attraction pour entreprises multinationales.
La métropole se substituera aux communes membres en matière de développement et d’aménagement économique, social et culturel, d’aménagement de l’espace métropolitain, de politique locale de l’habitat, de politique de la ville, de gestion des services d’intérêt collectif et de protection de l’environnement.
Les compétences, volées au département et à la région, feront de ces derniers des acteurs de second plan, dépourvus de pouvoir, tout juste bons à subventionner les territoires exclus des métropoles parce que pas assez compétitifs. Vous préparez une France à deux vitesses.
La métropole se substituera aussi aux départements en matière de transports scolaires et de gestion des routes.
Elle pourra, par convention avec le département, être compétente en matière d’action sociale, de construction, d’aménagement et de fonctionnement des collèges, de développement économique.
Elle pourra se substituer à la région, par convention, en matière de construction, d’aménagement et de fonctionnement des lycées, de tout ou partie des compétences exercées par la région en matière de développement économique.
Cette liste de compétences a par ailleurs été considérablement allongée en commission : création, aménagement et gestion des zones d’activités industrielles, commerciales, tertiaires, artisanales, touristiques, portuaires ou aéroportuaires, schémas de cohérence territoriale et plans locaux d’urbanisme, politique du logement, lutte contre la pollution, culture, lycées, sport.
J’insisterai particulièrement sur la compétence sportive. La Charte internationale de l’éducation physique et du sport indique que « tout être humain a le droit fondamental d’accéder à l’éducation physique et au sport, qui sont indispensables à l’épanouissement de sa personnalité ». Le but de l’olympisme « est de mettre le sport au service du développement harmonieux de l’homme en vue de promouvoir une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine. » Enfin, le code du sport dispose : « La promotion et le développement des activités physiques et sportives pour tous […] sont d’intérêt général. »
Comme tous les députés, j’ai été destinataire d’un dossier de Jean-Michel Brun, vice-président délégué au sport et aux territoires, établi à la demande du président du Comité national olympique et sportif français. Ce comité – Jacqueline Fraysse l’a dit tout à l’heure, c’est à croire qu’elle a copié sur moi, à moins que ce ne soit l’inverse (Sourires) – est constitué de 107 fédérations, disposant de 180 000 associations sportives, avec 16 millions de licenciés et 3,5 millions de bénévoles au service de la population.
Le mouvement sportif exprime de façon unanime ses inquiétudes suite à la possible suppression de la clause de compétence générale des régions et départements. Car s’il existe un service public national du sport, en l’occurrence le ministère du sport, celui-ci n’est pas exclusif de services publics du sport municipaux, départementaux ou régionaux. Concernant le financement public du sport français, sur un total avoisinant 13 milliards d’euros, près de 80 % proviennent des collectivités !
Bien entendu, la capacité de financement des collectivités est essentielle, mais la condition sine qua non du maintien du soutien au sport, qu’il s’agisse des dépenses d’investissement dans les équipements ou des dépenses sportives de fonctionnement, c’est-à-dire l’aide aux clubs, est l’affirmation du fondement juridique de la capacité à agir de toutes les collectivités territoriales.
Enfin, mon dernier mot concernera les conseillers territoriaux, pierre angulaire de ce projet de loi. On s’apprête à créer des conseillers territoriaux qui auront certainement le don d’ubiquité, car ils devront courir à la vitesse de la lumière de l’hémicycle du conseil général à celui du conseil régional !
Il est dommage que ce projet de loi ne propose pas la téléportation.
À l’opposé de ce texte totalitaire et technocratique, les députés communistes, républicains et du parti de gauche proposeront par des amendements le développement de la démocratie locale de proximité, seul gage d’une plus grande efficacité des politiques publiques.
Nous ne cautionnerons pas des projets qui visent à briser les capacités d’initiative des collectivités tout en ignorant la problématique des finances publiques locales.
Dans ce domaine, nous continuons à lutter pour l’autonomie fiscale, à promouvoir des ressources fiscales dynamiques à travers la taxation des actifs financiers des entreprises, et nous continuerons à réclamer une meilleure péréquation financière entre collectivités riches et collectivités pauvres.
 

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Jean-Jacques
Candelier

Député du Nord (16ème circonscription)
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