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Activité professionnelle indépendante - CMP

Nous sommes appelés à nous prononcer sur le compromis trouvé entre les deux chambres concernant un texte dont l’objet principal est de séparer le patrimoine professionnel du patrimoine personnel des entrepreneurs individuels, en leur reconnaissant un nouveau statut.

Si cette séparation constitue, sur le principe, une évolution favorable du droit, nous demeurons très circonspects quant à ses conséquences concrètes. Les effets de cette réforme sur la protection des biens personnels des entrepreneurs individuels ne seront pas ceux escomptés. Afin de garantir l’efficacité du dispositif, il aurait fallu – nous l’avons dit en première lecture – supprimer la faculté laissée à l’entrepreneur de renoncer à la protection de son patrimoine personnel et interdire le cautionnement sur des biens personnels. Laisser la liberté à l’entrepreneur de renoncer au bénéfice de la séparation des patrimoines, c’est en fait laisser aux banques la liberté d’imposer des conventions de renonciation.

Votre approche libérale vous conduit, une fois de plus, à ignorer la réalité des rapports de force économiques. Le durcissement des formalités de conventionnement n’y changera rien. Vous nous répondrez sans doute qu’une réforme plus ambitieuse aurait eu des conséquences désastreuses, en bloquant l’accès au crédit des travailleurs indépendants. Votre texte nous conforte dans l’idée qu’il est primordial de doter notre pays d’une grande banque publique à même de proposer des prêts à taux zéro pour accompagner les entrepreneurs. À défaut, nous pourrions envisager l’instauration de prêts garantis par l’État.

Si nous doutons de l’efficacité de votre dispositif, nous prenons toutefois acte de votre souhait de lever les interrogations soulevées par le projet de loi en direction du monde agricole. Il écarte désormais, de manière plus explicite, du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel exerçant une activité agricole, les terres dont il est propriétaire et qu’il utilise pour son exploitation.

Vous avez par ailleurs souhaité rétablir l’habilitation du Gouvernement à réformer le régime de l’exercice sociétaire des professions libérales réglementées, que le Sénat avait très judicieusement supprimée.

Sans être favorables à ce rétablissement, nous reconnaissons que l’essentiel est préservé : le Gouvernement ne pourra pas, par voie d’ordonnance, élargir la part du capital ou des droits de vote que des investisseurs étrangers au monde des professions libérales peuvent détenir au sein d’une société d’exercice libéral. C’est un garde-fou utile.

Nous restons en revanche sur notre faim concernant l’assouplissement des conditions d’accès à l’allocation des travailleurs indépendants, puisqu’il ne s’accompagne d’aucune réévaluation ni du montant, ni de la durée de la prestation. La portée de cette mesure, qui était attendue, sera en outre restreinte par la création d’un délai de carence de cinq ans à la suite d’une défaillance.

Nous regrettons enfin que le projet de loi oublie les travailleurs des plateformes, qui subissent les effets d’un contournement honteux des garanties du salariat.

Le texte vous offrait pourtant l’occasion d’anticiper la transposition de la décision de la Commission européenne instaurant une présomption de salariat pour les travailleurs du numérique.

Au terme de l’examen du projet de loi, vous nous proposez de créer un statut qui, selon nous, ne résistera pas à l’épreuve du réel. Faute de partager l’enthousiasme – feint ou sincère – des promoteurs du texte, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’abstiendra.

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