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Bilan du CICE

Monsieur le secrétaire d’État, je ne ferai pas un procès au CICE ; je me limiterai à un réquisitoire. (Sourires.)
Premier constat : le CICE est le pilier du bien mal nommé « pacte de responsabilité ». Deuxième constat : il grève nos finances publiques de quelque 20 milliards d’euros par an.
Vu qu’il a été mis en place en 2013, il serait temps de tirer des conclusions sur ses effets réels au regard des indicateurs qui devraient conduire l’action publique aujourd’hui – je pense en particulier à l’évolution du chômage. Les chiffres viennent de tomber : le nombre de demandeurs d’emploi est en hausse au mois de février ; on compte aujourd’hui près de 3,6 millions de chômeurs en catégorie A. Vous constaterez avec moi que le pacte de responsabilité n’est venu en rien enrayer la progression inexorable du chômage et qu’il est, plus généralement, inefficace en matière de création d’emplois !
Nous dénonçons cette politique du crédit d’impôt, sans ciblage et sans contrepartie – peu importent les mots utilisés. Nous estimons que l’on gaspille là nos ressources fiscales pour réduire un coût du travail prétendument trop élevé, comparé à nos voisins européens.
En réalité, le véritable frein à l’activité et à la création d’emplois, ce ne sont pas les marges des entreprises ni une quelconque rigidité du code du travail. L’enjeu, c’est de redonner de la confiance, d’offrir des perspectives et de remplir les carnets de commandes ! Ce sont d’ailleurs des propos que vous avez pu tenir par le passé ou que vous tiendrez demain, monsieur le secrétaire d’État…
À cet égard, les collectivités territoriales jouent un rôle considérable en matière d’investissement public local. La baisse des dotations aux collectivités a eu des conséquences dramatiques sur l’activité, comme le rapport de notre collègue Sansu – qui a été « sansuré » (Sourires) – a voulu le montrer.
D’après plusieurs sources, le Gouvernement envisagerait de revenir sur la nouvelle baisse des dotations de 3,7 milliards d’euros prévue pour 2017. Vous vous doutez bien qu’une telle décision, empreinte de sagesse et de lucidité, aurait notre assentiment : voilà qui nous permettrait de valoriser votre action ! (Sourires.)
Pourriez-vous nous éclairer sur les intentions du Gouvernement sur ce point ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le président Chassaigne, à votre réquisitoire, je répondrai par une plaidoirie ! (Sourires.)
M. André Chassaigne. Une péroraison ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne pourrai cependant pas répondre à tous les chefs d’accusation, d’autant que vous avez étendu le procès à d’autres questions !
Pour commencer, essayons de nous rajeunir de quelques années. Souvenez-vous : fin 2012, M. Gallois remettait un rapport qui montrait qu’au cours des dix dernières années, notre industrie avait connu une perte de compétitivité massive. Il suggérait donc – et tout le monde avait trouvé ce rapport plus qu’intéressant – d’abaisser le coût du travail dans notre pays, de manière à provoquer un regain de compétitivité et une restauration des marges, tous éléments nécessaires à la reprise et à l’investissement. Or, mesdames et messieurs les députés, à l’époque, nous n’avions pas le sou : le déficit public de notre pays atteignait les 150 milliards d’euros ou presque. Cela a été rappelé ici même par le Premier ministre cet après-midi.
Disons-le clairement : le CICE a eu l’avantage de profiter aux entreprises dès l’année 2013, puisqu’elles pouvaient le rattacher à la comptabilité de cette année-là, alors qu’il n’affectait le budget de l’État qu’en 2014 : nous avons donc fait de la « cavalerie », et ce de manière parfaitement légale. C’est la principale raison qui m’a conduit à changer de position, monsieur le député – car j’étais au départ plutôt réservé.
