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Aménagement du territoire : mesures urgentes en faveur du logement

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
Mme Marie-Hélène Amiable. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, près de huit Français sur dix estiment aujourd’hui qu’il est difficile de trouver un logement et 56 % d’entre eux craignent de devenir un jour SDF.
Derrière ces chiffres se dessine une tendance forte, celle d’une crise généralisée du logement. Contrairement à ce qu’affirment le Gouvernement et les députés de la majorité, il n’y a pas de « crises géographiquement délimitées », pour reprendre les termes de M. Piron, mais bien une dégradation générale et sans précédent du droit au logement sur l’ensemble du territoire.
Il y a évidemment des zones plus tendues que d’autres, notamment l’Île-de-France et les régions Rhône-Alpes et PACA, mais nous faisons face à une crise qui n’épargne malheureusement aucun territoire. Et contrairement à ce que vous déclarez, les racines de cette crise sont identiques sur l’ensemble du pays.
J’en pointerai trois, qui sont intimement liées.
Premièrement, la faiblesse de l’offre. Il manque 900 000 logements en France. D’ailleurs, notre pays, faut-il le rappeler, a été condamné en 2009 par le Conseil de l’Europe pour insuffisance de logements abordables.
Deuxièmement, l’envolée des prix et la crise du pouvoir d’achat. Depuis 1990, les prix du neuf ont augmenté en moyenne de 5,5 % par an. À Paris, les prix au mètre carré ont bondi de 146 % en dix ans, et de 17,5 % pour la seule année 2010. Entre 1999 et 2010, l’endettement immobilier des Françaises et des Français a doublé.
Enfin, la baisse des financements du logement social. Depuis 2002, la majorité empile les lois de libéralisation de l’immobilier et entretient le sous-financement du logement social. Depuis 2007, la baisse cumulée des programmes « Politique de la ville » et « Développement de l’offre de logement » s’établit à près d’un milliard ! Les aides à la pierre ont fondu comme neige au soleil. L’État ne finance plus les PLUS qu’à hauteur de 800 euros par unité et de 10 000 euros pour les PLAI. À cet égard, dans le bilan que vous présentiez tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, il aurait été intéressant de préciser la typologie des logements sociaux, ainsi que la part, dans ce bilan, de la vente des 32 000 logements ICADE en Île-de-France.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Bien sûr !
Mme Marie-Hélène Amiable. Face à ce constat, il nous faut proposer une loi de rupture, une transformation structurelle de la politique du logement dans notre pays. C’est le sens de la proposition de loi établissant un programme d’urgence pour le logement et de lutte contre la spéculation immobilière, qui a été déposée par les députés communistes, républicains et du Parti de gauche le 15 mars dernier. Face à la marchandisation du logement portée par la majorité, nous proposons de développer des mesures qui sortent celui-ci du champ du marché. Il faut rompre avec les logiques actuelles qui président à l’action publique en la matière. Nous devons nous attaquer aux racines de la crise, que je détaillais en amont.
La proposition de loi déposée par nos collègues du groupe SRC s’y attelle en développant une série de dispositions d’urgence pour le logement. Ce texte n’est évidemment pas exhaustif, les contraintes liées à l’exercice de la niche parlementaire restreignant beaucoup les possibilités d’action et de proposition de l’opposition.
Cela dit, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche partagent les axes d’intervention mis en avant par ce texte. Je pense notamment aux mesures de développement de l’offre de logements, avec le renforcement de la loi SRU et la construction de 750 000 logements sociaux. En ce qui nous concerne, nous proposons d’imposer un taux minimal de 25 % de logements PLAI et PLUS sur tout le territoire, et de 30 % en zones tendues. Les députés socialistes maintiennent un seuil unique de 25 %, créent une obligation de 10 % pour les communes de 1 500 à 3 500 habitants et proposent un coefficient variable selon le type de logement dans le calcul de ce seuil. Il nous semble que ces deux approches convergent sur le nécessaire renforcement de la loi SRU. Nous soutenons donc vos propositions.
