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Collectivités territoriales : réforme des collectivités

Une majorité de sénateurs, certes infime, s’est finalement couchée devant les exigences de Nicolas Sarkozy et du Gouvernement, représentés alors non pas par un Auvergnat, mais par deux : Brice Hortefeux et Alain Marleix.
Envolées, les belles exigences sur la parité, le pluralisme, la représentation des petits partis, sur le respect des compétences et le maintien des moyens financiers des collectivités locales ! Tous les points sur lesquels le Sénat avait tenu à préserver le principe de libre administration des collectivités territoriales ont été balayés d’un revers de main par la CMP, à la faveur de l’abstention d’un sénateur centriste, Yves Détraigne.
Mais c’est surtout l’avis des élus locaux de tout le territoire qui est bafoué aujourd’hui. Si l’Association des régions de France, l’Assemblée des départements de France et l’Association des petites villes de France ont indiqué leur hostilité à ce nouveau texte, toutes les associations d’élus progressistes ont aussi signé une plateforme commune d’opposition à ce massacre de notre organisation territoriale. Dans leur combat contre cette contre-réforme technocratique, ces élus sont rejoints par des élus de droite ou sans étiquette, et par les associations qui se battent au jour le jour pour la vitalité de nos territoires.
Le texte qui nous est présenté est le résultat d’un véritable bricolage de dernière minute. Des dispositions ont été réécrites, des votes à l’unanimité d’une chambre ou de l’autre ont été foulés aux pieds. Les accords de bout de table et les négociations mesquines ont présidé à la rédaction définitive de ce texte funeste.
Au gré de la navette parlementaire et jusqu’à cette CMP, le projet de loi aura changé du tout au tout. Les articles supprimés ont été rétablis et inversement, le seuil de constitution des métropoles a augmenté ou diminué, la clause de compétence générale des collectivités a été maintenue ou supprimée, le millefeuille est devenu pudding.
Comment ce projet de loi a-t-il pu connaître de telles embardées quand on sait les bouleversements dramatiques qu’il suscitera ? Ces atermoiements, ces revirements, montrent l’impréparation totale de ce texte. Ils montrent aussi l’absence de soutien dont pâtit cette réforme dont personne ne veut, à part le Gouvernement et sa majorité soumise. C’est à l’occasion d’une suspension de séance de la CMP que la loi a été finalisée à la dernière minute, rapetassée, dirait-on en Auvergne. Le Parlement est bel est bien bafoué. Il s’agit bel et bien d’un passage en force : un rouleau compresseur a écrasé les heures de débat dont vous parliez.
J’en viens au fond. Le report à 2015 de la suppression de clause de compétence générale des départements et des régions et de l’application de la nouvelle répartition de leurs compétences montre qu’il s’agit d’une usine à gaz. En effet, pas moins de trois années sont nécessaires pour que nos collectivités territoriales puissent s’y adapter ! Mais au-delà de ce décalage de calendrier, le problème de fond de l’assèchement de l’investissement des collectivités demeure dans sa totalité. Car tout le monde le reconnaît aujourd’hui : ce sont les finances locales dans leur ensemble que vous avez mises en cause. Transferts de compétences non financés, suppression de la taxe professionnelle, gel des dotations aux collectivités, interdiction de financements croisés, participation minimale des collectivités maîtres d’ouvrage : nos territoires devront choisir entre l’explosion financière et l’impuissance !
Ce texte de loi est un coup de plus sur leurs budgets. Et c’est un coup de trop. Certains départements se déclarent aujourd’hui en état de faillite virtuelle. Ne serait-ce que pour maintenir l’investissement public dans nos territoires, il est de notre devoir aujourd’hui de repousser ce projet de loi.
Après la réforme des retraites, si injuste pour les femmes, la réforme des collectivités territoriales enfonce le clou de la régression tous azimuts sur le plan de l’égalité entre les sexes. Le mode de scrutin retenu par l’UMP pour lui permettre de renforcer son bouclier électoral aura pour conséquence une diminution sans précédent du nombre de femmes élues dans les hémicycles locaux.
Et ce n’est pas le nouveau système de financement des partis, adopté à la dernière minute en CMP, qui changera quoi que ce soit à ce déplorable constat. Les incitations financières ont depuis longtemps fait la preuve de leur totale inefficacité en matière de parité. Le mode de scrutin proportionnel qui existait pour la désignation des conseils régionaux permettait, lui, la parité : vous l’avez supprimé ! Alors que les femmes étaient en nombre égal aux hommes dans les conseils régionaux, elles formeront vraisemblablement à l’avenir moins de 20 % de l’effectif total des futurs conseillers territoriaux. C’est une régression historique ! L’exigence constitutionnelle de parité est bafouée.
