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CMP - Pt retenue pour vérification du droit au séjour et modification du délit d’aide au séjour irrégulier

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.
M. Marc Dolez. Madame la présidente, monsieur le ministre, comme je l’ai largement expliqué en première lecture, pour les députés du Front de gauche, les réponses apportées par ce texte ne sont pas les bonnes.
Je me contenterai de rappeler brièvement les raisons de notre opposition à une procédure spécifique aux étrangers, destinée à vérifier le bon respect des règles administratives en matière de séjour.
La création de cette mesure spécifique nous apparaît inutile, d’abord parce que le droit positif actuel dispose déjà d’une procédure pour le contrôle de l’identité d’une personne – qu’elle soit française ou étrangère – à l’article 78-3 du code de procédure pénale.
Ensuite, comme l’ont constaté la CIMADE et la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le nombre des placements en rétention est resté relativement stable depuis que la garde à vue n’est plus possible, ce qui atteste bien que la procédure de vérification d’identité de droit commun est suffisante et ne fait pas obstacle à la politique d’éloignement des étrangers.
Enfin, la procédure de rétention est excessivement longue, la privation de liberté pendant seize heures étant manifestement excessive au regard tant de la finalité de la mesure que de l’absence de toute infraction.
En outre, le contrôle de la régularité de la procédure n’est pas garanti. L’information systématique donnée au procureur de la République ne saurait en effet garantir que la détention n’est pas arbitraire, au sens de l’article 66 de la Constitution. Le parquet n’est pas une « autorité judiciaire » au sens de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme et ce contrôle, comme le soulignent la CNCDH et le syndicat de la magistrature, apparaît en pratique parfaitement illusoire en raison de la surcharge dont souffrent les parquets.
Nous avons, certes, bien enregistré la nomination prochaine d’un parlementaire en mission, chargé d’examiner la question de la garantie juridictionnelle des droits des étrangers et de préparer un nouveau texte. Il n’en reste pas moins que, actuellement, les conditions d’un contrôle juridictionnel effectif et rapide de la retenue ne nous semblent pas réunies.
Nous considérons aussi que les droits accordés à la personne retenue sont insuffisants. Ils devraient être définis en prenant en considération tant les modalités de la mesure que ses finalités, lesquelles vont bien au-delà de la simple vérification d’identité. Au regard des conséquences dramatiques qui peuvent résulter du placement en retenue, les droits accordés à l’étranger retenu ne sauraient être moins protecteurs que ceux accordés aux personnes placées en garde à vue.
Si plusieurs amendements ont été adoptés en première lecture pour renforcer l’assistance de l’avocat, il n’y a pas eu d’avancée sur le droit de garder le silence ou sur l’encadrement du port des menottes et entraves.
Au terme de nos débats, chacun aura compris que le dispositif ad hoc ainsi créé vise à laisser le temps à l’administration de prendre les mesures nécessaires à l’éloignement. La retenue des étrangers, loin de constituer une simple mesure de vérification administrative, se substitue en fait à la garde à vue comme antichambre des mesures d’éloignement.
Par ailleurs, si le projet de loi supprime le délit de séjour irrégulier, il crée le délit de maintien sur le territoire lorsque des mesures coercitives propres à permettre l’exécution de l’éloignement ont été effectivement mises en œuvre.
Certes, la mise en conformité du droit français imposait au Gouvernement d’abroger l’article L.621-1 du CESEDA, qui prévoit et réprime le séjour irrégulier alors même que l’autorité administrative n’aura pas effectivement mis en œuvre toutes les mesures propres à y mettre fin et qui relèvent de sa compétence. Mais cela n’obligeait pas à créer ce nouveau délit.
Enfin, le projet de loi ne supprime pas le délit de solidarité, mais élargit le régime des immunités pénales prévues en matière d’aide au séjour irrégulier. Pour autant, cet élargissement ne permet pas de soustraire au risque de poursuite certaines personnes fournissant une assistance à des étrangers en situation irrégulière.
Il aurait été préférable de redéfinir ce délit en excluant explicitement l’aide sans but lucratif, d’autant que la directive de novembre 2002 définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irrégulier fait expressément référence à la notion de « but lucratif ».
Nous regrettons que la définition du délit d’aide au séjour irrégulier ne permette pas d’éviter que d’autres personnes que les réseaux mafieux soient inquiétées.
C’est pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, que les députés du Front de gauche confirment leur vote contre ce projet de loi.

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