Dans le titre Ier de la proposition de loi, vous encadrez les loyers à la relocation et les investissements privés locatifs. Ces deux mesures vont dans le bon sens, même si ces dispositions devraient également concerner, à notre sens, le niveau actuel des loyers, déjà prohibitif, notamment à Paris. Aujourd’hui le concept de parcours résidentiel est totalement galvaudé par l’inaccessibilité du parc locatif privé. Nous croyons que nous sommes arrivés à une situation telle qu’une déflation du niveau des loyers est devenue indispensable. En ce qui concerne les investissements privés locatifs, nous aimerions connaître la position du groupe SRC quant à leur montant et à la place qui leur serait accordée dans la loi de finances.
Votre position est très claire concernant le PTZ+, et nous la partageons, mais elle est plus imprécise concernant les avantages fiscaux.
La proposition de loi présente ensuite une série de mesures concernant le foncier. La création obligatoire d’un établissement public foncier régional est une solution qui nous paraît adaptée ; la maîtrise des terrains est en effet un des enjeux majeurs de la sortie de crise. Vous proposez ainsi que l’État et les entreprises dans le capital desquelles l’État est majoritaire vendent leur patrimoine foncier en deçà de sa valeur vénale s’il est destiné à des programmes de construction de logements sociaux.
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est déjà le cas !
Mme Marie-Hélène Amiable. La proposition est d’autant plus intéressante que certaines entreprises publiques n’hésitent pas à jouer le jeu de la spéculation. Qu’en sera-t-il en revanche des dispositions applicables au foncier privé ? La politique foncière de l’État ne saurait, de notre point de vue, se limiter au seul foncier public.
Enfin, les différentes mesures concernant la lutte contre la vacance sont aussi assez proches des propositions que nous défendons en la matière. Nous émettons cependant quelques doutes sur l’instauration d’une taxe sur les bureaux vacants, alors même que nous n’avons pas encore fini de subir les effets de la crise économique et que nous nous accordons tous pour un développement équilibré de nos territoires entre logement et activité. Concernant l’instauration d’un système de garantie des risques locatifs et le renforcement de l’intermédiation locative, nous jugeons ces pistes très intéressantes. Il faut en effet sécuriser les rapports entre propriétaires et locataires. La garantie des risques locatifs est une solution qui pourrait se coupler, comme nous le proposons, avec la suppression de la caution. Enfin, la création d’un permis de louer nous paraît être adaptée à la lutte contre l’habitat indigne.
Avant de conclure, je souhaite revenir à quelques autres aspects de ce texte. Nous nous réjouissons que le rapporteur ait pris l’initiative de présenter des amendements concernant les expulsions. C’était effectivement un des manques de ce texte, alors que chaque année 100 000 jugements d’expulsion sont prononcés. Par ailleurs, nous aurions souhaité une remise en cause des principales dispositions de la loi MOLLE : le conventionnement obligatoire, la vente du patrimoine HLM, la baisse des plafonds de ressources, la réforme du 1 %, la fin du droit au maintien dans les lieux ainsi que de la taxation imposée aux bailleurs sociaux dans le PLF 2011.
Enfin, le rapporteur avait répondu en commission à mon collègue Pierre Gosnat que vous n’aviez pas fait le choix d’une centralisation à 100 % du livret A à la CDC car c’était contraire à la législation européenne. Or, s’il est vrai que Bruxelles a imposé la fin du monopole de la distribution du livret A, elle n’a jamais demandé la décentralisation de sa collecte. Je crois que sur ce point, nous devons, députés de gauche, défendre bec et ongles le fruit de l’épargne populaire.
Malgré ces différences, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche approuvent l’économie générale du texte et voteront donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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Marie-Hélène
Amiable

Députée des Hauts-de-Seine (11ème circonscription)
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