Quant à la baisse des dotations, le Premier ministre a répondu tout à l’heure à cette question, ainsi que Jean-Michel Baylet. Nous sommes actuellement en discussion avec les différentes associations d’élus. Cet après-midi, l’Association des régions de France a signé avec l’État une plateforme d’engagements mutuels. Il y aura d’autres échéances, mais au stade actuel, la réduction de la trajectoire de nos déficits publics nécessite la poursuite de la baisse des dotations – c’est en tout cas ce qui sera indiqué dans le programme de stabilité. Pourra-t-il y avoir des inflexions ? Cela a été évoqué ici ou là. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas au secrétaire d’État au budget de répondre à cette question ce soir, dans le cadre d’un débat sur le CICE.
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour une deuxième question.
M. André Chassaigne. Monsieur le secrétaire d’État, le Comité de suivi des aides publiques aux entreprises, présidé par le Premier ministre, s’est réuni le 15 février dernier, en présence de la ministre du travail et du ministre des finances. Pour rappel, l’une des missions de ce comité, mis en place fin 2014, est de faire l’évaluation du respect des engagements pris par les entreprises en matière d’emploi et de formation professionnelle dans le cadre de la mise en place du pacte de responsabilité, dont le coût total annuel est estimé, rappelons-le, à 41 milliards d’euros pour 2017, quand il aura atteint son point culminant : 41 milliards d’euros annuels de baisses d’impôt et de cotisations sociales pour les entreprises !
La mise en place du pacte de responsabilité devait s’accompagner d’accords en matière d’emploi au niveau des branches professionnelles. Or, à ce jour, sur les cinquante branches professionnelles suivies par le Comité, seules seize ont conclu un accord, prétendument dans le cadre du pacte, et seules trois – trois ! – ont pris des engagements en matière de créations nettes d’emplois.
Quelles conclusions tirez-vous de ces chiffres ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour ajuster le tir et faire en sorte que l’argent public ainsi mobilisé ne soit plus gaspillé, mais qu’il se concrétise par des créations d’emplois ?
M. le Premier ministre a indiqué qu’une réorientation ou un ciblage de ces aides étaient possibles. Qu’en est-il réellement ? Quels engagements concrets le Gouvernement peut-il prendre devant la représentation nationale afin de contraindre le patronat à prendre enfin ses responsabilités ?
Enfin, nos inquiétudes sont réelles quant à un basculement définitif du CICE vers une baisse durable des cotisations sociales. Nous considérons qu’une étude d’impact doit être réalisée en amont, de manière à évaluer les conséquences qu’aurait un tel basculement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Merci de votre question, monsieur le président Chassaigne ; vous disposez d’ailleurs déjà d’une partie de la réponse, puisque vous vous êtes montré attentif aux propos tenus par le Premier ministre le 15 février 2016.
Le Premier ministre a dit, en substance – je le cite : « La tranche 2017 du pacte de responsabilité et de solidarité pourra être amenée à évoluer ». Il a tiré les conclusions des chiffres que vous avez rappelés, à savoir que seules seize branches professionnelles sur cinquante avaient conclu un accord. Certes, ces branches représentent un tiers de l’emploi salarié privé, soit 5 à 6 millions de salariés, mais cela reste insuffisant. Le Premier ministre a dit que le bilan n’était pas satisfaisant et qu’il fallait accélérer.
S’agissant des échéances à venir, je rappelle qu’il a été demandé au Comité de suivi des aides publiques aux entreprises d’examiner quels seraient les effets d’une transformation du CICE en exonérations de cotisations sociales, notamment pour les salaires autour du SMIC. Je l’avais déjà évoqué tout à l’heure en réponse à une question de votre collègue Alauzet. Ces rendez-vous auront lieu avant l’été.
Vous soulignez la nécessité d’une étude d’impact avant d’engager une démarche de ce type, mais ce sera bien entendu le cas. Tel était d’ailleurs le sens de la conclusion de ma réponse à Éric Alauzet ; il faudra avoir tous les éléments en main : année simple, année double, coûts budgétaires, faisabilité pour les salaires au SMIC, enfin évaluation pour l’ensemble des secteurs des poids respectifs de ces deux dispositifs : allégements de charges ou CICE.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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