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Collectivités territoriales : réforme des collectivités

Monsieur le secrétaire d’État, hier, dans le cadre des explications de vote sur la motion de rejet préalable, j’ai eu l’occasion de rappeler les motivations profondes du projet de réforme que vous nous présentez. Reprenant les arguments du Gouvernement et de la commission, j’ai rappelé que l’objectif principal de la réforme des collectivités territoriales était la maîtrise des dépenses sociales et publiques. Il s’agit d’obtenir que les collectivités territoriales prennent leur part de l’effort collectif.
L’objectif de la réforme est de combler le retard en matière de compétitivité et d’engager les territoires dans la voie de la performance. Ce que vous avez omis de dire, mais qui se devinait dans vos propos, c’est qu’il y a des espaces nouveaux à offrir au marché. Certains groupes n’attendent que le moment où les collectivités territoriales ne seront plus à même d’assumer les services publics locaux. Ils les prendront alors en charge pour en tirer profit et se faire de l’argent ! Inutile de préciser que ces services ne seront plus rendus de la même manière.
Je souhaite appeler votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur le devenir des territoires ruraux, question que vous connaissez bien puisque, pendant de longues années, vous avez occupé la fonction de maire dans le département du Cantal. L’inquiétude, voire l’angoisse des populations des territoires vous est donc familière. Si j’avais une seule question à vous poser ce serait de savoir si vous pensez réellement que la création des conseillers territoriaux permettra de mieux répondre aux besoins des populations.
Pensez-vous réellement que l’avenir des territoires ruraux sera mieux assuré ? Les élus pourront-ils continuer à travailler dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui ? Les liens avec les populations, les associations locales, les conseils municipaux, l’ensemble des acteurs pourront-ils perdurer ? J’en doute car ils siégeront à la fois au conseil général et au conseil régional, et ils devront remplir des fonctions assignées par l’État – pour l’essentiel des fonctions de décentralisation de compétences transférées. Bref, ce seront de simples fonctionnaires appliquant les politiques de l’État et ne disposant d’aucune marge de manœuvre pour conduire des politiques locales.
Imaginons un instant quel sera effectivement le travail des conseillers territoriaux. Tout le monde sait, et vous au premier chef, monsieur le secrétaire d’État, que petit à petit ils s’éloigneront de la population. La proximité et le lien républicain entre les élus et la population se perdront. Il s’agit là d’une réelle remise en cause de la démocratie locale.
Hier vous êtes allé jusqu’à dire que les conseillers régionaux étaient des ovnis. Ce n’était pas très sympathique pour les élus d’Auvergne, à commencer par vous-même, pour M. Brice Hortefeux ou pour moi. Très sincèrement, je ne pensais pas être un ovni !
Mais avec les conseillers territoriaux, vous créez vraiment un corps d’ovnis, qui s’éloigneront du terrain et de la démocratie locale : tel est votre but.
Ce faisant, vous êtes en contradiction avec les ambitions que vous affichiez, notamment le 11 mai 2010 dans le cadre du comité interministériel pour l’aménagement et le développement du territoire. N’annonciez-vous pas un plan d’action en faveur des territoires ruraux ? Il fallait assurer une meilleure accessibilité, favoriser le développement économique, améliorer la vie quotidienne des populations.
Vous y décliniez projets et orientations. Ne mettiez-vous pas en avant le rôle majeur des acteurs locaux ? Mais pour que les propositions du CIADT puissent réussir, il faut des élus de terrain, car ce sont eux qui tissent les liens entre la population, les associations, les collectivités territoriales. Or les conseillers généraux, en particulier, sont des élus de proximité. C’est eux qui sont le mieux à même de faire aboutir des projets de territoire, pour améliorer le quotidien, préparer l’avenir, créer de l’emploi, accompagner l’agriculture grâce à leur grande connaissance du terrain, de l’institution départementale, et aux contacts qu’ils ont avec la population. Avec votre projet, tout cela sera terminé !
Vous pouvez toujours, en claironnant, vous référer aux grandes orientations du CIADT, mais, en fait, vous organisez la désertification des campagnes car il sera impossible aux conseillers territoriaux, trop éloignés des populations, de conduire des politiques publiques, notamment en raison de l’assèchement des ressources des collectivités.
L’INRA a publié un excellent travail sur les nouvelles ruralités en 2030 en s’interrogeant sur ce que sera la nature de la dynamique entre les villes et les campagnes. Sur les quatre scenaris possibles, tous s’appuient sur les acteurs locaux, les élus de terrain. Cette réalité-là, vous la remettez également en cause.
Jusqu’à présent, les Français n’ont pas compris les conséquences de votre réforme, mais je peux vous assurer que, grâce à nos arguments, ils prendront conscience de ce qui est en train de se passer. Pour la première fois, cinq associations d’élus de gauche ont donné une conférence de presse et présenté un texte commun sur le projet de réforme des collectivités territoires. Une première !
Les élus du Mouvement républicain et citoyen étaient représentés par leur président. Les élus Verts et écologistes étaient présents, ainsi que ceux de la Gauche radicale et républicaine. Les élus socialistes étaient représentés par Claudy Lebreton Moi-même, je représentais les élus du groupe communiste et républicain. Bref, les cinq associations d’élus de gauche se sont réunis ce matin afin de rendre public un texte commun qui souligne la menace sérieuse que représente votre projet pour l’intervention publique locale. C’est un appel à tout le pays – élus et populations – en faveur d’un nouveau pacte républicain entre l’État et les collectivités que nous lançons.
Votre projet de loi casse le pacte républicain : nous allons, quant à nous, le reconstruire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
Voir cette intervention sur le site de l'Assemblée Nationale

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