Devant le faux compromis qui nous est présenté, il importe de rappeler combien les autres dispositions de cette contre-réforme sont également contraires à l’intérêt de nos territoires.
Premièrement, la création du conseiller territorial, c’est deux fois moins d’élus, donc moins de proximité, moins de lien social, moins de démocratie et, à l’inverse, plus de technocratie et de bureaucratie dans nos territoires.
Deuxièmement, le choix scandaleux fait par la CMP de retenir le seuil de 12,5 % des inscrits pour la qualification au second tour des élections territoriales va signer la fin du pluralisme dans notre pays. Plus de 12,5 % des inscrits, c’est plus de 25 % des suffrages exprimés ! En réalité, la mesure retenue revient à imiter le mode de scrutin uninominal à un tour que le Gouvernement avait proposé à l’origine, afin de permettre à l’UMP d’arranger ses résultats électoraux. Dans un très grand nombre de cas, il n’y aura qu’un seul candidat au second tour ! Le risque est majeur pour notre pays de basculer dans le bipartisme à l’anglo-saxonne.
Troisièmement, métropoles et pôles métropolitains entérinent une vision inégalitaire du développement et de l’aménagement du territoire. L’UMP donne plus aux territoires riches et moins aux territoires relégués ou enclavés. La ruralité et les quartiers populaires n’intéressent ni le Gouvernement ni la majorité !
Les députés communistes, républicains et du parti de gauche ont un autre projet territorial que celui que vous voulez imposer aux élus locaux. Nous avons un projet axé sur la proximité entre les élus et les citoyens, là où le vôtre diminue par deux le nombre d’élus, en fait des techniciens coupés de leurs électeurs et cumulant deux fonctions, avec une charge de travail colossale.
Nous avons un projet fondé sur des intercommunalités souples et des intercommunalités de projets quand le vôtre cherche à supprimer les syndicats de communes et les syndicats mixtes, qui permettent pourtant le maintien d’une forte présence des services publics, y compris dans les zones rurales ou les petites communes.
Nous avons un projet fondé sur la libre administration des collectivités territoriales, là où le vôtre confie au préfet le soin de dessiner à la hache la carte de l’intercommunalité.
Nous avons un projet qui ne tourne pas le dos à la ruralité, où les fermetures de bureaux de poste, de gares et de services publics sont autant de catastrophes ! Le vôtre, au contraire, aggrave cette disparition de l’intervention publique dans nos territoires.
Nous avons un projet qui s’appuie sur nos 36 000 communes et sur leurs maires, ces élus de proximité plébiscités par les Français qui font vivre la République au jour le jour, pour répondre aux besoins de leurs administrés.
Vous, vous défendez une réforme qui supprime des communes, regroupe des municipalités et transfère les impôts et les pouvoirs des maires à des structures bureaucratiques sans âme.
Nous, nous proposons un projet territorial fondé sur l’humain et la dimension humaine de nos territoires, là où le vôtre créé des entités globales, des grands ensembles, comme les métropoles, les pôles métropolitains et les communes nouvelles, ces vastes usines à gaz technocratiques et sans visage, uniquement vouées à la compétitivité.
Nous voulons un projet où l’investissement public, sans relâche, irrigue les territoires en difficulté. Le vôtre se concentre sur les grandes aires métropolitaines déjà développées ; il oublie tous nos territoires relégués, enclavés, désertés, à la périphérie des grandes villes ou dans nos territoires ruraux. Pas un mot sur ceux-là !
Nous voulons que l’intervention publique permette un développement égalitaire des territoires. Ce projet de loi, au contraire, prive les collectivités territoriales de leur autonomie fiscale, supprime la taxe professionnelle qui était leur première ressource et interdit les cumuls de financements entre communes, départements et régions, qui seuls permettent la réalisation de projets d’envergure ou d’urgence.
Nous proposons une réforme des territoires fondée sur le soutien et la création d’emplois publics, si importants dans la lutte contre la crise, quand votre projet a pour objectif principal la suppression de dizaines de milliers de postes de la fonction publique territoriale pour livrer les services publics locaux au privé et supprimer les moins rentables.
Les députés communistes, républicains et du parti de gauche se font les porte-parole des élus et des citoyens en votant contre la bérézina législative qu’est ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
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