Nous sommes invités à nous prononcer sur un amendement à l’article 6 du protocole de Londres qui, au terme de l’adoption de la résolution du 30 octobre 2009, autorise l’exportation ou l’importation de dioxyde de carbone à des fins de séquestration géologique, notamment sous-marine.
Nous pourrions nous interroger sur les raisons pour lesquelles la France se propose de ratifier cette résolution, près de quinze ans après son adoption. La raison en est qu’elle a récemment conclu deux accords bilatéraux : avec la Norvège en janvier 2024 et avec le Danemark en mars 2024.
Si l’accord avec la Norvège concerne essentiellement la mise en œuvre d’une coopération commerciale visant à faciliter la mise en relation des entreprises spécialisées dans le stockage du dioxyde de carbone, l’accord franco-danois prévoit explicitement le transport transfrontalier du CO2 des fins de stockage géologique permanent. D’autres projets sont en cours, comme celui avec l’Italie.
Le sujet qui nous occupe pose à cet égard de nombreuses questions. Nous n’avons pas d’opposition de principe au développement des technologies de stockage de carbone. Le Giec lui-même considère la capture et la séquestration du carbone comme une option crédible pour contribuer à la réduction des émissions provenant de grands systèmes industriels ou énergétiques.
L’Agence internationale de l’énergie estime quant à elle que le CSC permettrait de réduire d’environ 10 % les émissions mondiales de gaz à effet de serre à horizon 2050.
Ce qui pose sérieusement question dans ce texte, qui autorise à exporter son dioxyde de carbone si l’on ne dispose pas soi-même de capacités de séquestration, c’est qu’il met en relief le manque cruel de volonté de la France de réduire efficacement ses émissions de carbone et de développer ses propres solutions. (Mme Christine Arrighi applaudit.) L’Agence de la transition écologique a montré que, compte tenu des effets néfastes du transport au-delà de 200 kilomètres, les sites de stockage doivent être les plus proches possible de la source d’émissions de CO2. Or vous nous proposez aujourd’hui d’exporter du CO2 pour qu’il soit stocké en mer du Nord !
Une fois de plus, le milieu marin va servir d’exutoire pour les déchets résultant des activités humaines : il sera l’immense tapis sous lequel on amoncelle la poussière. Une fois de plus, la France se décharge de ses responsabilités sur des pays tiers : elle ne va pas s’assurer que de telles activités ne nuisent pas aux écosystèmes marins ; elle s’en remettra aux dispositifs de surveillance créés par d’autres États, au risque de diluer sa propre responsabilité environnementale. Or le stockage souterrain, comme sous-marin, n’est pas sans risque pour l’environnement : risques de fuites, sismicité induite, pollution des nappes…
Nous ne pouvons souscrire à cette approche, à cette logique de fuite en avant qui sert d’alibi aux industriels pour continuer à émettre massivement du CO2, plutôt que d’investir dans la décarbonation de leur outil de production. Les solutions de captage et de stockage de carbone ne doivent servir que de solutions palliatives, ne concerner en somme que les émissions résiduelles inévitables, ce que l’on pourrait appeler le CO2 ultime. Elles n’ont pas vocation à servir de subterfuge. Or c’est exactement ce que vous nous proposez avec ce texte.
Nous avons devant nous d’immenses défis à relever, tant en matière de lutte contre le réchauffement climatique, que d’adaptation à ce changement. Or cette adaptation deviendra impossible si nous atteignons le seuil de 4 degrés Celsius de réchauffement. Nous devons donc investir massivement dans la sortie des hydrocarbures et l’électrification des usages, dans l’efficacité et la sobriété énergétique – une sobriété choisie et non subie –, dans l’accompagnement des entreprises, des agriculteurs et des salariés pour gagner le pari d’une transition socialement et économiquement juste.
Pour la majorité, l’enjeu est ailleurs, nous l’avons bien compris : il s’agit d’ouvrir à nos entreprises industrielles les plus émettrices l’accès au marché du stockage international afin de leur offrir une alternative compétitive face à l’augmentation des quotas de carbone en Europe. C’est une réponse à courte vue, révélatrice d’un certain mépris – ou d’un profond aveuglement – face aux enjeux sociaux et environnementaux cruciaux que soulève le changement climatique. Le groupe GDR votera donc résolument contre le projet de ratification que vous nous présentez. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI et EcoS.)
Discussions générales
Amendement du protocole de Londres à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers
Publié le 10 avril 2025
Jean-Paul
Lecoq
Député
de
Seine-Maritime (8ème circonscription)