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Discussions générales

Adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (CMP)

Nous discutons aujourd’hui d’un texte portant transposition de diverses directives européennes. « Diverses » est un euphémisme tant le nombre de directives et de domaines que ces dernières entendent réglementer sont nombreux. Finance, énergie, transport, santé, circulation des personnes : tout y passe.
Alors qu’il y a quatre ans, les députés Jean-Louis Bourlanges et André Chassaigne –⁠ grand député, alors membre de la commission des affaires européennes –, publiaient un rapport d’information sur les méthodes de transposition des directives européennes qui insistait ardemment sur l’importance de « conserver une cohérence thématique » au sein des textes concernés, on ne peut constater que vous avez fait fi de leurs recommandations. Ce texte fourre-tout comprend nombre de dispositions problématiques.
On note certes quelques avancées, telles que le renforcement du pouvoir de contrôle de l’Autorité des marchés financiers (AMF) sur les transactions et la gouvernance de l’entreprise ainsi que l’ouverture de l’intérêt à agir, pour une action de groupe, à des associations déclarées depuis au moins deux ans et à des associations ad hoc. Mais ces mesures, d’ailleurs très floues, ne sont que l’arbre qui cache la forêt. Partout dans ce texte, au milieu d’un flot ininterrompu d’harmonisations sans effet notable, vous insérez des dispositions qui auront pour effet d’affaiblir notre cadre juridique dans de nombreux domaines.
En matière financière, vous autorisez le nantissement par crypto-actifs –⁠ vous permettez donc, pour garantir une transaction, de mettre en gage des cryptomonnaies telle que le bitcoin. Alors que notre économie voit déjà sa stabilité en partie menacée par les aléas des marchés financiers, vous proposez de lui faire prendre encore plus de risques en la faisant reposer sur des monnaies qui n’ont d’autre intérêt que la spéculation. Si cette disposition créée un appel d’air et que cette méthode de nantissement se systématise, un effondrement des cours sur fond de panique financière risquerait de ne pouvoir être stoppé.
En matière de droit du travail dans le domaine ferroviaire, en supprimant le renvoi à l’arrêté ministériel du 7 mai 2015 fixant la liste des tâches critiques pour la sécurité ferroviaire qui justifieraient la vérification par un médecin des aptitudes physiques ou psychologiques et en laissant aux exploitants la charge de les définir, vous affaiblissez les droits des travailleurs –⁠ les Ddadue sont comme toujours de véritables chevaux de Troie pour tenter de mettre en pièces le droit du travail et la protection des travailleurs.
En matière de régulation, en allongeant de cinq à dix ans la durée des contrats de régulation économique et aéroportuaire, vous limitez la capacité de l’État à ajuster les conditions contractuelles en fonction des évolutions du marché. Vous risquez ainsi de déséquilibrer ces contrats après cinq années d’application, au détriment des usagers et passagers. Or cela n’était nullement exigé par l’Union européenne.
En matière environnementale, alors que chaque année est plus chaude que la précédente et que toutes celles de l’ère industrielle, que les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) ont augmenté de presque 60 % en trente ans et que l’essentiel des garanties environnementales sont assurées par des règles de soft law, vous modifiez le code de commerce pour exonérer les filiales de l’obligation de publier un rapport environnemental dès lors que la société mère en présente un. Vous faites de nouveau des cadeaux incompréhensibles à des multinationales ; sous prétexte d’appliquer une logique qui vous est propre, vous vous en prenez un peu plus chaque jour à la transparence en matière d’environnement et rendez plus facile, pour les filiales, le maquillage des effets de leur activité.
Votre tendance à regrouper des textes sans rapport entre eux nuit à un travail législatif de qualité. De la même manière, vous proposez de réviser l’article L 311-10 du code de l’énergie afin d’autoriser le lancement de procédures de mise en concurrence pour l’octroi d’aides à des projets d’énergies renouvelables. Une telle disposition est de nature à accélérer le déploiement de l’éolien en mer en permettant de lancer des appels d’offres en vue de la réalisation d’installations de production d’une capacité supérieure aux objectifs prévus pour 2028, mais elle méconnaît le rôle du Parlement, qui doit normalement se prononcer sur toute modification des objectifs en matière d’énergie renouvelable dans le cadre des débats sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, pour garantir une approche cohérente de notre politique énergétique nationale. Le projet de loi Ddadue vous permet ainsi de revenir sur un principe que nous avions pourtant adopté.
La transposition des différentes directives aurait tout à fait pu être échelonnée et faire l’objet de plusieurs textes thématiques, ce qui aurait facilité l’examen approfondi de leurs dispositions. Vous ne pouvez pas vous cacher sans cesse derrière l’Union européenne pour tenter de faire reculer les droits. L’Union et sa réglementation trop libérale tendent à oublier les peuples, mais elle est aussi un prétexte facile.
Pour toutes ces raisons, le groupe de la Gauche démocrate et république ne saura voter favorablement pour le texte que vous nous soumettez –⁠ nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

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